[Annecy 2023] Rencontre avec Jennifer Lee pour Wish et les 100 ans de Walt Disney Animation

Qui dit Festival d’Annecy dit forcément un vendredi consacré au show de la Walt Disney Company. On est désormais un peu tous habitués au format suivant : l’avant-première du film Disney Pixar censé devenir l’une des vitrines de l’été, et un work-in-progress façon grand spectacle des autres projets à venir, que ce soit pour Pixar ou pour Disney Animation Studios. On sort les prompteurs, les présentations avec de nombreux magnétos et un storytelling très affuté, mais toujours maîtrisé et sincère. On retrouve aussi le rendez-vous du Disney Art Challenge, propulsé par Disney France qui récompense chaque année les meilleurs dessins d’étudiants en animation, leur offrant ainsi une bourse pour contribuer à leurs projets.

Et cette année, Disney célèbre ses 100 ans. Pour en savoir plus sur le détail de la présentation, on vous laissera lire le journal de bord de Renaud, qui est un peu moins emballé que moi par les extraits de Wish, le prochain film d’animation Disney. Entre la présentation du film et la (re)présentation du court métrage Once Upon A Studio, il y a eu de quoi faire oublier la fête un peu maussade de l’an dernier, où Avalonia, l’étrange voyage était présenté en grandes pompes tout en omettant soigneusement le fait que la France était le seul pays à ne pas le sortir en salles. Une situation qui a l’air d’avoir laissé quelques marques, puisque Jennifer Lee, présidente de Walt Disney Animation Studios, a bien insisté sur le fait que Wish sortirait cette fois-ci partout… au cinéma.

Et Jennifer Lee, qui recevait d’ailleurs un Cristal d’honneur l’an dernier à Annecy, quand elle est sur scène, elle n’est pas les yeux rivés sur son prompteur. Quand elle parle de Once Upon A Studio, de sa collaboration avec ses équipes, de figures du studio comme Eric Goldberg ou feu Burny Mattinson, on sent l’émotion et la sincérité la gagner. Chez Cinématraque, quand on blâme Disney (et Renaud le disait déjà dans son journal de bord également), on parle des costards-cravates qui prennent des décisions financières en dépit des créatifs. Donc quand la passion est là, on la souligne. Et quand on a l’opportunité de rencontrer Jennifer Lee en table ronde pour échanger davantage sur le film et l’avenir du studio, on la saisit.

(Et quand après cette rencontre, on a aussi l’occasion de la remercier de son travail, son envie de faire découvrir de nouvelles voix et de créer des histoires plus inclusives, on le fait aussi. Car malgré le flop d’Avalonia, je n’ai toujours pas oublié Ethan.)

Dites-nous tout sur Wish !

J’aimerais vraiment avoir une baguette magique pour réaliser ce genre de film. On passe d’abord beaucoup de temps entre nous, à partager nos idées et rêvasser sans jamais nous censurer. On va là où on en a envie, puis les choses commencent à prendre forme et à avoir du sens. Le fait de pouvoir faire des vœux et les accomplir, en tant qu’êtres humains, c’est vraiment notre but, notre fierté. Et quand on a regardé en arrière, à travers tous les films que nous avons faits chez Walt Disney Animation, on a pensé à tous ces personnages qui ont fait un vœu en admirant les étoiles et qui ont tout donné pour l’accomplir et construire leur propre destin. Nous créons toutes ces histoires en prenant en considération tout ce que l’on peut ressentir en tant qu’être humain. Et pour ce film, ça nous a pris du temps ! Ça fait cinq ans que l’on travaille dessus, on a encore la moitié de l’animation à terminer !

Quel est le premier souvenir que vous avez en lien avec Disney ?

Pour moi, c’est Cendrillon. Je me souviens qu’on m’avait offert un livre quand j’étais enfant, qui contenait de superbes images du film et j’étais happée par cette histoire. J’ai seulement pu voir le film quand j’avais huit ou neuf ans. Et c’est ce qui m’a donné envie de devenir animatrice, et même de travailler chez Disney ! Je ne pouvais pas forcément dessiner comme on l’attendait, mais j’ai trouvé d’autres manières de faire mon chemin.

