[Annecy 2023] Journal de Bord Day 6 & 7 : Le prochain Disney version Wish, le Blue Giant du jazz et les New Gods de l’animation chinoise… Au revoir Annecy !

La journée de jeudi soir sentait bon la fin de festival. Après une dégustation de bières au Ouistiti à roulettes devant la salle Bonlieu avec les camarades Gabin et Océane, on se dirige vers la fête mexicaine Titrafilms. On y retrouve encore le groupe mariachi, ainsi qu’un cocktail tequila framboise qui nous a mis K.O pour une dernière séance nocturne. Aqua Teen Force : Plantasm est un long-métrage dérivé d’une série Adult Swim, et de ce que j’ai compris, voir ça bourré était plutôt des conditions idéales. J’ai pas compris aux aventures de ce cornet de frite flottant, ce soda et cette boulette de viande affrontant le terrible CEO de la boîte Amazin’, mais j’ai bien rigolé. Le reste de la nuit s’est déroulé dans les petites rues d’Annecy, à croiser des camarades scénaristes (bises éternelles à toi Bertille) et journalistes (bises éternelles à toi Fred) avant de rejoindre le lit bien trop tard.

Wish et Disney : 100 ans, c’est long !

Après un passage rapide à l’Impérial pour une interview des réalisateurs de Trolls 3 (la photo de l’article = la vue depuis la chambre d’hôtel) publiée prochainement sur le site, puis un passage rapide en salle presse pour interviewer le réalisateur d’Adam Change Lentement (dont le film vient d’être acheté par Eurozoom !), on retrouve la grande salle de Bonlieu pour la présentation annuelle des studios Disney.

Après la remise des prix du 11ème Disney Art Challenge, les réalisateurs Trent Correy et Dan Abraham reviennent pour présenter le court-métrage Once Upon a Studio à nouveau. Célébrant les 100 ans du studio en mettant en avant des personnages de (presque) tous les longs-métrages Disney, ce film très tire-larmes fonctionne toujours autant au second visionnage. Ce n’est que du fan service, mais si joliment animé et mis en musique qu’on se laisse manipuler… Parce que même si le studio représente aujourd’hui beaucoup de ce qui est à la cause de la majorité des problèmes causés par le Hollywood moderne, force est de constater que les personnages (et par extension les animateurs) sont toujours aussi enchanteurs. Trent Correy, Dan Abraham et le chef animateur Eric Goldberg auront tous eu droit à une standing ovation, on peut comprendre pourquoi Disney vient encore à Annecy aujourd’hui : derrière les hommes et femmes en costumes qui pensent business et profit, il y a encore des artistes qui débordent d’amour pour le medium.

Jennifer Lee rejoint ensuite la scène pour présenter les premières images du prochain film Disney qui sortira en Novembre, Wish. Une Jennifer Lee moins carrée et pro qu’à son habitude, et donc beaucoup plus agréable à écouter parler puisqu’elle lâche le prompteur par moment et laisse transparaître une excitation qui semble très sincère vis à vis du projet qu’elle a co-écrit. Réalisé par Chris Buck et Fawn Veerasunthorn, Wish est un film qui veut marquer le passage du centenaire chez Disney en rendant hommage aux classiques tout en utilisant les technologies modernes qui ont été expérimentés sur leurs courts-métrages. Malheureusement le résultat de ce qu’on en a vu n’est pas non plus exceptionnel, mais difficile de juger le visuel puisque les images que nous avons vues (environ 20 minutes du film dont deux chansons) étaient loin d’être terminées. Toujours dans ce regard vers le passé, Disney propose de revenir au format Cinemascope. Excellente idée, si ce n’est que la mise en scène semble peu adaptée à ce ratio d’image dans les passages qu’on a vu, surtout en comparaison avec l’excellent point de référence qu’est La Belle au Bois Dormant, véritable modèle du genre.

Côté scénario, on garde cet esprit d’hommage jusqu’au concept même du film : Wish, le souhait qu’on fait sur une étoile comme on l’entend dans Pinocchio, parle justement d’un royaume où le roi reçoit les souhaits des citoyens et a le pouvoir de les exaucer. Les références au studio sont nombreuses et peu subtiles : le grand-père de l’héroïne a 100 ans, ses amis sont une bande de sept mecs aux personnalités similaires à celle des nains de Blanche-Neige… Pour autant les extraits qu’on a pu voir montre que ces idées sont vraiment dans la toile de fond. La vraie histoire reste originale, avec enfin un vrai méchant (cela faisait un moment que les films Disney fuyaient un peu l’idée), très charismatique à la position sociale intéressante, et des pistes plutôt enthousiasmantes côté animation. Sans trop s’emballer non plus car les deux chansons qu’on a pu entendre sont franchement pas dingos, et les scènes très bavardes et statiques. On verra en novembre si la petite forme du studio (même si Encanto était plutôt dans le haut du panier) se confirme ou si on sera agréablement surpris…

A nouveau on regarde vers le passé, chose nullement inhabituelle pour Disney mais qui est si pertinente au sein de cette édition Annecy 2023. C’est en regardant vers l’arrière en permanence que le studio réécrit son histoire pour faire une officielle, un mythe aussi naïf que les films qui l’ont rendu célèbre. Quand le célèbre artiste Burny Mattinson (il a passé 70 ans dans les studios, de ses 18 ans à son décès il y a quelques mois) ouvre le court-métrage Once Upon A Studio en disant « ah si ces murs pouvaient parler », déclenchant l’apparition de tous les héros des films d’animation, on ne peut s’empêcher d’imaginer ce que les murs diraient s’ils racontaient toutes les épreuves et les horreurs qu’ont pu connaître les lieux.

