Fast & Furious 8 : l’animal en cage

Il y a à peine deux mois, M.Night Shyamalan nous présentait sa « Bête », création purement cinématographique, pourtant ancrée dans une réalité concrète qui verrait apparaître, dans une foule d’individus, des hommes et des femmes hors du commun. Si Split est toujours aussi jubilatoire après de multiples visionnages, c’est parce qu’il insère une part de fantastique dans un univers presque semblable au nôtre. Il parvient parfaitement à s’inscrire à la frontière de l’invraisemblable et du banal.

la représentation d’une « Bête » de cinéma

Pourtant c’est dans le sens inverse que fonctionne Fast & Furious 8. C’est à dire l’inscription, à la fois, d’un corps d’acteur dans un univers où toutes lois physiques et sociales sont bafouées, et comme la représentation d’une (ou plusieurs) « Bête » de cinéma. Un rapport au corps qui fait de ce nouvel opus de la saga l’un des plus passionnants à regarder. Ce plaisir régressif cristallise tout ce que le cinéma de blockbuster peut faire de mieux, dans la bêtise comme dans l’intelligence vis-à-vis de ses prouesses techniques et visuelles. La saga Fast & Furious, bien qu’elle n’a jamais aussi bien fonctionné qu’aujourd’hui sur le plan financier, semblait encore se chercher. Après avoir oscillé vers le film de vengeance décomplexé avec James Wan, il semblerait qu’elle ait atteint une forme de maturité vis-à-vis de ses origines (l’aspect familial) et de son devenir progressif. La saga s’embourgeoisant toujours plus, dans son budget et ses effets, comme dans l’attitude de ses personnages (il est loin le temps du quartier populaire de Los Angeles), le choix du titre du film n’est pas anodin (The Fate of the Furious dans sa version originale). Car c’est bien de destin dont il est question dans cet épisode, de ce que deviendrons les personnages, ce qu’ils décideront vis-à-vis de leur mode de vie hors-la-loi remis en question depuis plusieurs films.

Fast 8 est le premier volet d’une trilogie finale

Si la paternité est au cœur du récit, elle est surtout là pour souligner la volonté de Vin Diesel et des producteurs d’amener doucement la série à son terme. Fast 8 est le premier volet d’une trilogie finale, mettant en lumière la naissance d’une génération biberonnée aux courses de voitures. Dès lors, et si la démarche était de plus en plus prégnante dans les trois derniers épisodes ; il convient pour tout le monde de repousser ses limites, de rallier nombre de figures emblématiques du cinéma d’action et d’occasionner des confrontations purement idiotes (The Rock et Jason Statham sont au cœur du dispositif cette fois). Ce qui permet aux spectateurs comme aux acteurs de prendre plaisir à raconter et suivre leurs histoires, et établit ce lien toujours indéfectible avec le public, qui se demande comment les choses vont évoluer et quelles seront les prochaines aventures de la Fast Family.

La concordance, entre le corps de l’acteur, et sa représentation mécanique

Pour autant, ce serait mettre de côté le cœur du projet depuis son quatrième épisode : intégrer ses personnages dans des scènes toujours plus surréalistes en appuyant sur la starification de l’acteur agissant par delà son personnage. De là l’idée d’enfermer la star dans une cage (Jason Statham et Dwayne Johnson sont en prison, Diesel ne peut agir librement, Tyrese Gibson est toujours plus grand-guignolesque) pour le faire tourner en rond, le libérer, et le laisser rugir tel un fauve. C’est en particulier la figure de Dom (Vin Diesel) qui nous intéresse le plus, à savoir qu’il est l’exemple même — dans la vie comme dans le film — de l’homme libre de ses projets, qui impose le respect. Quand Cipher (Charlize Theron) parvient alors à le contraindre, la bête se retrouve enfermée, et n’agira plus que pour en sortir. Fou à lier, il deviendra si puissant, si rigide et incontrôlable, que son véhicule se transformera en une seconde peau. La scène mise en avant dans la bande-annonce, le voyant contraint par des câbles attachés aux voitures de ses coéquipier(e)s, est ainsi emblématique. La concordance, entre le corps charnel de l’acteur, et sa représentation mécanique — possiblement indestructible —, contribue à faire de l’image une icône.

Charlize Theron parvient à le contraindre, la bête se retrouve enfermée, et n’agira plus que pour en sortir.

Si Vin Diesel est au centre de cette démarche, les autres personnages cités plus haut seront soumis aux mêmes lois, engendrant une hilarante séquence d’évasion ou bien de purs actes de bravoure. Dans ces faits, la frontière ténue entre acteurs et protagonistes est d’autant plus visible, car la sympathie provoquée par leurs actes ne se fait pas sur leur caractère moral. Comment expliquerait-on qu’on s’attache à Deckard Shaw alors qu’il a éliminé des membres clés de la saga, si ce n’est grâce au fait qu’il est interprété par Jason Statham ? La porosité entre acteurs et personnages dans Fast & Furious est similaire à celle des Expendables, où ce n’est plus Shaw ou Lee Christmas qu’on apprécie, mais bien Statham.

Fast & Furious 8 n’hésite jamais à pousser ses idées

F. Gary Gray comprend parfaitement tous ces éléments. Il suit la voie déjà tracée pour injecter plus de rythme, de souplesse, quitte à s’inspirer de scènes de précédents volets ou bien de Die Hard 4 pour un festival de crashs en plein New York. Fast & Furious 8 n’hésite jamais à pousser ses idées plus loin que les autres. Obnubilé par son plaisir et celui du spectateur, le film se fixe l’objectif de toujours faire plus, de distendre le temps et l’espace pour le faire sien et offrir au public un spectacle comme nul autre. Cette saga impose toujours son style, sa liberté de faire ce qu’elle veut, jusqu’à ce que la corde cède.

Fast & Furious 8 de F. Gary Gray, avec Vin Diesel, Charlize Theron, Dwayne Johnson, Jason Statham, Ludacris, Tyrese Gibson, Michelle Rodriguez. 2 h 16. Sortie le 12 avril 2017.

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