Cinématraque https://www.cinematraque.com/ Si on avait du talent, on ferait des films Thu, 25 Apr 2024 06:32:13 +0000 fr-FR hourly 1 https://www.cinematraque.com/wp-content/uploads/2018/08/cropped-logo-cinematraque-alpha-32x32.png Cinématraque https://www.cinematraque.com/ 32 32 Challengers : match en trouple https://www.cinematraque.com/2024/04/24/challengers-match-en-trouple/ https://www.cinematraque.com/2024/04/24/challengers-match-en-trouple/#respond Wed, 24 Apr 2024 17:09:03 +0000 https://www.cinematraque.com/?p=48544 Les éclats des joueurs et joueuses de tennis, entre bris de raquette et cri primal, laissent deviner les passions sous-jacentes […]

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Les éclats des joueurs et joueuses de tennis, entre bris de raquette et cri primal, laissent deviner les passions sous-jacentes qui animent un sport en apparence très tatillon – avec ses polos proprets, ses arbitres ergoteurs et ses règles inflexibles. Luca Guadagnino ne s’y est pas laissé tromper en adaptant le scénario de Justin Kuritzkes. Ce dernier a choisi la pratique de ce sport comme cadre pour une histoire de triangle amoureux entre trois athlètes ambitieux, tout au long d’une douzaine d’années. Drôle de coïncidence, il est marié à la ville avec Céline Song, la réalisatrice de Past Lives – une autre histoire d’hésitations sentimentales. Il s’agit après tout d’un motif vu et revu au cinéma, et toute la question est de savoir ce que Challengers en fait qui puisse renouveler un peu le genre…

Ils sont jeunes, ils sont beaux, ils jouent bien du tennis.

Le principal attrait du film est son casting, tout le monde en a conscience. Dans un paysage cinématographique où la romance peine à reprendre du poil de la bête, il faut compter sur un stratagème éprouvé du vieil Hollywood : les têtes d’affiche attractives, c’est-à-dire sexy. Tout sauf toi pouvait compter sur Sydney Sweeney et Glen Powell. Challengers fait encore mieux, ne serait-ce que parce qu’ils sont trois : Josh O’Connor, dont la cote grimpe à la télé et sur grand écran depuis dix ans ; Mike Faist, incroyable Riff de West Side Story version Spielberg ; et a-t-on encore besoin de présenter Zendaya ? Celle qui a commencé sur Disney Channel est devenue une gravure de mode incontournable, une actrice superstar qui vogue sur le succès de ses apparitions chez Marvel, sur HBO et dans les volets de Dune.

Luca Guadagnino est un habitué de la sensualité et des icônes adorées, lui qui a travaillé deux fois avec Timothée Chalamet et dont A Bigger Splash pourrait être résumé par « Dakota Johnson et Matthias Schoenaerts en maillot de bain ». Il a donc pleinement profité d’avoir réuni des interprètes d’une telle qualité : le film leur est entièrement consacré, ils sont à tour de rôle de tous les plans, les autres personnages ne sont que des figurants qui s’effacent derrière eux. Ils sont excellents, en particulier Josh O’Connor, dont les rôles jusqu’alors (l’archéologue paumé de La Chimère, un jeunes prince Charles dans The Crown) n’auraient jamais laissé deviner qu’il fût capable d’un tel sex-appeal, tout en arrogance tranquille et sourires effrontés. La pratique intensive du tennis (pour gagner en crédibilité !) a affûté les muscles du trio, et Luca zoome sur chaque galbe, chaque moue, chaque fossette pour notre plus grand plaisir.

On regarde pour l’intrigue.

The math of love triangles

Le réalisateur a bien compris que les meilleurs triangles amoureux au cinéma sont ceux où les membres de l’audience partagent le même dilemme que les personnages… Et qu’il était temps, peut-être, de faire fi d’une hétéronormativité dépassée pour former un vrai triangle du désir, avec trois côtés et non deux. Les relations entre les trois prodiges du tennis Tashi, Art et Patrick sont tendues dans tous les sens du terme, tension sexuelle et conflits larvés compris. Attention cependant, si la promotion du film a lourdement insisté dessus, le film ne tient pas toutes ses promesses, et le scénario retombe sur des mécanismes qu’il aurait pu éviter.

C’est vraiment dommage, d’autant que le tourbillon d’émotions, de disputes et de rebondissements qui constituent le récit laissaient de l’espace pour plus d’ambiguïté ou de subtilité. Les rapports de classe, les enjeux économiques qui sont pourtant esquissés restent confus, dans la même brume que tout ce qui ne concerne pas directement les actions de nos trois protagonistes. Ils sont pure libido, dans le sens de volonté, d’envies, de caprices, de pulsions, et certaines de leurs motivations plus profondes ou leurs passés demeurent à ce titre mystérieux. Ce qui compte, c’est que les deux amis Art et Patrick désirent Tashi, et Tashi désire avant tout jouer au tennis. Ou l’inverse.

Qui a mis du tennis dans mon fantasme ?

La dimension romantique peut paraître alors un peu cynique. Guadagnino est un habitué des films qui parlent plus aux sens qu’au cerveau, et il semble ici avoir voulu produire de l’adrénaline sous toutes ses formes, qu’il s’agisse de l’excitation liée au sexe ou celle suscitée par les exploits sportifs. Et il a réussi, tant le résultat final est fun et électrisant. Il utilise pour y parvenir une narration non-linéaire, plus justifiée et mieux utilisée que nombre de ses paires ; la meilleure bande-son électro de ces dix dernières années, grâce à Trent Reznor et Atticus Ross ; et des expérimentations formelles ultra-dynamiques.

Plus encore que la lascivité, ses images visent l’exaltation d’une énergie captée, figée, le plaisir du mouvement suspendu. Les scènes d’amour à proprement parler sont toutes interrompues, de même que l’intérêt des matchs de tennis réside dans les échanges, dans l’attente de la balle, et non dans leur conclusion. La musique déferle pour submerger les discussions, comme le rush du cœur qui s’emballe. Et si c’était la meilleure façon d’aborder le chaos inhérent à tout triangle amoureux involontaire ? C’est en tout cas la manière la plus enthousiasmante de mettre en scène un tel cliché depuis longtemps.

Challengers de Luca Guadagnino avec Zendaya, Mike Faist, Josh O’Connor, en salles le 24 avril 2024.

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Sky Dome 2123 : l’arbre qui cache la forêt https://www.cinematraque.com/2024/04/24/sky-dome-2123-critique-avis-white-plastic-sky-larbre-qui-cache-la-foret/ https://www.cinematraque.com/2024/04/24/sky-dome-2123-critique-avis-white-plastic-sky-larbre-qui-cache-la-foret/#respond Tue, 23 Apr 2024 22:15:24 +0000 https://www.cinematraque.com/?p=46649 Programmé dans la Compétition Contrechamp au Festival d’Annecy, Sky Dome 2123 (White Plastic Sky dans son titre original) est selon […]

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Programmé dans la Compétition Contrechamp au Festival d’Annecy, Sky Dome 2123 (White Plastic Sky dans son titre original) est selon ses producteurs le premier film d’animation slovaque à faire partie de la sélection dans l’histoire du festival. De quoi se demander un peu où étaient les animateurs slovaques jusqu’à présent, tant la proposition de Tibor Bánóczki et Sarolta Szabó est déroutante et (il faut l’avouer) angoissante.

Dans cent ans, partez du principe que toute vie animale et naturelle a disparu. Seules quelques villes subsistent sous cloche, mais la survie de l’humanité toute entière ne tient qu’à un fil. Pour réguler la population et subvenir à nos besoins primaires, les règles se font de plus en plus strictes. Barbares, même. Puisque désormais, passé l’âge de cinquante ans, tout être humain doit se livrer aux autorités pour être transformé… en arbre. Quand sa femme Nora décide de se livrer prématurément à ce destin, alors qu’elle n’a que 32 ans, Max veut tout mettre en œuvre pour la retrouver, quitte à braver le système tout entier.

Rare image de moi ayant dormi pendant toute la séance de Art College 1994 (pardon)

Sky Dome 2123 commence par un long traveling descendant sur ce qu’il reste de Budapest sous d’immenses baies de verre, avant d’arriver dans des rues mornes, où tout piéton demeure immobile, non-identifiable. La seule couleur provient de projections d’arbres de couleur bleue, et de la lumière du soleil qui s’invite dans les rues. Autrement, tout est gris et aride, à l’image des terres désolées de l’extérieur, faites de sables, de rocs et de débris, où seul le vent se fait entendre. Les seules couleurs viennent de la vie en tant que tel. Des quelques personnages que l’on croise, par la couleur de leurs cheveux ou de leurs vêtements. Mais aussi des quelques éléments encore en vie : le ciel et la lumière, mais aussi la couleur verte des feuilles d’arbres exploités sous terre, pour en récupérer l’oxygène.

