[Deauville 2023] Cold Copy : l’heure d’une pro

Attention, ce flim n’est pas un flim sur le cyclimse. En revanche, Cold Copy est un flim sur le journalimse. Ou plutôt, sur les dérives auxquelles se confrontent le monde de l’information à l’ère des fake news et de la manipulation de l’opinion (oui, on parle de vous, CNEWS et le nouveau JDD). Une ère où ce n’est plus la vérité qui importe le plus dans le traitement d’une information, mais bel et bien le récit qui se cache derrière.

Si l’on peut considérer « le film sur le journalisme » comme un genre à part entière, alors on peut dire que Cold Copy parvient à s’émanciper des quelques références ou autres tentatives récentes. Au lieu de nous parachuter au beau milieu d’une rédaction sur le point de creuser un scoop d’enfer (bonjour Pentagon Papers et/ou She Said), il est ici question de suivre Mia, une étudiante en journaliste qui vient d’intégrer le cours de l’une de ses idoles, Diane Heger, figure accomplie à la tête d’un show d’investigation renommé. Quand Diane informe ses élèves que le meilleur sujet produit pendant son cours aura l’occasion d’être diffusé pendant son émission, Mia est prête à tout pour impressionner sa prof.

La thématique de la relation maître/élève un peu toxique où l’une cherche à obtenir le meilleur de l’autre, peu importe le prix, c’est peut-être quelque chose qu’on connaît déjà un peu. Et pourtant, Cold Copy parvient à imposer sa patte d’entrée de jeu grâce à l’interprétation de son duo principal. Tracee Ellis Ross (qu’on kiffouillait déjà dans La Voix du Succès, où elle campait une star de la chanson sur le déclin au côté de son assistante dévouée incarnée par Dakota Johnson) déborde de charisme. Déjà passée par la première saison de The Morning Show dans le rôle d’une assistante de production, Bel Powley s’impose avec brio dans le rôle de Mia, d’abord partagée entre l’éthique journalistique (ça existe encore ?) et la volonté de gagner la même place que son idole.

« Ton crush est là, agis normalement »

Quand elle a présenté son film sur la scène du CID dans un français impeccable (sa mère est d’origine française), la réalisatrice Roxine Helberg a non seulement évoqué la question de la désinformation dans les médias, mais aussi tous les réflexes que nous adoptons inconsciemment au quotidien pour mettre en lumière la meilleure version de nous-même, quitte à distordre la vérité (rien qu’un peu). Dans la relation qui lie Mia à Diane, ou Diane face à toute autre personne de façon générale, c’est cette idée qui ressort. Elle se construit un personnage infaillible qui se distingue par son sarcasme permanent. Pour autant, cette stature laisse parfois entrevoir quelques failles. Par cette approche, et par son sujet, on a parfois l’impression de se retrouver devant la version journalistique de How To Get Away With Murder… avec un grand plaisir. On retrouve aussi quelques vibes de The Novice, autre film passé par la sélection deauvillaise il y a deux ans, par la façon dont la mise en scène épouse la nervosité de son personnage principal.

On se passionne un peu moins pour le sujet du reportage de Mia (le portrait de l’enfant d’une autrice disparue, incarné par Jacob Tremblay dont on refuse toujours la poussée de croissance) que pour la façon dont elle adopte les mêmes réflexes que Diane. Si Cold Copy dépasse le classicisme apparent de son intrigue, c’est bien en mettant en lumière la trajectoire de deux femmes journalistes dans un monde dont on connaît pertinemment les enjeux (et surtout ici, en tant que rédacteur.ice.s bénévoles qui sont parvenu.e.s, ou non, à mettre un pied dans le milieu).

Trouver une place dans le journalisme, c’est déjà quelque chose. La garder, c’en est une autre. Et il faut effectivement être prêt à tout : Roxine Helberg impose une telle vivacité à son récit et à sa mise en scène qu’on finit par douter constamment de la sincérité de ses personnages. Définitivement l’une de nos belles trouvailles de cette compétition (allez les distribs, on se dévoue !).

Cold Copy, un film de Roxine Helberg. Avec Bel Powley, Tracee Ellis Ross, James Tupper, Ekaterina Baker, Nesta Cooper et Jacob Tremblay. Date de sortie française inconnue. Présenté en Compétition lors du 49e Festival du Cinéma Américain de Deauville.

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