Goliath : Le Bon, la Brute, et le Kazakh

qui dit nouvelle édition de l’étrange Festival, dit nouveau film d’Adilkhan Yerzhanov. Notre chouchou du cinéma kazakh (on ne connaît que lui en même temps, mauvais cinéphiles que nous sommes) continue de développer son univers dans le village imaginaire de Karatas. Un lieu où tous les gens sont pauvres, bêtes, tristes, criminels, corrompus, cinéphiles, idéalistes, désabusés, et parfois tout ça au même temps.

Un lieu qui, mine de rien, fait du cinéma de Yerzhanov sans doute l’univers partagé le plus étendu du cinéma indépendant, puisque le bonhomme a déjà dû dépasser la dizaine de films qui se déroulent dans ce fantasme de cité, ce désert sans foi ni loi. A ceci près que la géographie, la démographie et la topographie de Karatas évolue à loisir selon les films. Yerhanov a construit sa propre Springfield en quelque sorte, qu’il peut manipuler selon ses envies narratives.

On s’était laissé sur des histoires plus drôles, mais cette fois avec Goliath, Yerzhanov retrouve la noirceur d’un A Dark, Dark man sans forcément en garder le ton d’une ironie mordante. Le film met en scène un criminel tout puissant qui a la main basse sur la ville de Karatas. Dans la scène d’ouverture du film, il cogne ses sous-fifres afin de s’entraîner à la bagarre, et ces derniers encaissent sans mot dire. Puis ils prennent d’assaut une maison et exécute une femme, qui a dénoncé les agissements du criminel à la police.

C’est là que commence véritablement le récit : le big boss crimine se rapproche d’Arzu, le mari de la femme qu’il a assassiné, et décide de prendre soin de lui. Arzu, qui est handicapé moteur (il a du mal à marcher) et qui a du mal à s’exprimer, se retrouve avec une fille à nourrir et à élever. Et peut-être des envies de vengeance… C’est là tout l’intérêt de Goliath : on se demande quand et comment Arzu va passer à l’acte contre ce géant surprotégé.

Comme le titre n’est déjà pas très subtil (David contre Goliath tout ça), Yerzhanov en rajoute une couche avec des extraits du livre Le Prince de Machiavel, qui sont des principes pour garder sa position de dominant. Cela permet de surligner tous les moments où le big boss mafioso fera des erreurs dans son rapport à Arzu.

Encore une fois, Yerzhanov use et abuse du scope pour mettre en valeur les paysages vides, majestueux et mélancoliques de son Kazakhstan. Il inscrit la quête de vengeance d’Arzu dans un décor qui appelle à la patience, au silence, au relativisme mais aussi qui ne cesse de rappeler l’âpreté, la dureté du monde. Rien n’est donné à Karatas, il n’y a que la loi du plus fort et rien d’autre. En cela, Goliath est peut-être son film le plus westernisant à ce jour.

Et si le film reste très noir, il semble que quelque chose a changé chez le cinéaste depuis les heures de son A Dark, Dark Man. Car si les tyrans sont partout, tout puissants, si la police est à leur botte et les classes populaires trop terrifiées pour se soulever, Yerzhanov veut croire à des Arzu, capable de nous venger tous.

Goliath, un film d’Adilkhan Yerzhanov, diffusé en 2023 à l’étrange festival.

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