[Deauville 2023] Aristote & Dante découvrent les secrets de l’univers : un safe place queer à ne pas louper

Aristote & Dante découvrent les secrets de l’univers a non seulement remporté le prix du titre le plus long de la sélection de cette année à Deauville, il a aussi volé mon p’tit cœur tout tendre. J’avais brièvement entendu parler du film comme étant l’une des romances LGBT les plus attendues de l’année. Alors dès que son nom a été annoncé parmi la compétition du festival, je me suis empressé d’acheter le livre éponyme de Benjamin Alire Sáenz (et sa suite, Aristote et Dante plongent dans les eaux du monde, que je n’ai pas encore eu le temps de feuilleter). Le livre, je l’ai lu d’une traite, en à peine quelques jours. Et le film, je l’attendais forcément de plus en plus.

À El Paso, dans l’Amérique des années 80, Aristote (ou Ari pour les intimes, parce qu’il déteste son prénom) rencontre Dante en plein été. Les deux garçons n’ont à priori pas grand chose en commun, mais ils deviennent immédiatement amis et ne parviennent plus à se lâcher. Quand Dante annonce à Ari qu’il quittera El Paso pour Chicago pendant un an à la fin de l’été, la relation entre les deux amis se brouillent, entre la distance qui s’impose et les nouvelles rencontres. À travers l’absence de son ami, Aristote finira peut-être bien par découvrir les secrets de l’univers… à commencer par le sien.

Quand t’as envie de Canet parce qu’il fait beaucoup trop chaud à Deauville

Adapter le livre de Benjamin Alire Sáenz était une volonté absolue pour Aitch Alberto depuis 2016, année où la réalisatrice et scénariste a pu rencontrer l’auteur du livre et pitcher son projet. Elle s’est ensuite démenée afin d’obtenir le soutien de Lin-Manuel Miranda (qui était la voix de la version audio du livre) en tant que producteur, qu’elle a fini par avoir deux ans plus tard. Ce n’est qu’en 2021 que le projet s’est concrétisé en entrant en tournage avec deux jeunes acteurs en tête d’affiche : Max Pelayo et Reese Gonzales.

Aristote & Dante se termine un peu comme il a commencé : Ari plonge dans l’eau de la piscine (sans son petit pull marine). À quelques différences près. Au départ, il ne sait pas nager et il y rencontre Dante, presque ébloui par son apparition au bord de l’eau. C’est ensuite d’un geste assuré qu’il fendra l’eau, ayant enfin appris à s’y mouvoir… et à se connaître lui-même. Dans la bulle que constitue la relation entre Aristote et Dante, il y a une safe place où les deux garçons sont libres d’être eux-mêmes. Et c’est ce que veut être le film en lui-même : une safe place pour toute la communauté queer.

J’en ai déjà parlé à plusieurs reprises concernant certains films comme Kokon ou Sublime récemment : le « problème » avec les romances queer qu’on a l’habitude de voir au cinéma, c’est que l’accent est beaucoup trop souvent mis sur des relations ou de l’acceptation de soi naissant sous la crainte du rejet des autres. Ce qui frappe dans Aristote & Dante, c’est que le film a beau se dérouler dans les années quatre-vingts, son propos est hyper moderne. Tout comme le film se montre universel tout en disant énormément de choses de l’histoire et de la société des États-Unis, parce qu’on suit deux ados latinos en plein questionnement à une période où l’on meurt du SIDA, dans un état du Sud (le Texas, qui fait d’ailleurs l’actualité pour de bien tristes raisons : l’interdiction d’accès aux thérapies hormonales pour les mineurs transgenres). Deux ados à la personnalité radicalement différente : Ari est beaucoup plus taiseux et introverti que Dante. Ce dernier a une relation bien plus épanouie avec ses parents que son ami, quant à lui brouillé par les non-dits autour d’un grand frère emprisonné et d’un père traumatisé par la guerre.

Si l’intrigue peut paraître banale, force est de constater que les teen movies queer ne courent encore pas les rues. Et comme on a pu le voir, on peut totalement galérer pendant des années pour produire un film quand on a pas de grands noms derrière soi comme un Greg Berlanti. Aristote & Dante se démarque par la très belle alchimie entre Max Pelayo et Reese Gonzales, mais aussi l’identité pop et lumineuse que confère la réalisatrice à son film. Sans pour autant occulter les difficultés de l’époque, ou encore l’homophobie, Aitch Alberto confirme qu’il est grand temps de raconter différemment les histoires de nos minorités. Il est temps de les laisser vivre dans la joie au lieu qu’un coming-out soit inévitablement une crainte : là aussi, le film prend totalement à contre-pied ce qu’on a pu voir précédemment et engage un discours bien plus positif et tolérant, qui tranche donc avec la période de l’histoire et aux pas en arrière que l’on peut encore faire aujourd’hui.

Aristote & Dante est une belle histoire d’amour, d’amitié et de famille qu’on aimerait voir bien plus souvent à l’écran… que ce soit au cinéma ou à la télévision, à l’image d’autres créations comme Generation, partie trop tôt, ou bien We Are Who We Are. De petits pas vers un grand changement ? À son retour de Deauville, quelques jours avant la sortie du film aux États-Unis, Aitch Alberto se voyait conviée à la Maison Blanche pour y présenter Aristote & Dante. Rien que ça ! On lui souhaite bon courage… et vous aurez bientôt de ses nouvelles, puisqu’on a eu l’occasion de discuter avec elle au cours du festival. À suivre dans un deuxième article !

Aristote & Dante découvrent les secrets de l’univers, un film de Aitch Alberto. Avec Max Pelayo, Reese Gonzales, Eva Longoria… Présenté en Compétition lors du 49e Festival du Cinéma Américain de Deauville. Prochainement distribué en France par L’Atelier Distribution.

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