Cure for Life : Meilleur film de Resident Evil

Cher lecteur.rice anonyme, je me permets de toquer à la porte en tissu de ta cabane en couverture de Mad Movies, pour t’indiquer la direction d’un film qui te plaira. Tu n’es pas emballé, je peux le comprendre ! Déjà, tu ne me fais pas forcément confiance. Ensuite, tu n’es pas sans savoir que ton cinéma chéri – qui savait s’épanouir au mieux entre le blockbuster le ciné tout indé – est malmené de toutes parts. Ce cinéma de genre à qui il manque une case, mais qui paradoxalement ne manque de rien ; celui qui craque tellement son slip qu’on ne sait plus s’il en est brillant ou tout simplement raté. Et nul, du coup, si on suit le raisonnement.

il en revient à sa marotte, évidente et surprenante: l’eau.

Heureusement pour toi, Gore Verbinski a sorti un nouveau film: Cure for Life. En fait, Cure For Wellness pour le titre original, donc «la Cure pour le Bien-Être», qui laisse supposer qu’on parle d’une cure qui retirerait le bien être. Déjà avec ça, on est bien partis mes kikis, tu sens arriver le truc franchement malsainchouette (un truc à la fois malsain, et chouette, c’est une qualité très spécifique au cinéma de genre).

On retrouve donc Gore Verbinski après sa longue traversée du désert, (qui est une manière sympa de parler de The Lone Ranger, un film dont la valeur est égale à zéro puisqu’il comporte autant de moments à chier que de moment très bons), et évidemment, il a soif. Alors il en revient à sa marotte, évidente et surprenante: l’eau.

si Gore Verbinski était un Pokémon, il serait de type eau.

Oui, en fait en y réfléchissant bien, difficile de passer sous silence cet étrange fil de pêche (pardon) conducteur: si Gore Verbinski était un Pokémon, il serait de type eau. Dans sa longue et épique saga des Pirates des Caraïbes, l’océan renferme tout l’univers du fantastique; les légendes et les monstres (Hollandais Volant, Kraken) n’en sortent que pour rappeler aux hommes mortels la futilité banale de leurs existences. Puis dans Rango – son chef d’oeuvre selon toute personne ayant du goût – il confronte l’eau à l’existence du désert, et se réapproprie l’œuvre sombre de Chinatown de Polanski pour un faire un faux film pour enfants, vrai film déclaration d’amour au cinéma d’aventures en tout genre. Dans Rango, l’eau n’est pas qu’un McGuffin, un élément perturbateur et moteur de l’histoire: c’est aussi l’expression de la Nature dans ce qu’elle a d’incontrôlable… Pour les habitants de Dirt, l’eau est une divinité, rien que ça.

Gore Verbinski s’est enfin décidé à plonger dedans la tête la première.

Et voilà qu’on arrive à Cure For Life: un jeune trader new yorkais assez pourri de l’âme (j’aurai pu m’arrêter à trader pour éviter le pléonasme, en effet) se voit forcé par sa boite d’aller trouver le big boss alors reclus dans une cure au fin fond de la Suisse. Après de courtes séquences à New York où Verbinski prend son temps pour nous expliquer que oui, Dane Dehaan est bien une grosse merde de trader sans la moindre émotion, on se retrouve donc dans un ancien château médiéval (ceux qui jouent au bingo peuvent cocher la case «passé sordide») transformé en cure pour papy millionnaire. Et là vous me voyez venir à des kilomètres: pourquoi est-ce que ce lieu est si réputé? Parce que son EAU a des vertus curatives. Voilà! Après avoir tourné du pot pendant des années, Gore Verbinski s’est enfin décidé à plonger dedans la tête la première.

Et évidemment, vu que c’est l’eau du pot, elle n’a absolument aucune propriété curative, bien au contraire, et ça le spectateur le comprend très vite. Contrairement à Dane Dehaan, parce qu’apparemment un trader ça peut être beau et cool, mais pas intelligent. C’est d’ailleurs un des seuls défauts véritables du film, et en même temps cela fait partie de son charme; il est terriblement prévisible.

il parvient à ne jamais rendre cliché des lieux

Le film ne prend réellement son envol que lorsque Dane Dehaan se retrouve coincé à l’hôpital par une extraordinaire facilité de scénario; c’est là que Gore Verbinski déploie son talent et se lance dans une exploration de la psyché de son personnage en même temps que l’on découvre les noirs secrets et les bas fonds de la cure. Certes, le réalisateur n’a qu’un lieu à explorer, mais il le fait avec une bravado qui manque trop souvent au cinéma de genre; je ne sais pas combien il a dépensé en grues et bras mécaniques pour déplacer ses caméras, mais ça valait le coup. Grâce à son style, il parvient à ne jamais rendre cliché des lieux que l’on a pourtant déjà vu dans tout un tas de vieux films d’horreurs, souvent série B ou série Z: couloirs miteux et interminables, des souterrains caverneux, des salles de bal macabres et laboratoires crispants… tout y est. La palme revient cependant à la séquence du sauna, qui parvient à la fois à être angoissante et délicieuse dans son exécution.