La vie se dégage aussi de l’animation de Tibor Bánóczki et Sarolta Szabó, qui se veut ultra-réaliste. Les réalisateurs ont tenu à reproduire les mouvements de leurs acteurs en rotoscopie, sans pour autant utiliser de logiciel spécifique. Ils n’ont compté que sur le talent de leurs animateurs, et le résultat est saisissant. La vie comme l’absence de vie, puisqu’on comprend bien que si Nora prend la décision d’abandonner son existence, c’est que quelque chose s’est brisé entre elle et Max. Car malgré la destruction du monde, chacun essaie de mener son destin comme il le peut, ce qui n’empêche pas d’être confronté au malheur.

Pour Max, retrouver sa femme, c’est aussi faire renaître la flamme entre eux. Mais quand il la retrouve, Nora a déjà été « implantée » (au sens littéral comme au sens figuré, en fait ?). Elle est mi-femme, mi-arbre. Et à moins de se faire opérer, elle en deviendra totalement un. Cette quête à travers des territoires esseulés et dévastés convoque évidemment de grands classiques comme Total Recall ou Mad Max, tout en étant à une échelle bien plus intimiste. Malgré peut-être quelques longueurs, Sky Dome 2123 est une course sidérante et désespérée vers l’impossible. Comme Max et Nora, on ne peut s’empêcher d’y croire. Mais croire en quoi, finalement ? Les croyances, les idées reçues, la science, l’affect… Tout se mélange de façon à ce que chacun se fasse une idée sur cette transformation. Si l’humanité toute entière a connu plusieurs évolutions, pourquoi pas une nouvelle, plus radicale ?

Sky Dome 2123 (White Plastic Sky), un film de Tibor Bánóczki et Sarolta Szabó. Sortie le 24 avril 2024. Programmé en Compétition Contrechamp au Festival international du film d’animation d’Annecy.

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L’homme aux mille visages mérite mille claques https://www.cinematraque.com/2024/04/18/lhomme-aux-mille-visages-merite-mille-claques/ https://www.cinematraque.com/2024/04/18/lhomme-aux-mille-visages-merite-mille-claques/#respond Thu, 18 Apr 2024 13:27:41 +0000 https://www.cinematraque.com/?p=48559 Plusieurs femmes découvrent qu’elles aiment le même fieffé menteur… Si le pitch de L’homme aux mille visages fait penser à […]

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Plusieurs femmes découvrent qu’elles aiment le même fieffé menteur… Si le pitch de L’homme aux mille visages fait penser à un épisode de Transfert particulièrement gratiné, ce n’est pas un hasard. C’est la deuxième incursion de la réalisatrice, Sonia Kronlund, sur les écrans de cinéma, mais elle est avant tout une star des ondes radiophoniques françaises et produit depuis plus de vingt ans sur France Culture l’émission qui est la mère spirituelle du podcast en question, Les Pieds sur Terre. Sauf que décidément, le son ne suffisait pas pour l’histoire qu’elle a choisi de raconter ici, dans un documentaire audiovisuel doublé d’un livre paru aux éditions Grasset ; comme le titre l’indique, l’image joue un rôle essentiel dans ce projet unique en son genre.

L’homme en question est donc un mythomane sans vergogne.

Il a accumulé un nombre d’identités, de nationalités, de copines, de fiancées, d’épouses, de métiers, de récits d’enfance, et même d’enfants tout court, à en faire pâlir le personnage de Leonardo DiCaprio dans Arrête-moi si tu peux. Imaginez l’homme le plus culotté que vous connaissez, dans votre vie personnelle ou au gouvernement français : il ne lui arrive pas à la cheville. Il faut vraiment voir le film pour découvrir les largeurs dans lesquelles il a berné son entourage. Les coïncidences et les mystifications s’accumulent dans de telles proportions que la réalisatrice ne peut parfois qu’en rire, tant l’audace du type force l’ironie. Les témoignages de ses victimes ramènent cependant toujours, et c’est nécessaire, à la cruauté, au tragique des situations qu’il les a amenées à vivre. Dans son sillage, c’est des années de souffrance et des traumatismes plus ou moins digérés pour toutes les femmes – plus d’une dizaine identifiées, six qui ont participé à l’élaboration du documentaire – qu’il a abusées (dans le sens de duper) et dont il a abusé (en les escroquant de sommes plus ou moins importantes).

En interview, Sonia Kronlund replace son film dans le contexte de #MeToo.

Si les sujets diffèrent bien entendu énormément, on peut voir dans sa démarche une intention similaire à celle du brillant Une Famille de Christine Angot, qui est aussi à voir en salles en ce moment. Les deux réalisatrices posent en effet frontalement la question du droit à l’image de leurs sujets, et tranchent dans la même direction et avec la même intransigeance. Et c’est là que le fait d’inscrire ce récit sur nos rétines, l’utilisation de procédés cinématographiques, fait tout son sens. L’enquête méticuleuse de la journaliste, les témoignages poignants des amoureuses trompées auraient pu faire une formidable œuvre audio. Mais c’est l’image, notamment l’accumulation des photos du goujat, qui permet de servir de dénonciation, de prévention. Faudrait-il attendre qu’il ait commis des crimes « plus graves » pour dévoiler son apparence dans les journaux ? Les spectateurs et spectatrices qui voient ce visage, les « mille » visages du même homme, ne risquent d’ores et déjà plus de tomber dans son piège et savent à quoi s’en tenir s’iels le croisent.

Red flag : quand il y a besoin de post-its pour suivre

Le fait de filmer permet d’aller encore plus loin.

La réalisatrice, en même temps qu’elle relate ses méfaits, le cherche, essaie de reconstruire la vérité de son parcours. Et souhaite le retrouver, le rencontrer, enregistrer un entretien, capter ce visage en mouvement, ses mensonges en action. C’est évidemment en partie dû à la fascination que ce genre d’individu peut susciter. Les manipulateurs de l’extrême sont des personnages de fiction populaires, comme le prouve la nouvelle itération de Tom Ripley à retrouver sur Netflix… Et ont dans la vraie vie un attrait supplémentaire pour les amateurs de faits divers, à l’instar de Jean-Claude Romand. De quel magnétisme sont-ils doués pour qu’on les croie ainsi ? Est-il vraiment impossible de déceler qu’ils mentent ? Peut-on lire des remords, aussi infimes soient-ils, au fond de leurs yeux ? Le face-à-face attendu avec la crapule permet peut-être de répondre à ces questions… Mais aussi, et c’est le trait de génie du documentaire, de mettre en place une forme de réparation.

La réalisatrice rejette en partie la notion de vengeance.

Une réelle confrontation est impossible, ne serait-ce que parce que les menteurs pris sur le fait peuvent devenir dangereux (cf. Romand). Quant à la justice, elle est comme de coutume en ce qui concerne les abus sexistes assez vaine (les plaintes sont ici particulièrement ardues à cause des déménagements successifs de l’imposteur, et classées sans suite). Mais Sonia Kronlund offre avec son film une forme incontestable de compensation, à portée bien plus large que les seules concernées. Dévoiler ce visage, c’est créer une mise au pilori cinématographique des plus jouissives. En dosant parfaitement l’humour et la gravité de la situation, les séquences procèdent à un travail de sape implacable de l’image de cet homme qui compte tant sur son charme pour sévir. En l’absence de solutions parfaites et de rétributions justes contre les agresseurs et prédateurs de tout poil, c’est un choix osé mais finalement très efficace que de les ridiculiser. Surtout quand on a affaire à une personnalité aussi fuyante, qui a échappé à toutes les conséquences, toutes les responsabilités, tous les aveux. Face aux plus lâches des abuseurs, et si l’attitude la plus salutaire était de leur mettre la honte ? Dans ce cas, plus il y aura de spectateurs, mieux ce sera… Filez donc voir :

L’homme aux mille visages, un film de Sonia Kronlund. Sortie française le 17 avril 2024.

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Du sang, des muscles et des sabres à la Shaw Brothers : le cinéma viril de Chang Cheh https://www.cinematraque.com/2024/04/16/du-sang-des-muscles-et-des-sabres-a-la-shaw-brothers-le-cinema-viril-de-chang-cheh/ https://www.cinematraque.com/2024/04/16/du-sang-des-muscles-et-des-sabres-a-la-shaw-brothers-le-cinema-viril-de-chang-cheh/#respond Tue, 16 Apr 2024 13:25:03 +0000 https://www.cinematraque.com/?p=48548 Dans le cadre du cycle PORTRAIT DE HONG KONG, le Forum des images diffuse plusieurs films du réalisateur Chang Cheh […]

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Dans le cadre du cycle PORTRAIT DE HONG KONG, le Forum des images diffuse plusieurs films du réalisateur Chang Cheh sur la période d’avril à juillet : Un seul bras les tua tous, La Rage du Tigre, Le Justicier de Shanghai.

