FIFF 2023 : 45 ans de « Ciné-filles »

Agnès Varda, Chantal Akerman, Yannick Bellon, et aujourd’hui Rebecca Zlotowski, Lizzie Borden et Miryam Charles … Depuis 45 ans, le Festival International du Film de Femmes de Créteil lutte pour créer, visibiliser et préserver la mémoire du cinéma des femmes. Pour son édition anniversaire, le festival marque le coup : 45 films avec 45 réalisatrices issues du monde entier sont présentés sur près de 10 jours de festivités. Une pluralité de regards qui se croisent sous le label longtemps désapprouvé du “film de femmes”.

À travers La Fabrique de l’Émancipation, thématique de cette 45e édition, le FIFF jette un regard en arrière sur l’Histoire des femmes (qui, sans surprise, sont les grandes oubliées dans tous les domaines) afin de pouvoir réfléchir au(x) futur(s), non sans un certain optimisme. Lors d’un colloque présidé par l’historienne Michelle Perrot, en présence de Geneviève Sellier, pionnière des études de genre en France et Karine Saporta, chorégraphe et photographe (on lui doit les affiches du festival depuis quelques années), elles retracent l’émancipation des femmes à travers l’Histoire, à travers leurs combats, et plus particulièrement dans l’industrie cinématographique, en partant de l’oubliée Alice Guy à la déferlante #MeToo.

Geographies of solitude – Jacquelyn Mills

Et qui dit futur, dit conscience écologique. Cette année, plusieurs films du programme reflètent les enjeux environnementaux actuels. Difficile de passer à côté de La Belle Verte de Coline Serreau, cinéaste engagée pour l’environnement et invitée de cette édition, qui dessine déjà, en 1996 et avec humour les contours d’une société capitaliste, étouffée par la pollution et le matérialisme. Prix du public du meilleur long-métrage documentaire et prix SCAM du jury Anna Politkovskaïa, Geographies of solitudes de la canadienne Jacquelyn Mills suit le quotidien de la scientifique Zoe Lucas, recluse sur l’Île de Sable. À travers son dispositif expérimental, Jacquelyn Mills filme l’écosystème en 16mm avec une grande poésie. Côté court-métrage, la comédie Bolide réalisée par Juliette Gilot imagine un monde pas si lointain, dans une banlieue caniculaire où les voitures sont interdites, dans lequel la jeunesse regorge d’inventivité pour trouver des solutions, et invente le “bolide du futur”. Une note d’espoir, conclue dans une table ronde dédiée à l’éco-féminisme, dans laquelle Jackie Buet, entourée de Coline Serreau, Nicole Giguère (réalisatrice de Prisons sans barreaux), Hélène Doyle, les Réalisatrices Équitables (l’équivalent du Collectif 50/50 canadien) ainsi que des directrices de festival de films de femmes du monde entier, suggère une programmation collective en 2024, qui passerait d’un festival à un autre, dédié à l’écologie. Une manière, dit-elle, de répondre à la catastrophe écologique annoncée par les JO de 2024. 

Masculinité, banlieue et corps féminin étaient au programme de la sélection courts-métrages. Héritière des vidéos du MLAC et des Insoumuses, la réalisatrice Marie Bottois filme la pause de son stérilet lors d’un rendez-vous gynécologique. Filmé en Super 8, la réalisatrice se met en scène devant la caméra, et dédramatise l’acte médical en montrant frontalement et avec pédagogie chaque étape de la pause du contraceptif. Chez Sofia Georgovassili, l’avortement d’une jeune femme, inspiré par l’une de ses amies, est montré à travers la métaphore d’une tempête qui se lève dans Memoir of a veering storm. Si Coeur Béton partage le même point de départ que le (raté) Haut et Fort de Nabil Ayouch (2021), la réalisatrice Enrika Panero suit l’émancipation à travers le rap d’une jeune fille de banlieue introvertie. La caméra effleure la peau, et filme avec une grande délicatesse la naissance du désir lesbien. La question de l’identité de genre était également au centre de la sélection, avec le court coréen Transit, qui explore la question de la transidentité avec pudeur, dans un réalisme qui n’est pas sans rappeler le cinéma de Ryusuke Hamaguchi. Enfin, terminons par le sensible Finns Heals de Cato Kusters qui déconstruit la virilité dans une amitié entre deux adolescents sur fond de boxe, et dont l’émouvante scène finale, tout en non-dit, marque les premiers pas d’une réalisatrice à suivre de très près. 

Finn’s Heels – Cato Kusters

Après Alice Guy et Ida lupino, le FIFF met à l’honneur Musidora à travers un hommage qui lui est consacré, et la projection de ses films, dont La Tierra de los toros (1924), mêlant film, chanson et spectacle réel. Actrice, réalisatrice et première vamp du cinéma français, Musidora a été aussi le nom donné au FIFF avant même sa fondation dans les années 70. Le festival accueille cette année encore pléthore d’invitées, dont le prix Nobel Annie Ernaux, la réalisatrice allemande Margarethe Von Trotta et Miryam Charles, ainsi qu’Agnès Jaoui et Rebecca Zlotowski à qui l’on a offert une carte blanche. Le festival consacre une rétrospective à Lizzie Borden. L’occasion de (re)voir le flamboyant Born in Flames (1983) en version restaurée, brûlant d’actualité dans son portrait d’une lutte féministe collective et intersectionnelle. 

Palmarès de la 45ème édition du Festival International du Film de Femmes de Créteil 

PRIX DU JURY SFCC – MEILLEUR LONG MÉTRAGE DE FICTION 

Fifi de Jeanne Aslan et Paul Saintillan

PRIX GRAINE DE CINÉPHAGE – MEILLEUR LONG MÉTRAGE DE LA SECTION JEUNE PUBLIC

About Kim Sohee de July Jong

PRIX DU JURY INA – MEILLEUR COURT-MÉTRAGE FRANCOPHONE

Safety Matches de Pauline Bailay

PRIX DU JURY UPEC – MEILLEUR COURT-MÉTRAGE

My Girl Friend de Kawthar Younis

PRIX DU PUBLIC – MEILLEUR COURT-MÉTRAGE FRANÇAIS

Bolide de Juliette Gilot

PRIX DU PUBLIC – MEILLEUR COURT-MÉTRAGE ÉTRANGER

Finns Heel de Cato Kusters

PRIX DU PUBLIC – MEILLEUR LONG MÉTRAGE DOCUMENTAIRE & PRIX SCAM DU JURY ANNA POLITKOVSKAÏA

Geographies of Solitude de Jacquelyn Mills

PRIX DU PUBLIC – MEILLEUR LONG MÉTRAGE DE FICTION 

Fifi de Jeanne Aslan et Paul Saintillan

PRIX DU JURY FRANCE TV – MEILLEUR PREMIER FILM 

Pendant que Nicoleta travaille de Isabelle Detournay

GRAND PRIX DU JURY – MEILLEUR LONG MÉTRAGE DE FICTION 

Trenque Lauquen de Laura Citarella

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