une lettre d’amour au cinéma de Roger Corman

Cure For Life n’est au fond un film qui n’est fait que de déjà-vus, comme une lettre d’amour au cinéma de Roger Corman. Derrière la cure se cache une histoire sordide de recherche de l’immortalité, un petit zeste d’inceste, une touche légère de culte, ce qui n’a rien de neuf. Même le méchant, le médecin en chef de la cure (que nous appellerons Lucius Malfoy sans cheveux, parce qu’il s’agit effectivement de Lucius Malfoy sans ses cheveux) est un patchwork d’antagonistes tout ce qu’il y a de plus classique.

Et pourtant, Cure For Life a un charme qui dépasse celui d’un simple pastiche; c’est comme si le cinéma d’antan avait tant aimé sa lettre qu’il lui avait répondu, à travers le temps. De par sa technique, ses ambitions de spectacle visuel et de création d’atmosphère, Gore Verbinski parvient à faire de son film l’OFNI qu’il mérite d’être: une œuvre résolument moderne dans son exécution, mais foncièrement rétrograde dans son contenu. C’est d’ailleurs pour cela que lorsque le trader se retrouve patient de l’hôpital, sa montre cesse de fonctionner: le film est hors temps, hors champ. Il n’a rien à faire là, et pourtant il est. C’est là qu’est l’illusion, celle de croire que ce genre de cinéma a encore une chance d’exister, à cette échelle là… la vérité c’est que derrière les apparences, tout s’effondre. La montre a beau s’être arrêtée, le temps lui poursuit son cours et laisse périr et pourrir tout ce qui dépasse sa date de péremption.

ici le sujet devient métafilmique

On est là en plein cœur du deuxième thème de prédilection de Gore Verbinski: la dégénérescence des corps. Déjà bien présent dans les Pirates des Caraïbes, ici le sujet devient métafilmique. Alors que Lucius Malfoy sans cheveux cherche avec sa cure à percer le secret de l’immortalité, le jeune trader lui comprend l’inverse: tout meurt. Son état de folie pure lisible sur son visage édenté dans les dernières secondes du film sont celles d’une victoire; celle d’avoir compris que le temps passe, et que parfois on ne peut que laisser sa vie d’antan derrière soi. Ce sourire, c’est sans doute aussi celui de Gore Verbinski, qui a réussi à faire un film de série B à gros budget, extrêmement spectaculaire et qui évidemment ne sera jamais rentable. L’espace d’un instant, il s’est joué du temps et nous a emporté avec lui. Non, Cure for Life n’est définitivement pas un film parfait, mais c’est aussi un film assez unique, au bout du compte. Alors il faut bien savourer.

la meilleure adaptation de Resident Evil

P.S: Les fans de jeux vidéos profiteront de ce moment pour remarquer que Cure for Life est tout simplement la MEILLEURE adaptation de Resident Evil au cinéma. Oui, alors, là vous allez me dire plusieurs choses: y en a déjà six des adaptations, et en plus Cure for Life n’est pas du tout adapté du célèbre jeu vidéo de survival-horror. Ce à quoi je répondrai: vous avez extrêmement tort.

Vous vous devez de voir Cure for Life

Premièrement, les adaptations filmiques officielles de Resident Evil sont des nanars à gros budget qui n’ont rien à voir avec le jeu vidéo. Deuxièmement, Cure for Life comporte tous les éléments que l’on retrouve dans les meilleurs volets de la saga vidéoludique (notamment le quatrième jeu): l’Europe, des médecins flippants, la quête pour l’immortalité, des «zombies» (oui, des vieux, mais c’est un peu des zombies parfois dans le film), un château, des laboratoires, un scénario rocambolesque qui ne s’encombre jamais de choses inutiles comme la cohérence ou la vraisemblance, un héros américain Yankee super cliché, des villageois flippants, du folklore et du folklorisme… Bref. Vous êtes fans des jeux vidéos de Resident Evil? Vous vous devez de voir Cure for Life, je vous promets que vous ne le regretterez pas une seconde.

Cure for Life, un film de Gore Verbinski, filmé par Bojan Bazelli, avec Dane Dehaan, Jason Isaacs, Mia Goth. Sortie le 15 février 2017.

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