Avant les oeuvres ultra stylisées, viriles et surprotéinées des John Woo, Ringo Lam, Tsui Hark et leurs comparses à Hong Kong, il y avait Chang Cheh. Cinéaste très apprécié des fans de cinéma d’art martiaux mais trop peu connu encore aujourd’hui du grand public, il fut pourtant un des piliers majeurs, si ce n’est la pierre angulaire qui fit basculer toute l’industrie cinématographique hong kongaise vers l’action sanglante à la fin des années 60.

De Taiwan à Hong Kong

Chang Cheh est né en 1923 (ou 1922, selon les sources) à Hangzhou, non loin de Shanghai. Après un passage par l’armée dès l’âge de 15 ans où il affronte les troupes japonaises, il fait des études de sciences politiques avant de se diriger vers le cinéma en s’installant à Taiwan, en travaillant à la fois comme critique pour un journal et en vendant plusieurs scénarios après la fin de la guerre. C’est grâce à l’actrice Helen Li Mei qu’il obtient sa chance dans la cour des grands, puisqu’elle l’invite à la suivre à Hong Kong pour réaliser son prochain film en 1958 au sein d’un des deux plus gros studios, la Motion Pictures and General Investment Film Co Ltd (MP&GI pour les intimes). Sa carrière de réalisateur est lancée, et il deviendra très rapidement un des artistes les plus prolifiques de la période puisqu’on estime qu’il a peut-être réalisé une petite centaine de films jusqu’à son décès en 2002. Certaines années, comme en 1972, il pouvait balancer huit long-métrages dans les salles, soit autant que n’en a sorti Terrence Malick de 1973 à 2016. Mais s’il fit effectivement quelques films pour la MP&GI, c’est pour ses productions au sein de la Shaw Brothers que Chang Cheh est encore connu aujourd’hui.

La Shaw Brothers de Run Run Shaw

Tout commence en 1925, lorsque quatre frères nommés Shaw (jusque là tout est logique) décide de monter un studio de cinéma à Shanghai afin de promouvoir la culture chinoise, éviter l’européanisation du pays en transmettant des valeurs à travers leurs films. Au fil des décennies le studio va beaucoup évoluer, s’exporter, s’installer un peu partout et dialoguer avec des artistes de toute l’Asie de l’Inde jusqu’au Japon, avant de devenir réellement surpuissant après la Seconde Guerre mondiale. C’est en 1958 que le plus jeune des quatre frères, Run Run Shaw, prend les choses en main et décide de viser encore plus haut : la reconnaissance à l’internationale. Après avoir co-fondé l’Asian Film Festival, espérant capitaliser sur le nouvel intérêt occidental pour le cinéma asiatique suite au succès de Rashomon à Venise en 1951, il se lance dans l’élaboration d’une immense « movietown » à Hong Kong, un lieu comprenant à la fois des plateaux de tournages, des bureaux et des logements. Une véritable cité dévouée à la création de films, tous les jours, tout le temps.

Shaw Brothers - Shawscope Logo (1080p) - YouTube
Le format Shawscope des productions SB, propice au spectaculaire comme son équivalent formel Cinemascope en Occident : le western

Dans l’esprit, le cinéma de cette période n’est pas si éloignée de l’idée de 1925 : face cette fois-ci à la menace de la révolution culturelle en Chine, Run Run Shaw imagine le cinéma comme un moyen de mettre en avant un passé glorieux, mythique, idéalisé. De 1958 à 1966, la Shaw Brothers produit essentiellement ce qu’on appelle des huangmei diao, des opéras chantés adaptant des récits folkloriques connus, comme The Love Eterne (lui-même diffusé lors du cycle Hong Kong au Forum des images). Puis, un certain nombre de facteurs (l’explosion de la télévision et la popularité des rediffusions de chanbara, films de sabre japonais, notamment) poussent le studio à basculer vers le film d’art martiaux.

Le vertige Chang Cheh

Si un cinéaste comme King Hu représente bien la transition entre le huangmei diao et le film d’arts martiaux, tant il parvient à mêler la mise en scène ample et maîtrisée de l’opéra avec une violence naissante plus cinégénique, la bascule qu’opère Chang Cheh entre 1966 et 1967 est sans pareille. Au diable la prestance de King Hu, place à un cinéma direct, dur, parfois grossier et souvent, il faut l’admettre, foncièrement bourrin. Les actrices, qui souvent jusqu’ici jouaient des rôles d’hommes et de femmes, sont mises en retrait au profit d’acteurs costauds et musclés, et ça fonctionne du tonnerre. Sur ces deux années, Chang Cheh enchaîne les cartons auprès du public avec Tiger Boy en 1966, et surtout Un seul bras les tua tous en 1967 qui bat tous les records pour la Shaw Brothers, permettant la production de plusieurs suites, et même des crossovers avec l’épeiste aveugle Zatoichi.

Il est assez surprenant de constater que les plus grand succès d’une industrie aussi massive et commerciale que la Shaw Brothers des années 60-70 puissent être tous connectés à un seul homme. Sans aller jusqu’à dire que le studio doit tout à Chang Cheh, force est de constater qu’il a été absolument essentiel pour tout ce qui deviendra l’identité de la Shaw Brothers à l’international (accomplissant donc enfin le rêve de Run Run Shaw). C’est lui qui déniche les plus grandes stars du studios : Jimmy Wang Wu, David Chiang, Lo Lieh, Alexander Fu Sheng, Chen Kuan Tai. C’est lui qui installe le maître d’arts martiaux Lau Kar-Leng comme chorégraphe d’action sur tous ses films (jusqu’en 1975), avant que ce dernier ne devienne réalisateur à son tour et charment les fans de bastons du monde entier avec La 36e chambre de Shaolin. Sans Chang Cheh, non seulement la Shaw Brothers n’a pas du tout le meme visage, mais le cinéma d’action des années 80 et 90 qui lui succède non plus ; il est à ce sujet bien connu qu’un des assistants de Chang Cheh sur sa carrière n’est autre qu’un jeune John Woo.

La Rage du tigre

Cinéma d’auteur et grosses mandales

Au vu de la productivité à faire palir un stakhanoviste de Chang Cheh, on peut légitimement douter de la qualité globale des films qu’il a réalisé. Et à raison, car ils sont par essence très inégaux, parfois répétitifs, voire rudimentaires dans certains aspects. En revanche, il est indéniable que même dans les films les plus expédiés de sa filmographie, on reconnaît sa patte. Une identité réelle, claire, immuable, qui le fait entrer immédiatement dans la catégorie des auteurs, et qui permet de nourrir des réflexions au delà du plaisir primaire que procure l’effervescence sanglante des affrontements incessants.

Cela passe d’abord par la manière de mettre en scène l’action, toujours réfléchie selon les capacités spécifiques des acteurs. David Chiang par exemple est plus un comédien cascadeur qu’un combattant pur. Dans Le Justicier de Shanghai (peut-être son meilleur film, diffusé au Forum des images également), Cheh va donc sublimer la prestance du personnage et lui donner des caractéristiques très visuelles pour l’iconiser à chaque instant. A l’inverse Chen Kuan Tai, qui joue le héros dans le même film, a gagné tout un tas de tournoi d’arts martiaux avant d’être approché par Lau Kar-Leng et Chang Cheh pour le recruter. Ce dernier profite donc à fond de ses capacités pour filmer les scènes les plus violentes de l’époque, notamment un final absolument époustouflant où tout le combat entre le héros et ses adversaires sert d’illustration littérale pour sa tentative d’ascension sociale. Dans sa grammaire formelle, Chang Cheh se laisse aller à tous types de débordements qui seront repris ensuite par ses pairs et ses suiveurs, jusqu’aux pompages en règles de Quentin Tarantino des années plus tard : les zooms et dézooms ultra excessifs notamment.

On a souvent résumé le cinéma de Chang Cheh à cette masculinité exacerbée, à son envie – exprimée publiquement – de transformer l’image de l’homme idéal chinois. A une époque où il est bien vu de faire des études pour devenir instruit et éduqué, Chang Cheh veut aller vers le « yangyang », un retour à une expression de la masculinité par la force. L’homme, c’est celui capable de se défendre et de protéger les faibles de sa main de fer. Certains ont lu dans cette obsession pour la virilité une tendance à l’homoérotisation (qui n’est pas négligeable, notamment dans une oeuvre comme Crippled Avengers), d’autres pourraient y voir un penchant facheux pour le machisme qui pourrait nourrir les pires discours actuels masculinistes. Mais sans leur donner tort intégralement, cette vision de son cinéma occulte tout le tragique qui habite ses héros.

