Cinéma et ambiance délétère : Esclandres sur (le) Camping

Le cinéma c’est sympa, surtout quand on en discute avec les autres. Il n’existe pas de films qui ne peut pas être éventuellement source de disputes. Et alors, autant on peut choisir ses amis en fonction de leurs goûts en cinéma (fonctionnement tout à fait sain), autant on ne choisit pas sa famille. Les fêtes de fin d’année étant communément des réunions familiales, on s’est posé une question à Cinématraque : quel(s) film(s) pourrai(en)t vous priver d’héritage et dissoudre votre arbre généalogique (au moins) ? Préparez-vous pour des enfants traumatisés, des cinéphiles qu’on veut baffer et surtout, ici, une bagarre, littéralement au sujet du camping ou de Camping, on sait pas tellement.

Lorsque Juliette a posé la question de ce nouveau petit exercice commun, à savoir « quel film ne devrez-vous pas évoquer lors des agapes familiales pour qu’elles ne se transforment pas en foire d’empoigne ? », ma première pensée a été très sereine : ma famille est saine, sympa ; jamais on ne s’engueulerait pour quelque chose d’aussi futile que le cinoche.

L’on est parfaitement capable de faire semblant qu’on est d’accord, entre ceux qui feront croire aux autres que oui, ils ont aimé le dernier Marvel en date et les autres, qui admettront pour s’acheter quelque paix sociale que le cinéma d’auteur français c’est pas si chiant que ça finalement de temps en temps, ma famille est parfaitement saine sur le sujet, agile.

S’il est en revanche une thématique sur laquelle on se retrouve fréquemment en désaccord, et notamment dans mon couple, c’est bien celle du camping. Là, je ne donne pas cher de notre santé mentale à l’issue d’une soirée où il s’agirait de ne discuter que de tentes, d’emplacements et de philosophie de campeurs. Mon daron a un bungalow où il passe la moitié de son année, dans un camping qui sent la frite, avec tongs, toboggans, élections de Mister camping et salle de muscu. Du côté de ma belle-famille en revanche, on est plus camping à la dure, en mode sauvage avec tente Quechua, chaussures boueuses et toilettes sèches. Et personne, jamais, nulle part, n’a inventé deux mots différents pour désigner ces deux activités qui n’ont rien à voir. L’on se tire la bourre, aussi, pour tenter d’arbitrer : c’est qui qui fait du vrai camping ?

Clairement, dans une discussion qui tournerait autour dudit sujet, il y aurait deux teams : la mienne, inspirée par le daron, pour qui le chef-d’œuvre de Fabien Onteniente en est évidemment un. Le camping y est parfaitement dépeint, et même que ça sent presque la frite quand Patrick Chirac va chercher sa barquette et court avec pour ne pas qu’elle refroidisse.

« Tais-toi, mais tais-toi », qu’on me répondrait, côté babos méprisant envers les soirées Mister-Camping. Ça n’est pas ça, le camping, « sauf pour les beaufs ». C’est vraiment une vraie vision de merde, calibrée pour faire rire les snobinards dans ton genre, qui veulent seulement se donner un style. On prendrait la salière et me la jetterait dans la gueule. J’esquiverais in extremis, « non mais ça va pas ?! »

Et de me resservir en pommes de terre. Elles sont un peu froides ; le repas est déjà largement entamé. « Tu ne les réchauffes pas ? » Ben non, les patates, ça se mange aussi froid, en salade et avec les doigts, comme au camping. « N’importe quoi », on saisit le pot de Savora pour encore me le lancer avant de le regarder avec dédain, « c’est même pas de la vraie moutarde ». On débat sur la Savora, « mais de toute façon on ne peut pas parler avec des gens qui foutent du Benco dans leur lait chaud ». J’invoque Patrick Chirac, fâché tout rouge, on voit mes veines jugulaires, tant l’attaque m’est perfide. « Retire ce que tu viens de dire, on avait dit pas le Benco. » Mes mains tremblent, mais le peu de clairvoyance qui me reste les empêche de faire une grosse connerie (style tomber le sapin).

Minuit, les cadeaux, les gamins sont contents, les adultes sur les nerfs. Mon cousin se voit offrir une tente de camping pour son été prochain. Discrets jusque alors, ses parents nous avouent tremblotants que… oui… il partira l’été prochain… camper avec ses amis. Sa tente dans les mains, il tremble de tout son corps, rouge pivoine, fusillé du regard par tous les protagonistes. Le père Noël s’est barré rapidos, on ne l’a qu’aperçu, quand il a su où en était la discussion, justement.

Je finis par rompre le silence, d’un ton menaçant : « Et alors, tu vas camper où ? » Il prend sa tête entre ses mains, fond en larmes, « je ne sais pas, je ne sais plus ». Je ne sais plus qui en premier a lâché : « Ah ben voilà, tu vois où ça nous mène, tes conneries… Noël est gâché. » Un grand merci à Patrick Chirac, donc.

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