Comment le choix d’Ariana DeBose s’est-il imposé pour le casting ? A-t-elle eu des idées concernant les chansons ? Et l’aviez-vous vue dans West Side Story avant de la choisir ? (ça c’est la question de notre pote Océane)

En fait, je l’ai découverte dans Hamilton ! Elle ne jouait qu’un rôle secondaire mais elle m’avait bluffée. Puis j’ai vu West Side Story. Après avoir vu le film, je pensais que ce serait super de pouvoir travailler avec elle… puis notre directeur de casting nous a dit « hé, on se disait qu’on pourrait travailler avec Ariana DeBose sur ce projet » !

C’est une grande professionnelle : elle sait chanter, elle sait danser. Elle chante dans toutes les chansons du film, sauf une, car le méchant du film a droit à sa propre chanson. Elle a tout donné pour le rôle, tout en étant très humble et les pieds sur terre. Elle a apporté tout cela à Asha : elle n’est pas quelqu’un de parfait. Elle est quelqu’un d’idéaliste, et un peu comme Ariana et son propre parcours, elle se retrouve propulsée dans d’incroyables circonstances qu’elle doit explorer elle-même. C’était l’actrice parfaite pour construire ce personnage.

Wish a une esthétique très particulière : pourquoi avez-vous fait ce choix ?

Pour nous tous, et en particulier pour nos équipes de décorateurs, c’était un rêve de s’inspirer de films comme La Belle au bois dormant. On avait quelques petits clins d’œil dans La Reine des neiges. Puis on s’est demandé ce que les nouvelles technologies nous permettraient de faire : avoir un rendu visuel un peu aquarelle, revenir au format CinemaScope, pour rendre hommage à tous les films qui nous ont énormément inspirés.

On réfléchit et on se bat beaucoup pour que ce que nos artistes veulent voir puisse arriver jusque sur le grand écran. On touche au but, et pour toute l’industrie de l’animation, c’est une nouvelle ère. On a de moins en moins de compromis à faire concernant ce que nos artistes veulent réellement. Il y a encore quelques mois, on n’arrivait pas à réaliser une scène particulière qui impliquait de l’eau, puis on a réussi à trouver une solution. On est parvenus à le faire car on savait que c’était une scène très importante pour le film, et c’était une expérience incroyable.

Concernant le casting de Chris Pine, comment ça s’est passé ?

Ce qu’il faut savoir, c’est qu’on voulait d’abord avoir un véritable méchant dans ce film. Et ce qu’on souhaite, autant du côté de nos scénaristes que de notre public, ce sont des antagonistes beaucoup plus complexes. Les gens veulent savoir pourquoi ces personnages basculent et ce qui les motivent à être comme ça. Il nous fallait un acteur qui puisse correspondre à ça.

J’avais déjà travaillé avec Chris Pine sur Un raccourci dans le temps. Il est vraiment très futé, il travaille énormément et il s’implique totalement dans un projet. On avait besoin de quelqu’un comme lui pour jouer Magnifico : quelqu’un de très futé, et avec beaucoup de charisme. Et pour lui, c’était très important de connaître tous les choix créatifs. À aucun moment il n’est venu sans savoir ce qu’il devait faire. On avait vraiment l’impression d’avoir Magnifico avec nous dans le studio. Et pour les chansons, il s’est vraiment donné à fond !

Vous avez énormément parlé du fait que les générations s’entraident et apprennent l’une de l’autre chez Disney Animation. Sur Wish, Julia Michaels écrit des chansons pour la première fois chez Disney et collabore avec le compositeur David Metzger, un autre vétéran du studio… (ça c’est notre question !)

Comme vous l’avez dit, une toute nouvelle génération arrive dans l’industrie. Et ce qui est fantastique, c’est que ces personnes débordent d’idées et de talent. Et oui, comme vous dites aussi, on a encore beaucoup de vétérans chez Disney. On a toute cette expérience. On connaît notre métier. On sait que ça peut impliquer beaucoup d’échecs, ou énormément de temps de travail où on fait et refait la même chose, comme l’expliquait Burny Mattinson (l’un des animateurs ayant travaillé le plus longtemps chez Walt Disney Animation, qui joue par ailleurs dans le court métrage Once Upon a Studio, qui célèbre les cent ans de Disney. Il est décédé en février 2023, ndlr.) dans les vidéos qu’on a projeté ce matin. Cette entraide entre générations est ce qui nous permet de traverser des moments difficiles, de recevoir des conseils ou des retours constructifs…

Et concernant David et Julia… Ce qui était important pour elle, qui adore Disney, c’était de trouver un moyen d’apporter une touche de classique à ces chansons. Et ce qui était important pour lui, c’était de pouvoir travailler sur des sonorités très contemporaines. L’alliance de leurs deux expériences est ce qui nous a permis d’obtenir une musique qui soit surprenante, sans pour autant être dissonante.