Le Justicier de Shanghaï

Dans The Assassin, sorti la même année qu’Un seul bras les tua tous, Jimmy Wang Wu joue un homme amoureux. Il vit une jolie idylle avec une femme qu’il connaît depuis son enfance, et il pourrait être heureux avec mais en est incapable. Car en lui bouillonne une rage, un désir brûlant de devenir un héros, de se sacrifier pour le bien commun. Et c’est évidemment ce qui adviendra de lui, puisqu’il finira par mourir après avoir accompli sa vengeance… Comme s’il avait été condamné par son propre désir de violence. C’est là où le cinéma de Chang Cheh devient foncièrement fascinant car il réside une véritable ambivalence dans son rapport à cette virilité exacerbée : ses héros souffrent beaucoup. Ils perdent des membres, voient leurs proches mourirs, ou meurent eux-mêmes du fait de leurs combats. De la même manière, à la fin de Justicier de Shanghai, le meilleur ami du héros quitte la ville et retourne s’abriter à la campagne, loin des guerres de gangs qui lui ont fait tant de mal. Et que dire des rôles des personnages féminins, certes rares dans sa filmographie mais toujours importants, car elles sont souvent la seule voix de la raison ?

Est-il légitime alors de résumer son art à de la bastonnade bien burnée ? Que cela soit volontaire ou non de la part de Chang Cheh, son écriture comme sa mise en scène empêchent toute lecture monotone de son oeuvre, parce qu’elle est trop riche pour être résumée à du pur divertissement bas du front. Et qu’y a-t-il de plus beau que du cinéma spectaculaire qui fait réfléchir ? Qui nous en met plein les yeux sans oublier de nous titiller le cerveau ? Pas la peine de répondre, Chang Cheh l’a déjà fait.

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Le mal n’existe pas : « Alors, on n’attend pas Ryusuke ? » https://www.cinematraque.com/2024/04/09/le-mal-nexiste-pas-alors-on-nattend-pas-ryusuke-critique-film-avis/ https://www.cinematraque.com/2024/04/09/le-mal-nexiste-pas-alors-on-nattend-pas-ryusuke-critique-film-avis/#respond Tue, 09 Apr 2024 05:34:29 +0000 https://www.cinematraque.com/?p=48534 On fait des feux de joie dans les bureaux pour célébrer (on n’a pas de bureaux, vous croyez quoi on […]

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On fait des feux de joie dans les bureaux pour célébrer (on n’a pas de bureaux, vous croyez quoi on est pauvres, en plus j’écris ça sur mon lit parce qu’il y a des travaux dans mon salon ce matin, mon kiné sera ravi) le nouveau cru Ryusuke Hamaguchi est arrivé. Et quelle saveur, quelle beauté, quelle dinguerie encore comme disent les gens qui veulent se faire passer pour des jeunes mais qui sont ringards !

Après le succès de Contes du hasard et autres fantaisies, le réalisateur japonais devait tourner un long-métrage en France dans le monde du théâtre et des communautés queer, qui ne s’est finalement pas fait pour deux raisons : la difficulté de réunir des fonds suffisants pour tourner, et un certain nombre d’éléments du récit ont déjà été recyclé dans ce qui est devenu son chef d’œuvre Drive my Car. Exit donc la France et retour au Japon pour Evil Does Not Exist, qui réussit à s’inscrire dans la continuité d’une œuvre déjà très identifiable tout en apportant de la nouveauté. Comme si plutôt que d’élargir les murs de son cinéma, il rajoutait un étage.

Tout le début du film est donc inhabituel pour le cinéaste obsédé par les longs tunnels de dialogue, puisqu’il est marqué par un profond silence. Une atmosphère rêveuse et déroutante, qui nous emmène dans une forêt fictive (au sens que les arbres sont réels, mais l’espace cinématographique créé par la caméra et le montage en fait un lieu unique) dans un silence complet. Ou presque, puisque la musique sublime de la compositrice Eiko Ishibashi dévore l’image et habite chaque recoin de la forêt dans cette introduction.

Cette nouvelle approche, qui inscrit le récit dans une atmosphère doucereusement fantastique, est née d’une contrainte d’écriture intéressante, puisque Eiko Ishibashi a en fait composé la musique pour un spectacle, et demandé à Ryusuke Hamaguchi de filmer des images pour l’accompagner, qui seraient obligatoirement muettes. Le scénario du film Le Mal n’existe pas est né dans les limbes de la conception de ce spectacle, intitulé The Gift. Le résultat, ce sont des rushes qui ont fait naître deux créations différentes, une pour la scène et l’autre pour la salle de projection, mais qui naissent du même matériau.

Evil Does Not Exist - Ritz Cinemas
Les deux plus beaux personnages du cinéma en 2024 sont déjà là

En tournant à côté de là où vit la compositrice, le réalisateur a appris à observer la nature différemment, et tout le processus a informé la fabrication du film. L’assistant réalisateur du film précédent, Hitoshi Takima, joue ici le rôle principal, tout en étant aussi technicien sur le film. Une grande partie du casting cumule les casquettes par ailleurs, officiant devant et derrière la caméra, parce que Hamaguchi ne peut s’empêcher de s’inspirer des personnes qui l’entourent pour nourrir son écriture.

Le résultat ne pouvait donc qu’être surprenant. D’abord par ces longues plages de silence qui habitent le film, donnant vie à ce petit village traditionnel qui existe à la frontière de la mégapole urbaine de Tokyo. L’élément déclencheur ne pouvait d’ailleurs que venir de la ville, puisque la manière qu’a Hamaguchi de filmer la nature et les habitants – particulièrement le personnage principal et sa jeune fille donne à voir un monde presque affranchi de toute temporalité, de tout conflit. On coupe du bois, on remplit des bidons d’eau à la source, on oublie d’aller chercher sa fille à la sortie de l’école. Un quotidien répétitif, envoûtant, presque ancré dans un songe interrompu.

Jusqu’à l’arrivée donc d’un élément déclencheur, qui survient tardivement dans le film et qui nous ramène brutalement en terrain connu, qu’on peut aujourd’hui se permettre d’appeler l’écriture hamaguchienne (wouf). Deux représentants d’un entrepreneur se rendent au village pour présenter aux habitants un projet de glamping (mot valise pour camping glamour, le genre d’oxymore que seul un capitalisme totalement débridé peut imaginer) qui doit s’implanter dans la région. On reconnaît tout de suite sa patte habituelle dans la confrontation verbale qui oppose les citadins et les villageois : le réalisateur part d’une situation sociale appelant à certains codes dans l’échange avec l’autre, notamment une forme de retenue et de politesse qu’on pourrait attendre… Et les fait totalement voler en éclat. Le résultat, en plus de nous informer sur le monde qu’on découvre depuis le début du film, et surtout sur ses personnages, et carrément tordant. C’est rare qu’un film cause des éclats de rire en projection presse, notamment lorsque personne ou presque dans l’assemblée ne comprend la langue parlée, mais je vous jure qu’il y a quelques explosions spontanées au club Marbeuf (et aussi au Forum des images à l’AVP Positif, pas forcément non plus la plus grosse idée qu’on se fait du fun, ndlr.).

C’est à l’aide de sa longue introduction et de cette scène que le réalisateur parvient à installer toute l’énergie du film. Le ton qui voyage de l’onirique au comique en passant par l’épouvante à un certain point, les personnages qui sont aussi mystérieux que transparents, aussi drôles que pathétiques, tout part de là. Dans le reste du récit, on apprend à connaître les citadins autant que les villageois, et le titre du film commence à prendre sens. L’idée derrière Le Mal n’existe pas n’a rien de révolutionnaire en soi, puisqu’il s’agit de comprendre les raisons pour les actes de tous les personnages – même les plus antipathiques au premier regard. Là où Hamaguchi se démarque réellement, c’est qu’il ne s’en sert pas vraiment pour faire une histoire moraliste, justifiant platement et vainement des excès capitalistes des citadins qui viennent dénaturer un espace qui ne leur appartient pas. Au contraire, il s’en sert pour mettre en scène le chaos de notre monde, en jouant à la fois sur une mise en scène d’un réalisme confondant (la longue scène avec les buches dans la dernière partie du film est déjà la plus belle de l’année) et sur une déconstruction de cela pour lorgner vers le fantasmagorique… Jusqu’à un final que je ne spoilerai pas ici.

Et que je ne suis de toute façon même pas sûr d’avoir compris. Mais si le mal n’existe pas, ce qui est sûr, c’est que ça n’est pas mal du tout que Ryusuke Hamaguchi existe.

Le Mal n’existe pas, un film de Ryusuke Hamaguchi. En salles le 10 avril 2024.

