Affirmer que l’on a aimé Beyond : Two Souls, c’est prendre le risque de se faire traiter de gros newbie. Voici quelques minutes que le générique de l’une de ses fins alternatives défile à l’écran. Trois soirées pour boucler le « jeu » de Quantic Dream, à juste appuyer de temps en temps sur la bonne touche, à se décaler sur la droite, la gauche, à répondre à l’un des choix proposés : mensonge, sincérité, on l’embrasse ou on lui en colle une ?
Avec sa gestion minimaliste du joystick, on se croirait revenu trois ans en arrière aux commandes de Heavy Rain, premier film interactif –puisqu’au fond, c’est plutôt de ça dont il s’agit – de David Cage, créateur français du studio Quantic Dream qui a eu le bon goût de naître à Mulhouse. Pourtant, même lorsqu’on a 25 ans de passé vidéoludique derrière soi (c’est là que les sarcasmes vont tomber) il est possible d’apprécier l’expérience. Si, si. Peut-être parce qu’en rentrant du boulot à une heure pas possible, on aime bien se vautrer dans le canapé, rester passif, et dire à notre esprit de gamer d’aller se faire voir jusqu’au lendemain minimum. Peut-être aussi parce que cette intrigue qui se veut énigmatique et qui se construit via des flashforwards et des flashbacks, est narrée avec suffisamment de justesse, de moments d’émotions et de petits actes de bravoure pour nous faire – presque – oublier notre manette, à condition d’être prêt à en faire la concession…
Depuis plus d’un an, Quantic Dream a axé quasiment toute la promotion de Beyond : Two Souls sur son jeu d’acteurs, mettant largement en avant l’actrice canadienne Ellen Page (Inception, Juno, Bliss…), qui a passé des heures et des heures en studio, des capteurs plein le visage, pour remplir le rôle de Jodie Holmes. Liée à une entité aussi protectrice qu’envahissante (Aiden), laissant croire au commun des mortels qu’elle a des pouvoirs de télékinésie, Jodie est depuis toujours le sujet d’étude du gouvernement et de son scientifique attitré Nathan Dawkins, « incarné » par Willem Dafoe (Spiderman, Antichrist, Platoon…). David Cage, qui a écrit le scénario, nous raconte un peu plus de 15 ans de sa vie en la plongeant dans des situations et des environnements variés qui n’ont pas toujours grand-chose en commun. D’où le sentiment, pour les réfractaires, d’assister à une histoire sans queue ni tête. Mais quand on choisit de reléguer le gameplay au second plan, a-t-on d’autres choix que de prendre des risques sur le plan scénaristique pour divertir le joueur ?
Sur le plan technique, il y a certes des choses à redire. Comme ces ralentissements qui surviennent lorsqu’une grosse scène est sur le point d’intervenir, la console s’enrayant autant que notre cœur d’homme immature devant ce jean taille slim que l’innocente Jodie se trimbale durant la majeure partie de ses aventures sentimentalo-surnaturelles. Graphiquement, le rendu général semble parfois inégal : autant les visages, ceux de Jodie et de Nathan en particulier, sont bluffants de réalisme et merveilleusement animés (merci la capture de mouvements), autant certaines textures font forcément un peu pauvres à côté.
Reste que d’ici quelques temps, lorsqu’on sera devant notre PS4 et que l’on nous demandera quels jeux Sony de la génération précédente nous ont marqué, tout le monde ne répondra peut-être pas spontanément l’un des cinquante épisodes d’Assassin’s Creed, de Call of Duty ou tel Fifa, aussi convaincants aient été tous ces titres. Certains penseront alors à ce Beyond : Two Souls, à sa réflexion sur la vie et la mort que certains trouveront un peu cliché, à son gameplay à la portée de n’importe quel débutant et à son scénar qui, sur la fin, sent un peu le poppers. Mais ils penseront aussi à l’expérience singulière qu’il procure et à sa réalisation remarquable.
Beyond : Two Souls, sur PS3 (environ 50 euros), Sony (PEGI 16).