Mystère à Venise : l’Exorcisme d’Hercule Poirot

Hercule Poirot et ses potos fêtent Halloween dans un palazzio. L’un des invités tombe à l’eau. Qui reste dans le palazzio ? Tel est le mood de Mystère à Venise, la troisième adaptation des enquêtes du détective moustachu signée Kenneth Branagh. Une suite que pas grand monde ne devait attendre vu le fiasco qui a entouré la sortie de Mort sur le Nil avec son casting toujours plus problématique de jour en jour et une qualité… Relative. Verdict : le film a enregistré moitié moins de recettes que Le Crime de l’Orient-Express malgré un budget qui a vu double. On ne sait pas trop combien Mystère à Venise a coûté par rapport à ses prédécesseurs, mais force est de constater que Kenneth Branagh fait désormais dans l’épure… dans tous les sens du terme.

À commencer par le choix de cette nouvelle enquête lui-même. Branagh et son scénariste fétiche Michael Sheen ont pioché du côté des enquêtes un peu moins connues d’Agatha Christie et ont choisi La Fête du potiron. Pas hyper vendeur comme titre, on est d’accord. De l’intrigue, le film ne garde que les grandes lignes : Hercule Poirot se voit convié par son amie autrice Ariadne Oliver (Tina Fey) à une soirée d’Halloween dans un palais présumé hanté. Une séance de spiritisme réveille les fantômes du passé de la cantatrice Rowena Drake (Kelly Reilly), maîtresse des lieux, et devient le théâtre d’un nouveau meurtre. Tout ce qu’il fallait pour que le fameux détective sorte de sa retraite anticipée…

Le seul fond vert du film. Oui, moi aussi j’aurais pu ne pas y croire.

D’un manoir en Angleterre, l’intrigue se voit transposée à Venise et ce dans une unité de temps beaucoup plus réduite : une nuit seulement contre plusieurs semaines dans le livre. Une nuit orageuse et violente, où les eaux du Grand Canal font vrombir les barques et s’abattent sur les murs. Une nuit où tout semble terrifiant… y compris un simple pigeon. Car oui, Mystère à Venise s’ouvre par un plan sur un pigeon qui s’envole façon jumpscare, histoire de vous faire comprendre que ce ne sera pas qu’une enquête, mais aussi une bonne flippette. Kenneth Branagh s’efforcera aussi de vous montrer par bon nombre de plans que son équipe s’est vraiment déplacée à Venise le temps de quelques scènes (en début et en fin de film) avant d’enfermer tout son casting dans un vrai décor de cinéma dans les studios de Pinewood.

Il semblerait que l’acteur/réalisateur/enquêteur/professeur de lutte contre les forces du mal ait enfin consulté un ORL et retiré le gros bouchon de cire qui se trouvait dans ses oreilles : Mystère à Venise est le film le moins dégueulasse visuellement de cette trilogie Branagh-ienne. Adieu les fonds verts peu reluisants de l’Orient-Express, et surtout ceux de Mort sur le Nil, troqués au profit d’un cadre resserré sur les personnages et leur terreur, à travers de nombreux plans en contre-plongée et désaxés. Branagh joue aussi énormément avec de courtes focales de façon à souligner la petitesse de ses protagonistes terrifiés et mystérieux dans un manoir tout aussi terrifiant et mystérieux. Sur le papier, ça donnait envie, surtout que la musique de Hildur Guðnadóttir (première fois que Branagh ne collabore pas avec Patrick Doyle) apporte un vrai plus à l’ambiance. Mais Mystère à Venise lorgne davantage du côté de la fainéantise de tous les films d’horreur récents et bas de gamme plutôt que dans ses inspirations gothiques. Des jumpscares à la con et surappuyés, toujours comme le pigeon du début du film.

L’épure se voit aussi du côté de Branagh acteur, puisque son Hercule Poirot se montre beaucoup plus effacé et modeste que dans les deux précédents films. Cette fois-ci, vous n’aurez pas droit à des flashbacks gênants de Poirot dans les tranchées, pas de nouvelle anecdote gênante sur Poirot et sa femme ou de monologue gênant sur Poirot et sa moustache (en français incompréhensible qui plus est). Non. Poirot la met en veilleuse. D’ailleurs, c’est contre son gré qu’il est là. Et le film en joue énormément dans sa dynamique, puisqu’il est davantage conduit par son amitié avec le personnage d’Ariadne Oliver et le charisme sans pareil de Tina Fey. À un moment, elle lâche même un petit « good god » façon 30 Rock, et j’avais presque la larme à l’œil. Bref. Poirot assiste plus qu’il n’enquête, jusqu’à ce qu’il n’en ait pas trop le choix. L’idée que Poirot puisse faire face à du surnaturel et non à la supercherie qu’il pense débusquer au cours de la séance de spiritisme introductive est particulièrement intrigante et permet d’en dire davantage sur son personnage par le langage cinématographique lui-même plutôt que par de rébarbatives scènes de dialogues.

L’enquête en elle-même ? Elle n’a pas grand chose de cette originalité. Même foncièrement banale, elle est prévisible de bout en bout, et c’est pour ça qu’on ne vous dit pas grand chose des autres personnages. Si ce n’est que Riccardo Scarmarcio a dû faire acte de présence pour sa patrie, seul acteur italien présent au casting, et que Jamie Dornan a l’air au bout de sa vie dans le rôle d’un docteur dépressif (ou bien peut-être est-ce parce que son fils est atrocement chiant, je ne sais pas). Kelly Reilly manque au cinéma, Michelle Yeoh a l’air contente d’être là et Camille Cottin continue définitivement de survoler toutes les productions américaines avec classe. Mais on n’en dira pas plus, car leurs personnages sont tellement archétipaux qu’on en perdrait tout intérêt. Tous les indices sont appuyés au forceps, que ce soit à travers les dialogues ou la mise en scène. Les flashbacks chiants de la vie de Poirot deviennent ici des flashbacks chiants relatifs à l’enquête. Et même si Mystère à Venise est la plus courte des enquêtes de Kenneth Poirot, on finit donc par trouver le temps long. Allez, avec un peu de chance, c’était peut-être enfin la dernière !

Mystère à Venise, un film de Kenneth Branagh. Avec Kenneth Branagh, Tina Fey, Camille Cottin, Kelly Reilly, Jamie Dornan, Michelle Yeoh… Sortie en salles le 13 septembre 2023.

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1 thought on “Mystère à Venise : l’Exorcisme d’Hercule Poirot

  1. Je ne m’attendais pas à ce nouvel opus soit aussi mauvais. Normalement, je raffole de ce genre de films, avec des enquêtes, des énigmes et des mystères, mais je ne suis pas sûr de vouloir voir celui-ci.

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