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Cinématraque, le podcast S04E06. Vampire humaniste cherche suicidaire consentant et les films de vampire https://www.cinematraque.com/2024/04/08/cinematraque-le-podcast-s04e06-vampire-humaniste-cherche-suicidaire-consentant-et-les-films-de-vampire/ https://www.cinematraque.com/2024/04/08/cinematraque-le-podcast-s04e06-vampire-humaniste-cherche-suicidaire-consentant-et-les-films-de-vampire/#respond Mon, 08 Apr 2024 12:55:10 +0000 https://www.cinematraque.com/?p=48542 Nouvel épisode du podcast Cinématraque ! Renaud, Pauline et Juliette donnent leurs avis sur Vampire humaniste cherche suicidaire consentant de […]

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Nouvel épisode du podcast Cinématraque ! Renaud, Pauline et Juliette donnent leurs avis sur Vampire humaniste cherche suicidaire consentant de Ariane Louis-Seize et discutent des films de vampire qui les ont marqués.

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Avec comme toujours un retour sur l’actualité, un quiz et des recommandations !

Bonne écoute !

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SOS Fantômes – La Menace de Glace : vous reprendrez bien du surgelé ? https://www.cinematraque.com/2024/04/01/sos-fantomes-la-menace-de-glace-critique-film-surgele-gil-kenan-mckenna-grace/ https://www.cinematraque.com/2024/04/01/sos-fantomes-la-menace-de-glace-critique-film-surgele-gil-kenan-mckenna-grace/#respond Mon, 01 Apr 2024 16:00:01 +0000 https://www.cinematraque.com/?p=48498 Dans la catégorie « legacyquel », S.O.S. Fantômes : L’Héritage avait coché toutes les cases du cahier des charges. Faire du neuf avec […]

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Dans la catégorie « legacyquel », S.O.S. Fantômes : L’Héritage avait coché toutes les cases du cahier des charges. Faire du neuf avec du vieux – littéralement – en faisant passer la torche de l’ancienne à la nouvelle génération, comme l’ont fait bon nombre de franchises hollywoodiennes ces dernières années, avec plus ou moins d’auto-réflexion sur la question (coucou Matrix Resurrections et The Last Jedi, votre sacrifice ne restera pas impuni).

Dans ce volet, Bill Murray, Dan Aykroyd et Ernie Hudson venaient aider Phoebe, la petite-fille d’Egon Spengler incarnée par Mckenna Grace, à mener l’assaut final contre le méchant fantôme Gozer, au beau milieu de l’Oklahoma. Une fin tire-larmiches à travers laquelle Jason Reitman et sa clique rendaient hommage à Harold Ramis, avant de teaser – évidemment – une suite avec le retour de la caserne poussiéreuse de l’équipe S.O.S. Fantômes en scène post-générique.

Trois ans plus tard, voici La Menace de Glace. Reitman fils a laissé son siège de réalisateur à Gil Kenan tout en restant co-scénariste. On est bel et bien de retour à New York, où les différentes générations de S.O.S. Fantômes se mettent (littéralement encore) à cohabiter. Paul Rudd, Carrie Coon et les kids (Mckenna Grace toujours, mais aussi le Finn Wolfhard de Stranger Kids, parce qu’il fallait bien un kid d’une œuvre qui pompait déjà littéralement toute l’œuvre SF des années 80 dans le revival d’une franchise de SF des années 80) héritent de la caserne et cherchent à faire fonctionner leur famille recomposée entre deux attaques de monstres. What could go wrong? Bah absolutely everything les gars, c’est fou.

Là où L’Héritage avait au moins le mérite de donner un nouveau setting à la franchise, La Menace de Glace se prend totalement les pieds dans le tapis en revenant à New York, « là où tout a commencé ». On passe du simple hommage à l’hagiographie tout en ayant l’impression de déambuler en permanence dans un musée qui aurait du mal à se défaire de ses anciennes collections.

Car si les anciens membres de S.O.S. Fantômes se contentaient juste de faire coucou dans le précédent volet, ils s’accrochent désormais à nos basques – et plus nombreux que jamais. Faire revenir le trio Murray/Aykroyd/Hudson ne suffisait plus, on fait également revenir Annie Potts et William Atherton parce que why not. Bon, c’est cool car Annie prend une place de membre à part entière, mais Atherton se contente juste d’être – de nouveau – le chieur de service devenu maire de New York.

Le souci, à force de vouloir faire cohabiter tout le monde dans un espace très étroit, c’est que ça finit par exploser. La Menace de Glace tente de donner un temps d’écran équitable à trois générations de personnages (oui, je distingue l’ancienne génération, les persos de Paul Rudd et Carrie Coon, et les gosses – car si vous vous attendiez à voir l’ère Paul Feig, vous pouvez toujours vous mettre le doigt dans l’œil) sans jamais y parvenir, tout en essayant de faire de la place pour de nouveaux personnages dont on n’a littéralement rien à faire (coucou Kumail Nanjiani).

Pendant environ une heure et demie, Gil Kenan brasse le vent avant d’enfin laisser place à la dite « menace de glace ». C’était plutôt celle du surgelé, puisqu’entre tous les clins d’œil à la franchise, le scénario se limite à un copié/collé de la résolution du précédent, encore plus grossièrement écrit. Son seul avantage, c’est de toujours mettre en avant le seul personnage intéressant de ce « legacyboot » (allez, moi aussi j’invente des concepts) : celui de Mckenna Grace, sans qui je serais retourné tranquilos à ma sieste. Mais si on pouvait passer à autre chose maintenant… Ce serait bien.

S.O.S. Fantômes : La Menace de Glace, un film de Gil Kenan. Avec Paul Rudd, Carrie Coon, McKenna Grace, Finn Wolfhard, Kumail Nanjiani, Bill Murray, Dan Aykroyd, Ernie Hudson, Annie Potts… Sortie française le 10 avril 2024.

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Séries Mania 2024 : Il Camorrista de Giuseppe Tornatore, rencontre avec une série ressuscitée https://www.cinematraque.com/2024/03/29/series-mania-2024-il-camorrista-de-giuseppe-tornatore-rencontre-avec-une-serie-ressuscitee/ https://www.cinematraque.com/2024/03/29/series-mania-2024-il-camorrista-de-giuseppe-tornatore-rencontre-avec-une-serie-ressuscitee/#respond Fri, 29 Mar 2024 15:38:29 +0000 https://www.cinematraque.com/?p=48471 En septembre 1986, le jeune Giuseppe Tornatore sort en salles son premier long-métrage Il Camorrista (Le Maître de la Camorra), […]

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En septembre 1986, le jeune Giuseppe Tornatore sort en salles son premier long-métrage Il Camorrista (Le Maître de la Camorra), qui lui vaut un bel accueil critique dont le Ruban d’argent du meilleur réalisateur débutant décerné par le syndicat des réalisateurs italiens. Dans la foulée, le cinéaste transalpin signe son plus grand succès critique et public, Cinema Paradiso avec Philippe Noiret, Grand Prix du Jury au Festival de Cannes 1989 et Oscar du meilleur film étranger. Entre temps, son premier film, lui, disparaît de la circulation, et le cut version série prévue pour la télévision italienne aussi. En cause : les pressions de la part de la Nouvelle Camorra Organisée (NCO), la toute puissante née des cendres de la Camorra napolitaine originelle, et de son chef Raffaelle Cutolo. Il faut dire que le film de Tornatore est un biopic à peine déguisé de Cutolo et de l’ascension de celui que l’on surnommait “Le Professeur”, sous les traits de Ben Gazzara, entre autres inoubliable compagnon de route de John Cassavetes.

Quarante ans après sa non-sortie, Il Camorrista reprend vie dans une version restaurée présentée cette année au festival Séries Mania. Mené par Guido Lombardo, fils du producteur Goffredo Lombardo à l’origine du projet et patron des studios Titanus (à l’origine notamment de Rocco et ses frères et du Guépard de Visconti), ce projet de restauration a redonné vie aux cinq épisodes d’Il Camorrista, dans l’attente d’une diffusion française à venir. Nous avons pu rencontrer Guido Lombardo pour parler de l’histoire débridée d’une série au destin aussi riche que ses personnages.

Le pitch d’Il Camorrista : “Le chef de la Camorra, surnommé « Le Professeur », dirige la mafia depuis la prison. Grâce à l’aide de sa sœur dévouée, Rosaria, l’homme réussit à s’échapper de prison et à créer une organisation criminelle qui infiltrera tous les niveaux de la société”.

Avant de devenir une série, Il Camorrista fut d’abord un film, le premier de Giuseppe Tornatore avant qu’il ne connaisse un succès mondial avec Cinema Paradiso. Comment votre père a-t-il rencontré Giuseppe Tornatore, qui était encore inconnu à l’époque?