Dayah, la meilleure amie d’Asha, est handicapée. Il semblerait que ce soit une première dans un film de Disney Animation. Pouvez-vous nous en dire davantage sur ce personnage et sur votre vision de l’inclusion dans le studio ?

Pour nous tous chez Disney, tout le monde peut faire partie de cette histoire. Je fais partie de celles et ceux qui pensent que n’importe qui devrait pouvoir se sentir représenté à l’écran, et surtout dans un Disney. Évidemment, quand j’étais enfant, je me reconnaissais beaucoup car j’étais une petite fille blonde ! Mais quand j’ai pu voir ces vidéos lors de la sortie d’Encanto, comme celle où un enfant de deux ans pointe le doigt vers Antonio et dit « c’est moi ! », je me dis que c’est vraiment ce qui compte pour moi. Nous avons construit un royaume qui est rejoint par des gens qui viennent du monde entier, ce qui nous permet de travailler avec des personnes de tous horizons, et de créer tout type de personnage.

Pouvez-vous nous en dire plus sur les films Disney qui vous ont inspiré pour créer Wish ?

On a vraiment voulu se remémorer tous les films où l’on pouvait voir des personnages faire un vœu en regardant les étoiles, et il y en avait tellement ! Après, comme nous voulions vraiment refaire un film avec des chansons, on est allé puiser dans ce que l’on fait, puisque la musique fait partie intégrante de l’histoire de Disney. Évidemment, Cendrillon est très important pour moi. Pinocchio est le film préféré de Chris Buck et de Burny Mattinson. On a partagé ensemble tous ces éléments de façon à créer une histoire originale qui soit vraiment la nôtre.

La bande d’ados du film est inspirée des sept nains de Blanche-Neige, peut-on s’attendre à d’autres références ou caméos de ce genre dans le film ? (ça, c’est la question de nos potos de CloneWeb)

On y fait effectivement référence, mais on a aussi fait en sorte que chacun de ces personnages ait son identité propre. On s’est un peu éloigné des références à outrance pour que ça ne nuise pas à l’histoire, mais il y a quand même eu quelques moments où elles se sont imposées à nous. Et je ne fais que vous teaser un peu, mais on a semé quelques éléments du troisième acte qui concernent Asha et Magnifico sans même s’en rendre compte… On veut seulement utiliser des références si elles nous semblent pertinentes pour l’histoire. Parfois, ça nous tombe dessus par hasard et on voit ce qu’on en fait ! C’était une expérience assez unique pour nous.

Pensez-vous que Wish sera le début d’une nouvelle ère chez Walt Disney Animation Studios, avec notamment des projets plus hybrides qui pourraient mêler 2D et 3D ?

C’est une alliance de beaucoup d’éléments : les nouvelles technologies qui nous permettent d’accomplir des choses extraordinaires. Notre studio est aussi plus inclusif que jamais : nous avons plus de femmes dans nos équipes, de personnes issues de minorités, qui apportent des histoires toutes fraiches et de tous types différents. Et même si nous aimons tous nos franchises et nos suites, qui font partie intégrante de notre histoire, nous avons toutes ces nouvelles histoires et ces nouvelles voix qui apportent une toute autre dynamique. Et c’est ce sur quoi je me concentre en ce moment : cette nouvelle génération, en m’assurant qu’elle bénéficie de tout ce dont elle a besoin.

Wish, Asha et la bonne étoile, un film de Chris Buck et Fern Veerasunthorn. Avec les voix originales d’Ariana DeBose, Chris Pine et Alan Tudyk. Sortie française le 29 novembre 2023. Présenté en Work in Progress au Festival international du film d’animation d’Annecy.

Merci à Pierre Boureau et Olivier Margerie de The Walt Disney Company France pour l’organisation de cette rencontre.

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