Quinzaine des Réalisateurs
Souvent considérée comme l’antichambre de la Compétition officielle dans laquelle se forment quelques futurs habitués des palmarès, la Quinzaine des Réalisateurs offre cette année un certain nombre de perspectives.
Du côté du cinéma français, on mise très fort sur la présence de Serge Bozon pour plusieurs raisons. Déjà parce que ça ferait les pieds à Gérard Depardieu, qui a planté le projet dès ses tout débuts. Deuxièmement parce que Madame Hyde s’annonce comme une relecture de Stevenson à la sauce Bozon. Troisièmement parce que ça permettra d’assurer le quota de annuels de 17 films avec Isabelle Huppert au casting. Et enfin parce que voir José Garcia à Cannes en mai, c’est toujours une bonne nouvelle. À ses côtés, on donnera notre préférence à deux petits nouveaux. Le premier : Jusqu’à la garde de Xavier Legrand, qui réunira le duo de son court nommé aux Oscars (Avant que de tout perdre), Denis Ménochet et Léa Drucker, premier long qui sera scruté de près pour la Caméra d’Or. Le second est un autre premier film : Les carnivores, signé des quatre mains des frères Jérémie et Yannick Rénier, eux-même produits par des frères un peu connus à Cannes, les Dardenne. Quant à nos amis d’outre-Quiévrain qui aiment la batavia, l’amitié franco-belge sera à l’honneur avec le tandem Forzani/Cattet car impossible de ne pas être déjà sous le charme de Laissez bronzer les cadavres, adaptation d’un polar anar de ce vieux loup de Jean-Patrick Manchette avec entre autres l’anti-social sans perdre son sang froid, Bernie Bonvoisin, au casting.
Du côté des films à stars qui serviront de tête de gondole du Festival, on mentionnera The Third Wave de David Freyne, un film de zombies irlandais porté par Ellen Page (et non rien à voir avec The Last of Us, ce n’est même pas elle dans le jeu, arrêtez avec ça, Ellen Page c’est Beyond Two Souls). Et pour compléter le tour d’horizon des films anglophones, le Lean on Pete d’Andrew Haigh, une histoire d’apprentissage qui devrait faire plaisir à Dzibz parce qu’il y a des chevaux et à tous les autres parce qu’il y a Steve Buscemi et Chloë Sevigny.
Si elle risque comme souvent de parler pas mal anglais et français, la sélection de la Quinzaine des réalisateurs pourrait prendre également des accents hispanophones. Entre l’Espagne et l’Amérique du Sud, la langue de Cervantès et d’Andrés Iniesta peut envisager pas moins de quatre candidats crédibles. Pressenti pour certains en compétition officiel, le Quien te Cantara de Carlos Vermut se pose comme une rumeur naturelle de par la présence symbolique de Pedro Almodovar comme président du jury, alors que ce dernier avait adoubé Vermut comme « la révélation espagnole de ce siècle », citation immédiatement reprise sur l’affiche de son dernier film La Nina de Fuego. Le risque de collusion d’intérêts pourrait barrer la route de la compétition officielle au film, tout comme celle du Zama de Lucrecia Martel, drame historique en costumes… dont Almodovar est co-producteur. Dans ce cas, la Quinzaine des Réalisateurs pourrait représenter un bon point de chute.
Toujours en Espagne, Marrowbone pourrait marquer les débuts cannois de Sergio G Sanchez, révélé par ses scénarios écrits pour Juan Antonio Bayona. Casting de jeunes hyper hype avec au programme de ce film tourné en anglais qui regroupera Anya Taylor-Joy (The Witch, Split), George MacKay (11/22/63, Captain Fantastic), Charlie Heaton (Stranger Things) et Mia Goth (que Gaël avait énormément apprécié dans le A Cure for Life de Gore Verbinski) Et de l’autre côté de l’Atlantique, le thriller politico-fantastique Le sommet de Santiago Mitre et le road-movie Una especie de familia de Diego Lerman, un ancien résident du Festival dans ses plus jeunes années, ont aussi une belle allure.
Assez sous-représentée habituellement dans cette section habituellement, l’Europe de l’Est a tout de même des représentants solides qui pourraient se frayer un chemin parmi la cohue. On pense en premier lieu au prochain film coup de poing de Miroslav Slaboshpitsky (interview), Luxembourg. Il y a trois ans, The Tribe avait été l’un des grands moments du Festival, faisant main basse sur la Semaine de la Critique et changeant à jamais le regard de bon nombre de cinéphiles sur les tables de chevet. Surtout qu’on a très envie de voir le sadique ukrainien aller poser sa caméra, comme l’indique le titre de son film, au beau milieu des ruines de la centrale de Tchernobyl. Un peu plus au nord, on miserait bien sur un retour (deux après Peace to Us in Our Dreams) de la coqueluche du Quartier latin Sharunas Bartas, qui a terminé son Frost avec Vanessa Paradis. Et pour compléter ce triumvirat du cinéma rigolo, Transit de Christian Petzold semble être prêt lui aussi, pour nous plonger entre deux Spritz ensoleillés sur les traces d’un homme juif qui pour échapper à la traque des Nazis usurpe l’identité d’un écrivain suicidé. Pour un peu de légèreté, on préférera le Superfluous Man de Kornel Mundruczo sur un jeune adolescent capable de léviter à la suite d’un accident. Bon, film de l’Est oblige, c’est aussi un immigrant illégal menacé d’exploitation par les employés d’un camp de réfugiés, on est pas chez Marvel.
Croisons enfin les doigts aussi pour voir certains cinéastes qui ont décidé de mettre toutes les chances de leur côté cette année en castant des acteurs bien vus par les comités de sélection. Après avoir permis à quelques cinéphiles de goût de placer tranquille « Nan mais moi je connaissais Arielle Holmes avant American Honey, hein« , Josh et Benny Safdie ont réussi à convaincre Robert Pattinson se d’embarquer dans leur nouveau trip, Good Time, une histoire de braqueur de banques. Et vu que le tout est encore produit par les petits malins au nez creux d’A24, on a très envie de faire all-in. (On ne le met pas dans la liste, mais si Cannes a la bonne idée de piocher dans leur catalogue A Ghost Story de David Lowery, on prend aussi) En parallèle, F.J. Ossang a lui aussi pris la folie des grandeurs et s’est attaché les services de Gaspard Ulliel, Paul Hamy, Damien Bonnard et Pascal Greggory pour son nouveau film 9 doigts. Le tout emballé dans un thriller punk post-apo, ça pue le chaos cannois, c’est l’année ou jamais. Alors comme le dirait si bien Laurent Paganelli les dimanche soir sur Canal+ : « En tout cas, c’est ce qu’on te souhaite, hein« .
PS : Même si notre entourage tente de nous faire comprendre que c’est fini, qu’il ne faut plus y penser et que Détroit de Kathryn Bigelow va se retrouver à Toronto, on refuse de se faire à cette idée et on croise les doigts pour qu’il se retrouve a la Quinzaine ! Never give up, never surrender !
Bien vu pour Marrowbone…. Luxembourg ne sera pas prêt pour cette année
Oh, mauvaise pioche pour Luxembourg? Oki ! les résultats tombent dans quelques minutes…