C’est une longue histoire. Quand Giuseppe Tornatore a commencé à travailler, il était second assistant au scénario sur un film qui s’appelait Cent jours à Palerme (de Giuseppe Ferrara) pour la Titanus, qui était gérée par mon père à l’époque, et ils n’avaient plus d’argent sur le tournage. Le metteur en scène a alors dit à Tornatore de finir les dernières scènes secondaires, celles qui au final étaient les meilleures du film. C’était une opportunité rêvée pour Tornatore, c’était ce qu’il voulait faire depuis toujours, même s’il a dû tourner  sans argent. Et quand papa a vu les scènes tournées par Tornatore, il a immédiatement demandé à le rencontrer. Il était impressionné de voir le résultat de la part d’un mec qui n’avait que 27 ans à l‘époque.

Avant d’entrer vraiment dans la vie de la série, je voulais m’intéresser à la raison d’être de ce projet de doubler le film de Tornatore d’une version sérielle…

Aussi talentueux qu’était Tornatore, il n’avait jamais rien fait. Il avait 27 ans, c’était un petit bonhomme tout petit, tout frêle. Et en face, on était la Titanus, la plus vieille société du monde du cinéma, on fête d’ailleurs nos 120 ans cette année. Le Guépard, Rocco et ses frères, c’était nous. C’est papa qui a donné à Sophia Loren son nom de scène. Donc quand Tornatore a rencontré mon père, il en menait pas large. Et au final ils se sont tout de suite tutoyé avec Tornatore, chose que mon père ne faisait jamais. Mais il a senti une personne qui aimait le cinéma comme rarement. Tornatore lui parle alors du bouquin de Giuseppe Marrazzo à l’origine du film, dont il voulait acheter les droits. Le problème, c’est qu’il racontait la naissance de la nouvelle Camorra, c’est-à-dire la Camorra napolitaine, un sujet compliqué. Le pire c’est que Tornatore n’a rien de napolitain, c’est un mec de 27 ans, Sicilien, qui n’avait encore jamais rien fait de sa vie! Papa a quand même lu le scénario, et il lui a répondu : ”C’est bien beau tout ça mais il y a deux problèmes : premièrement, même si c’est pas marqué noir sur blanc, le livre parle de Rafaele Cutolo (le chef de la nouvelle Camorra, un des plus influents chefs mafieux d’Italie, NDR) qui était encore bien vivant et pouvait tous nous faire tuer. Et deuxièmement, c’est trop cher à produire”.

Comment cette histoire s’est-elle réglée?

Tornatore a alors tenté un truc exceptionnel. Il a appelé Gigi Proietti, un acteur très populaire en Italie qui était aussi un ami, en disant, et lui a demandé de lui prêter son restaurant pour le lundi soir suivant. Il a appelé Ben Gazzara, il a appelé Marazzo il a appelé toute la presse et il a convoqué une conférence de presse dans le dos de mon père! Toute la presse italienne était là car tout le monde savait que le Professeur, comme il est décrit dans le livre et le film, c’était Cutolo. Tout le monde se posait la question  comment il va le faire, son film ? Et devant les micros, il dit : “Je vais le faire avec la Titanus, avec Monsieur Lombardo”, mon père. Le lendemain matin, Tornatore a fait la tournée des kiosques de presse pour acheter un exemplaire de chaque journal pour le mettre dans la boîte à lettres de la Titanus. Mon père l’a convoqué le jour même à quatre heures de l’après-midi pour l’engueuler. Et c’est là qu’il a eu l’idée d’accepter le film, à condition qu’il en fasse aussi une version pour la télé pour trouver des financements. A l’origine, il devait y avoir quatre épisodes, qui sont devenus cinq. C’est un sacré pari qui nous a coûté une fortune : le film seul nous a coûté à l’époque 5 milliards de lires, à peu près 17 millions d’euros, c’était une folie.

La série tient en grande partie sur les épaules de Ben Gazzara, qui a tourné dans pas mal de films italiens mais qui était principalement associé à sa carrière hollywoodienne. Avez-vous des souvenirs du tournage avec lui? 

Oh oui, j’en ai plein. Ce qui me marquait principalement chez lui, ce sont ses silences. Il avait une présence à l’écran incroyable.

Le film a rapidement disparu des écrans, et la série n’a finalement jamais vu le jour. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce qui s’est passé?

Dès que le film est sorti, les gens de la Camorra ont eu vent du projet et ont fait pression pour le faire retirer des salles. Ils ont intenté un procès contre nous, qu’ils ont fini par perdre. Mais le mal était fait, ça a complètement bloqué le film. On avait peur de la Camorra et de son influence, et pourtant on avait des appuis puissants avec nous comme Berlusconi, qui co-produisait le film avec la Reteitalia.

Raffaele Cutolo est mort en 2021. Est-ce que vous avez senti que son décès avait permis de relâcher l’étreinte de l’organisation autour du projet? Est-ce que cela vous a aidé à ressortir la série des cartons?

Ah, non, pas du tout, ce n’est pas comme ça que ça s’est passé de mon côté. J’ai eu l’idée il y a deux ans car avec Tornatore on ne s’est jamais quitté. À chaque fois qu’on se voit, on se serre dans les bras. Tornatore adorait mon père, et a toujours été reconnaissant envers lui. Même quand il a remporté un Oscar pour Cinema Paradiso, il a apporté à mon père une bouteille de champagne pour célébrer. Et pourtant Tornatore est connu comme quelqu’un de très dur. Quand tu t’engages avec lui, tu sais quand tu commences, mais pas quand tu finis. En ce qui concerne la série je suis retombé sur les deux épisodes il y a environ deux ans et j’ai eu tout de suite envie de replonger dans le projet. Tornatore a signé tout de suite, sans même parler d’argent.

Comment s’est passée justement la restauration? Dans quel état étaient les rushs d’origine et étaient-ils complets?

Ça nous a coûté une fortune. On a mis un an pour le faire et ça nous a coûté près de 700.000 euros. On a tout restauré photogramme par photogramme. On a même retrouvé et retravaillé les bruits d’ambiance de l’époque, comme pour les scènes de prison car à l’époque, on avait pu tourner dans une vraie prison. On a travaillé avec le chef opérateur (Blasco Giurato, décédé en décembre 2022) et avec le compositeur (Nicola Piovani) de l’époque. Au final Tornatore n’a coupé que 4 à 5 minutes par rapport au montage initial de la série. Et le résultat est incroyable, on dirait que ça a été tourné à notre époque. La série ne fait pas du tout ses 38 ans.

Pour ceux qui avaient vu le film à l’époque comme pour vous, qu’est-ce que le format série apport de différent par rapport au film original?

Entre le film et la série, je préfère la série. Parce que c’est pas un film allongé ou découpé en morceau, chaque épisode est en soi un film.. La série est une collection de films. Souvent quand on adapte un film qui marche, lorsqu’on le fait en série, l’ensemble a l’air allongé, dilué. Tornatore, lui, écrit plein de choses qui prennent vie sous la forme de la série.

Et même si c’est une série de télévision, qu’est-ce que ça vous fait aussi de présenter Il Camorrista à Lille et de la découvrir projetée sur un grand écran, dans une salle de cinéma. Là où a commencé cette histoire en fait.

J’ai été très touché des retours du public qui m’ont dit que c’était fantastique. C’est la différence avec la télé, on peut avoir un retour immédiat des gens. Les cinémas sont essentiels. On estime qu’en Italie, jusqu’à 85% des cinémas ont fermé ou vont fermer dans les années qui viennent. Donc, même un studio comme le nôtre, l’industrie cinéma entière finit par se convertir aux séries.

Il Camorrista de Giuseppe Tornatore, avec Ben Gazzara, Laura del Sol, Leo Guillotta…, date de diffusion française encore inconnue

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Le Jeu de la reine (Firebrand) : La Parr dérange https://www.cinematraque.com/2024/03/26/firebrand-la-parr-derange/ https://www.cinematraque.com/2024/03/26/firebrand-la-parr-derange/#respond Tue, 26 Mar 2024 10:49:30 +0000 https://www.cinematraque.com/?p=46416 Firebrand était l’un des films les plus surprenants de la sélection lors de l’annonce : que diable est allé faire le […]

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Firebrand était l’un des films les plus surprenants de la sélection lors de l’annonce : que diable est allé faire le réalisateur brésilien Karim Aïnouz dans l’adaptation britannique du roman historique Queen’s Gambit (non rien à voir avec les échecs) ? Ce genre de production s’avère souvent être des pièges pour les réalisateurs d’art et essai comme Karim Aïnouz qui ont tendance à disparaître sous le poids des costumes.

