Depuis la naissance de bébé, ma cinéphilie en a pris un sacré coup (mais j’ai vu un chef-d’oeuvre)

Il est arrivé le 6 septembre dernier, et comme le dit l’adage, c’était « le plus beau moment de notre vie ». Il a pointé le bout de son (joli) nez, commencé à (joliment) pleurer et depuis n’a jamais cessé bien longtemps. « C’est que du bonheur », oui, mais à condition d’avoir de bonnes boules Quiès. C’est le plus beau, le plus intelligent, le plus câlin, le plus gentil, et déjà se pose la question du premier film qu’on lui fera regarder quand il ne sera plus assez bébé pour qu’on l’épargne de cinoche. Le roi et l’oiseau ? Non, c’est trop dur, souffle sa daronne. Des courts-métrages polonais animés comme le ciné en propose régulièrement ? « OK mais si t’y vas avec lui », concède le daron qui, en échange, prendra « la charge des films d’action neuneus quand il sera pré-ado » (pas folle la guêpe).

En attendant, le bout de chou, il a mis un coup de frein net à ma cinéphilie. Stoppé le top 2023 au 6 septembre. Tout film qui viendrait s’y adjoindre aurait été vu dans des conditions telles que vous pourriez décemment douter de l’honnêteté dudit top.

J’ai bien tenté de regarder quelques trucs, mais ça n’a jamais été un franc succès.

Mieux vaut Tàr que jamais

Hier matin, galvanisé par de premiers bilans annuels lus ça et là, je lance Tàr sur la télé du salon, profitant d’un bon gros biberon dévoré, suivi d’un rot rapide et d’un rendormissement dans le transat quasi-instantané. Potentiellement, ce sont deux heures de bercements, chansons, portage etc. gagnées, et, de fait, la possibilité d’une sieste de trois petites heures. Nickel.

Finalement, le générique de début n’était pas terminé que Monsieur grognait déjà. OK le générique est méga-long (5 minutes avant que ça ne démarre, pensez aux gens qui ont des mioches bordel), mais c’est tout de même la poisse. Le premier rot n’est manifestement pas suffisant, bébé gigote, il en faut un deuxième, comprends-je. Qu’à cela ne tienne, bébé étant dans les vapes, je démarre ma fameuse « marche du rot », faisant des aller-retour devant la téloche, avec le visage de bébé sur l’épaule droite, mon cou penché pour ne pas le gêner avec ma tête, accentuant ainsi mon torticolis permanent de six semaines. Cate Blanchett campe un personnage invité d’une prestigieuse masterclass, et répond aux questions d’un mec sur une estrade devant un public conquis. Elle est une brillante cheffe d’orchestre, dont on comprend qu’elle sait ce qu’elle…

Renvoi, putain.

Je suis en robe de chambre, le lait à peine digéré aussitôt régurgité coule sur mon dos. Je fonce à la salle de bain, pour essuyer la bouche de bébé et rapidos tenter de me sécher le dos. Je garde via un miroir savamment placé un oeil sur Tàr, mais… tu sens pas la rose, mec, en fait. Changement de couche. Évidemment, la petite commission se réalise durant le change, ce qui nécessite nouveaux pyjama et body, et de fait, induit un réveil du petit bonhomme, qui fait de grands sourires. C’est sympa les grands sourires, les temps d’éveil et tout, que du bonheur, mais généralement ça veut pas dire rendormissement.

Retour devant la télé, j’ai pris un hochet pour tenter la distraction, même si je sais bien que le film durant 2h40, je suis baisé. Cate Blanchett, je ne sais pas trop pourquoi j’ai un peu perdu le fil, joue du Bach au piano devant des étudiants. Je bats la mesure avec le hochet, bébé est hilare et moi aussi alors qu’a priori c’est une scène un peu sous tension. La musique s’arrête, un étudiant dans la salle se vexe d’une remarque de Tàr, et bébé se met à chouiner, ressentant j’imagine l’énergie de la séquence, même s’il a la télé dans le dos, parce que pas d’écran avant 45 ans sinon il risque de finir chroniqueur chez Hanouna ou bien, pire, de s’ouvrir un compte Twitter.

J’ai vu une trentaine de minutes de Tàr, il est maintenant temps de jouer à bouger les jambes en chantant « Pomme de reinette et pomme d’api », ce qui n’est pas très compatible avec le propos, l’ambiance et la musique du film, concédé-je. « Je reprendrai plus tard » (= jamais, tukoné).

Catherine Frot et le médoc

Plus tard dans la journée, je revois mes ambitions à la baisse, et avec Madame en back-up, cette fois. Sur elle s’est endormi le petit, on a une bonne heure devant nous. Tentons Un homme heureux, petite comédie pas compliquée au papier (et surtout pas longue) dont on m’a dit du bien, et que j’avais un peu peur de voir, ce qui en général est bon signe. Luchini et Frot y campent un couple dans une petite ville de campagne. Lui interprète un maire vieux jeu, conservateur, et elle joue un homme né dans un corps de femme, lui annonce-t-elle.

L’annonce se fait en début de film, et la scène fonctionne plutôt. On ne rit pas de la situation mais de la réaction du maire. Frot est épatante et Luchini pas trop énervant, même si je reste persuadé que le truc le plus énervant du monde sur un grand écran, c’est de voir Luchini manger.

« Merde on a oublié son médoc. »

Au début je fais comme si je n’avais pas entendu la phrase prononcée par Madame, concentré sur une jolie scène où le perso de Frot rejoint un cercle de parole pour personnes trans, comprenant qu’il n’est pas seul. Mais très vite, la culpabilité me rattrape. Et si à cause de ce manquement le petit tombait gravement malade ? Ce médoc sans ordonnance qui a un goût de bonbon et qu’on ne lui a prescrit, suis-je persuadé, que pour rassurer ses parents quant à ses pleurs incessantes d’après 19 heures, vaut-il le coup de réveiller bébé ? Je file doucement prendre le médoc et en mets une noisette sur mon doigt, que je glisse délicatement dans la bouche du petit. Instantanément, ses yeux s’ouvrent très grands et Monsieur tète fort mon doigt.

Madame me regarde en souriant. « Bon, du coup tu veux pas aller me faire un thé ? » Je file au thé, me fais couler un café par la même occasion, et Luchini et Frot déroulent leurs péripéties sans nous. L’enfant s’est réveillé ronchon, on lui montre pour le divertir sa fausse télé qui fait défiler une image en musique. On regarde l’image avec lui et on la lui décrit. C’est un petit chien qui suit un canard, et il y a de l’herbe et du soleil. Bébé se calme, regarde apaisé le chien qui jamais n’attrapera le canard, le ciel qui jamais ne cessera d’être bleu, et la jolie ritournelle qui jamais ne s’arrêtera, pourvu que papa tourne le petit bouton qui fait des « crac » et la relance pour quelques secondes.

C’est tout tranquille, avec la musique et toutes ces couleurs. Je crois que le film avec Luchini et Frot continue derrière, mais on ne le regarde plus. Le chien, le canard, le ciel nous hypnotisent tous les trois, et voilà que nos six paupières sont bien lourdes. Je ne sais pas comment s’appelle l’œuvre ni qui en est l’auteur, mais top 10 de 2023, easy, même si j’ai un peu dormi, j’avoue.

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