Le film retrace le destin de Catherine Parr (Alicia Vikander), dernière femme du roi Henri VIII. Alors que cette reine semble montrer de l’intérêt pour la Réforme naissante, sa relation avec le roi connu pour ne pas être particulièrement patient avec ses femmes se détériore. La reine sera en situation délicate pendant tout le film. L’écriture rend parfaitement compte de la fragilité de son statut. Elle est dépendante de sa relation à son mari et de sa capacité à pondre des petits héritiers. Au moindre faux-pas elle sera au mieux répudiée, au pire décapitée, deux sorts assez peu enviables. Symbole du patriarcat abusif et cruel, Henri VIII est une figure paradoxale : affaibli par une blessure qui lui laisse peu d’espoir, il reste un monstre de puissance et de pouvoir. Jude Law en fait certes des tonnes mais ça fonctionne et donne de l’énergie a un film qui en a besoin tant il a tendance à s’enfermer dans un certain classicisme.

Il n’y avait qu’une photo dans le dossier de presse donc je vous mets un tableau de Catherine Parr, de rien, ça me fait plaisir

On sent que Karim Aïnouz s’essaye à un difficile jeu d’équilibriste. Le film tente de d’apporter un regard moderne aux jeux de cour en mettant en relief la force de caractère de la reine face à un système qui est conçu pour la broyer. Le film s’autorise ainsi quelques libertés avec l’Histoire (dont une, majeure, qui est presque un manifeste) et semble vouloir s’éloigner de la simple reconstitution. Et pourtant, il est également particulièrement sage dans sa mise en scène. La réussite formelle du film est indéniable : les décors, les costumes, les compositions de plan créent une ambiance aussi austère que solennelle qui colle parfaitement au récit. Mais à l’image de son héroïne qui tente de renverser les carcans de son statut (et de tout le pays), il aurait été souhaitable que le film se secoue un peu de la torpeur qu’il finit par installer.

A défaut de la réinvention du film historique qu’il aurait pu être, on se contentera donc de ce joli récit sur une femme qui aura réussi à imposer ses idées alors que tout semblait se liguer contre elle. Les panneaux introductifs et finaux du film insistent d’ailleurs un peu trop sur la portée féministe d’un film qui n’avait clairement pas besoin d’être expliqué. On ne voit pas trop ce qu’il pourrait décrocher au palmarès final, mais qui sait, le jury pourrait être sensible à la qualité de l’ouvrage bien fait.

Le Jeu de la reine (Firebrand), un film de Karim Aïnouz, avec Alicia Vikander et Jude Law. Sortie en salles le 28 février 2024.

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Séries Mania 2024 : 6 séries à placer dans sa watchlist https://www.cinematraque.com/2024/03/22/series-mania-2024-6-series-a-placer-dans-sa-watchlist/ https://www.cinematraque.com/2024/03/22/series-mania-2024-6-series-a-placer-dans-sa-watchlist/#respond Fri, 22 Mar 2024 16:58:42 +0000 https://www.cinematraque.com/?p=48480 Ce vendredi se referme la septième saison de Séries Mania à Lille, une édition marquée du sceau de l’incertitude, présente […]

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Ce vendredi se referme la septième saison de Séries Mania à Lille, une édition marquée du sceau de l’incertitude, présente sur les lèvres de toute l’industrie notamment au cours des rencontres du forum professionnel. Retombées de la grève hollywoodienne, budgets restreints et frappés de plein fouet par l’inflation, situation géopolitique complexes, partenariats intra-européens confrontés à des lignes éditoriales fluctuantes… Le secteur audiovisuel semble traverser une période de doute, auquel s’ajoute l’ombre impossible à ignorer de l’essor de l’intelligence artificielle, dont l’impact sur la création est encore très difficile à appréhender aussi bien dans le bon que dans le mauvais.

Cette incertitude a un peu rejailli sur l’ensemble de la sélection de cette édition, qui a peut-être eu quelques difficultés à faire émerger une ou deux séries événement, capables de générer en amont un buzz qui pourrait les porter jusqu’à leur lancement sur les écrans. Cela ne signifie pas que cette sélection était sans intérêt artistique, loin de là : si la compétition française a par moments manqué de relief dans ses propositions, la compétition et le panorama internationaux ont quant à eux répondu dans l’ensemble présents. En fin de compte, on a sélectionné les six séries qui auront su capter notre attention au milieu d’une programmation foisonnante. Certaines connaissent déjà leur diffuseur français, d’autres ne feront sans doute jamais le saut jusque chez nous, mais c’est le jeu de ce genre de festival comme chaque année.

Boarders (Compétition Internationale, BBC Three – Angleterre)

Le pitch de Boarders : Cinq étudiants noirs des quartiers défavorisés de Londres décrochent une bourse d’études dans un internat d’élite. Cette expérience jonchée de hauts et de bas va leur en apprendre beaucoup sur eux-mêmes, sur leur identité et sur la vie dans cet environnement privilégié.

Création de l’acteur Daniel Lawrence Taylor, Boarders avance masqué en faisant craindre un énième drama young adult à l’anglaise, un peu trashy et finalement assez peu substantiel. Mais Boarders arrive assez vite à ne pas se limiter à un simple ersatz de Sex Education et compagnie. Si cette bande d’étudiants noirs venus d’un quartier populaire de Londres se définit de manière assez ironique selon des tropes bien connus de la fiction (il y a le débrouillard un peu magouilleur, la militante grande gueule, le taiseux membre d’une bande…), Boarders arrive assez vite à les faire exister autrement que des personnages-fonctions au service d’un message connu d’avance.

Il se dégage de Boarders une certaine candeur (relativement) dénuée de cynisme, qui tient d’une certaine tradition de shows pour ados britanniques à la Skins ou Misfits qui a toujours su éviter les chausses-trappes dans lesquels ont pu tomber certaines séries pourtant fort bien intentionnées sur le papier. Le sens du casting de Boarders, essentiellement constitué de jeunes acteurs inconnus (le jeune Sekou Diaby, notamment, s’y révèle assez exceptionnel) tient sur ses épaules une série surprenante par son empathie, sa richesse de caractérisation et la nuance de son propos dépassant les simples clivages sociaux incarnés par son pitch (le personnage de Femi, enfant de la diaspora nigériane étouffé par des parents qui le poussent à se renier par assimilation, est assez émouvant). Boarders témoigne d’un savoir-faire toujours inégalé de la télévision anglaise sur le domaine des fictions ados scolaires, et a toujours d’un crowd-pleaser extrêmement efficace, ayant récolté d’assez loin l’ovation la plus impressionnante de la compétition internationale, et probablement de n’importe quelle série présentée en sélection cette année.

So Long, Marianne (Compétition Internationale, NRK – Norvège)

Le pitch de So Long, Marianne : So Long, Marianne raconte l’histoire d’amour légendaire du chanteur et poète Canadien Leonard Cohen et de sa muse Marianne Ihlen. C’est une histoire intime de deux personnes solitaires qui tombent amoureuses l’une de l’autre à une période de leur vie où elles tentent de comprendre qui elles sont et quelle est leur place dans le monde, alors que l’une d’elles est en voie de devenir l’un des chanteurs les plus célèbres de tous les temps.

S’il est un enseignement à retenir de la programmation de ce Séries Mania, c’est la grande forme de la télévision publique norvégienne, le réseau NRK plaçant pas moins de deux séries dans cette sélection. La première, So long, Marianne, a tout de la superproduction internationale puisque issue d’une coproduction avec la Grèce et surtout le Canada via l’influente plateforme de SVOD nationale Crave. Difficile d’imaginer nos amis du Saint-Laurent ne pas prendre part à un projet comme So Long, Marianne puisque celui-ci met à l’honneur l’un des plus grands artistes canadiens de ce dernier siècle, le regretté Leonard Cohen. C’est à l’acteur Alex Wolff (Hérédité, Jumanji, Old) qu’incombe la lourde tâche d’incarner l’auteur et interprète d’Hallelujah et Suzanne, entouré d’un casting aux forts accents américains (Noah Taylor, Peter Stormare ou encore Anna Torv).

Si ce projet télévisé autour de Leonard Cohen prend vie sous l’impulsion de la télévision norvégienne, c’est parce qu’il se centre sur la rencontre du chanteur montréalais de naissance avec sa muse Marianne Ihlen (jouée par une jeune actrice du nom de Thea Sofie Loch Næss, ça ne s’invente pas), jeune norvégienne qu’il rencontre en 1960 sur l’île grecque d’Hydra, dans une communauté d’artistes où ils croisent notamment les écrivains George Johnston et Charmian Clift, ou encore le peintre Marc Chagall. Sujet de prestige, casting trois étoiles, traitement léché et décor paradisiaque (Hydra est presque un personnage à part entière, purgatoire asphyxiant pour tous ces artistes aussi brillants que brisés), So long, Marianne est une série sur les maudits, sur la création (et pas uniquement de la chanson qui donne son titre à la série), mais aussi sur le douté intérieur qui a toujours accompagné l’un des plus grands poètes de son temps. Difficile de ne pas l’imaginer au palmarès ce vendredi.

Le Monde n’existe pas (Compétition française, Arte)

Le pitch du Monde n’existe pas : Un journaliste, convaincu que son amour de jeunesse est innocent du crime dont on l’accuse, revient enquêter dans la ville où il a grandi et qu’il a fuie.

Déjà primé dans la Compétition française l’an dernier pour Sous contrôle, la mini-série comique politique de Charly Delwart déjà pour Arte, le cinéaste Erwan Le Duc tente la passe de deux en revenant dans un exercice qui lui convient particulièrement avec Le Monde n’existe pas, adaptation actualisée et relocalisée (passant des Etats-Unis profonds au bassin minier du Nord de la France) du roman éponyme de Fabrice Humbert. On comprend rapidement ce qui a attiré Le Duc dans cette histoire tant l’univers déployé à l’écran se montre cohérent avec l’œuvre du réalisateur, particulièrement le toujours aussi délicieux et succulent Perdrix. Après Swann Arlaud et Nahuel Perez Biscayart, c’est au tour de Niels Schneider de se frotter à un personnage aussi hors du monde, en décalage avec le réel que ses prédécesseurs.

On retrouve dans Le monde n’existe pas ce goût du flottement, du pas de côté par rapport au naturalisme, cet investissement de paysages comme figés hors du temps. Hypnotique, languissante, toujours un pied dans le passé et dans le présent (à l’image de ces intérieurs indéfinissables et volontairement incohérents, dévitalisés), Le monde n’existe pas est une enquête où chaque pas s’arrache de l’immobilité dans laquelle s’est figée la bourgade dans laquelle Adam, le personnage joué par Schneider, revient sur son passé et le lien singulier qui le lie à Axel Challe, le suspect principal de son enquête. Pour qui est familier de l’univers d’Erwan Le Duc (la toujours formidable Maud Wyler, son actrice fétiche, est encore de la partie) ou se montrerait suffisamment curieux pour le découvrir, Le monde n’existe pas est un beau polar rural à combustion lente, qui réserve son mystère à ceux qui sont prêts à se battre pour.

Dates in Real Life (Panorama International, NRK – Norvège)

Le pitch de Dates in Real Life : Ida passe la majorité de sa vie en ligne. Quand son petit-ami, Marvin, qu’elle n’a jamais rencontré, lui annonce qu’il a une petite-amie dans la vraie vie, son monde s’écroule. Ida se donne pour objectif de rencontrer un homme pour de vrai, sans jamais perdre l’espoir de reconquérir Marvin.

Toujours chez les Norvégiens de NRK, Dates in Real Life creuse un sillon bien différent de So long, Marianne, avec cette série présentée comme young adult (sur la chaîne à l’origine du phénomène SKAM, c’est compréhensible), mais qui ne l’est pas tant que ça. Dates in Real Life est le portrait de l’émancipation émotionnelle d’une jeune femme qui n’a jusqu’ici passé sa vie qu’à fantasmer une relation amoureuse, bien que réciproque, avec un garçon habitant en Californie, à l’autre bout du monde. Loin de se poser comme une critique de ces relations virtuelles d’un nouveau genre, la série essaie surtout de lui donner vie, offrant un beau cas d’étude filmique d’utilisation des nouveaux médias que sont le jeu vidéo et la réalité virtuelle. Entre appels en face sous la couette et vie de couple fictive bâtie dans un simulateur de vie à la Second Life, Dates in Real Life déploie une mise en scène moderne et invente, nourrissant une réflexion sur le transmédia et sur la ligne directrice qui conduit chacune de ses expériences sociales : trouver une connexion avec l’autre.

Quand Ida sort de sa chambre pour aller dans le monde réel, la série retombe dans une facture plus classique et des péripéties plus irrégulières en termes de qualité, mais qui ont le mérite de conserver un petit quelque chose de bigger-than-life qui n’essaie jamais d’opposer le ridicule du virtuel au sérieux du monde réel (la jeune femme se retrouve tout de même à essayer de mettre dans son pieu son chanteur préféré dans l’épisode 3). La ressemblance physique entre l’actrice Gina Bernhoft Gørvell et son homologue Kristine Kujath Thorp aidant sans doute, Dates in Real Life n’est pas sans évoquer les atermoiements sentimentaux et le malaise générationnelle évoqué dans Ninjababy au cinéma il y a quelques années. Ce même mélange d’impolitesse, de fraîcheur et d’imperfections pourrait trouver son public si une plateforme se risque à faire arriver cette jolie trouvaille jusque chez nous.

After the Party (Panorama International, ITV – Nouvelle-Zélande)

Le pitch d’After the Party : Le monde de Penny s’écroule le jour où elle accuse son mari, Phil, d’avoir agressé sexuellement un ami de sa fille adolescente et personne ne la croit. Cinq ans plus tard, Phil revient d’Écosse et emménage avec la fille de Penny, Grace, et son petit fils. Grace supplie sa mère d’oublier le passé, mais quand Phil accepte un poste de professeur, Penny se voit obliger d’essayer de prouver sa culpabilité. Rejetée par son entourage, Penny doit choisir ce qui est le plus important pour elle : la vérité ou sa relation avec sa fille.

L’un des grands moments de ce Séries Mania fut sans nul doute la masterclass endiablée et haute en couleurs de Peter Mullan, venu présenter cet After the Party venu de Nouvelle-Zélande et récemment acquis par la réputée Channel 4 en Angleterre, au cours de laquelle, au milieu d’une litanie de F-words, l’acteur écossais s’est payé le luxe d’insulter de tous les noms Kevin Spacey suite à leur expérience malheureuse sur Ordinary Decent Criminal. Aussi brillant acteur au cinéma (My Name is Joe, Trainspotting, Tyrannosaur) que sur le petit écran (Top of the Lake, Mum, Westworld) mais aussi comme réalisateur (The Magdalene Sisters, Neds), Peter Mullan est l’un des plus grands talents britanniques de sa génération, toujours friand de rôles abrasifs capables d’exploiter sa voix rocailleuse et sa gouaille toute écossaise incomparable.

Dans After the Party, Mullan se frotte à l’un des rôles les plus casse-gueules qui soient : celui d’un homme accusé de viol par sa propre femme Penny (Robyn Malcolm), que personne dans son entourage n’a cru. Portrait du poids des non-dits et de la difficulté de confronter ses propres convictions à l’amour que l’on porte aux siens, After the Party dépeint frontalement les frictions intenables qui se créent quand l’un des nôtres se retrouve accusé du pire des crimes. Un acte jamais représenté à l’écran au cours des deux épisodes diffusés, dont on arrive nous-même à douter qu’il ait jamais eu lieu tout en continuant à prendre fait et cause pour cette femme qui a quasiment tout perdu en essayant de faire valoir la justice. En attendant de voir la direction prise par les événements, les débuts de cet After the Party arrivent souvent à trouver un ton juste et douloureux, et à naviguer comme il faut au milieu de cette immense zone grise qui s’est abattue tout autour de ses personnages.

Videoland (Compétition Comédies, Websérie Pikelet Pictures – Australie)

Le pitch de Videoland : Hayley, une adolescente qui travaille dans un vidéoclub dans les années 90, a besoin d’aide pour apprendre à être une bonne lesbienne. Elle s’inspire des films, mais a du mal à y trouver de vrais modèles queers. Comment Hayley peut-elle devenir la meilleure lesbienne possible sans exemples à l’écran ? Avec l’aide de ses amis, Hayley doit trouver un moyen de devenir elle-même, d’accepter sa sexualité et d’impressionner la fille de ses rêves.

Un petit mot pour finir pour la plus ramassée des séries de ce top, et possiblement l’une des plus courtes de cette édition 2024. Shortcom en six épisodes au format huit minutes (les festivaliers n’ont malheureusement pu voir que les quatre premiers, ce qui est rageant), Videoland est l’un des tours de force scénaristiques les plus vivifiants de ce festival. L’ambition de la série : réinvestir l’un des imaginaires les plus influents de la pop culture encore aujourd’hui (le cinéma populaire hollywoodiens des années 80/90) et de montrer sa possible appropriation par une jeune ado australienne qui appréhende à peine son homosexualité en cherchant, avec son crush, des idoles féminines et féministes autour desquelles façonner leur émancipation. 

Le tout est fait avec un naturel et une sincérité assez désarmants (le tout sent assez clairement le “True Story” à l’écriture) mais aussi avec un joli travail d’incarnation dans une économie de décors bien pensée : on ne sort quasiment jamais des rayons et de la classe de ce vidéoclub flashy assez ironiquement (et pas du tout innocemment) décoré de néons bleus et roses. A l’exception du personnage de sidekick féminin un peu criard qui par son ironie un peu postmoderne sonne presque comme un anachronisme malvenu dans l’ensemble, Videoland est l’exemple même de la shortcom bien foutue, bien pensée et qu’on a envie de dévorer d’une traite comme un bonbon. A conseiller à tout le monde, et surtout aux fans de Kate Winslet.

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