Film événement : Blue Giant, de l’anim qui fera jazzer

Après un après-midi glace et peinture à l’aquarelle au bord du lac (j’ai regardé une amie artiste faire, je sais à peine aligner deux mots sur le clavier faut pas me demander des trucs réellements beaux comme ça à moi), direction le Pathé pour le deuxième film du festival pour Yuzuru Tachikawa. Grosse année pour le réalisateur en effet qui en plus d’avoir signé le dernier volet des aventures cinéma de Detective Conan, voilà qu’il adapte aussi le célèbre manga sur le jazz Blue Giant. Dont le titre est un terme d’astrophysique mais appliqué au jazz : quand un musicien est brillantissime, il devient comme une géante bleue, une étoile extrêmement chaude.

La séance du soir fut une des plus belles du festival. Encouragé par le réalisateur, le public réagit à toutes les performances de jazz comme à un véritable concert, applaudissant les solos virtuoses.

Ce sont d’ailleurs ces scènes qui font tout le sel du film, dont la trame épouse de manière très académique les codes d’une narration Shonen Nekketsu : le héros est un saxophoniste enthousiaste et rêveur qui ne cesse de s’entraîner avec acharnement pour devenir plus fort. Il est accompagné d’un génie du piano qui doit apprendre à redescendre de son piédestal pour progresser et toucher au divin, et par un débutant à la batterie qui va tomber en amour avec le jazz sans avoir de talent inné.

Malgré ses deux heures de durée, le film déroule à donf et passe très vite puisque le manga est un peu condensé pour pouvoir tenir la cadence. L’histoire est donc classique, efficace, moins plurielle qu’un Kids on the Slope Par exemple et vraiment concentré sur le jazz, encore le jazz et toujours le jazz. Pour cette raison, les scènes de musique sont absolument dingos. L’improvisation musicale qui déroule les émotions et permet tous les possibles infuse dans l’animation qui devient élastique. Les corps se déforment, la caméra rentre dans le tube du saxophone, une note de piano devient une supernova, une partition devient un royaume… Tout est possible parce que musicalement tout est possible. On regrettera seulement les inserts de plans en 3D nettement moins réussi au milieu de ces séquences, mais le bien est fait : on prend son pied comme pas permis.

À priori le film sortira en France via Eurozoom, même s’il n’a pas encore de date de sortie. Et si le film fonctionne bien, le réalisateur pourra on l’espère adapter la suite du manga qui se déroule en Europe…

Midnight Specials : New Gods: Yang Jian

La soirée du vendredi fut plus calme qu’à l’accoutumée. Le barbecue Disney n’était pas très rempli (on y a croisé Philippe Etchebest, aucune idée de quoi faire de cette info mais voilà elle est là) et après quelques verres et quelques danses avec la super équipe londonienne de Passion Pictures (qui refuse de dire sur quelle grosse série ils ont bossé pour une sortie prochaine… Foutues NDAs.), on file au lit. Samedi matin j’ai une dernière séance en compagnie d’Océane, qui est à peu près aussi épuisax que moi. New Gods : Yiang Jian réalisé par Ji Zhao est le second film de la saga des nouveaux dieux du réalisateur, et techniquement un prequel au premier film sorti chez nous directement sur Netflix.

Je dis techniquement, parce que j’ai vu l’autre film et le scénario était tellement alambiqué que j’ai en vérité aucun souvenir de ce qu’il s’y passe. Simplement qu’il y avait des mortels, des dieux, de la jolie animation 3D et de la baston. Yiang Jian est légèrement plus clair dans son déroulé, même si le légèrement dans ma phrase fait gros taff parce qu’il y a quand même des trucs que j’ai absolument pas pigé.

Le film est tout simplement un Wu Xia : Dans le royaume immortel (le ciel en gros), Yiang Jian est un dieu reconverti en chasseur de primes après avoir perdu son troisième oeil magique (je déteste quand ça m’arrive) en enfermant sa soeur dans une montagne (vraiment relou aussi ce genre de trucs) pour empêcher la fin du monde avec genre des phénix (the worst, j’ai pas raison la team ?). J’ai pas vraiment compris la partie sur la montagne, surtout que le film a aussi une structure enquête/film noir avec une pseudo femme fatale et plein de rebondissements et retournements de situation, mais à la limite peu importe.

Peu importe parce que c’est trop LA CLASSE. Yiang Jian en chasseur de primes mélancolique trop fort a trop la classe, son bâteau volant a trop la classe, son équipage a trop la classe (il a même un chien ultra enthousiaste qui court partout qui est aussi une fille pour une raison jamais expliquée mais let’s go hein, faites-vous plaisir vous dérangez pas pour le public qui n’arrive pas à suivre), et quand il se bat avec son kung-fu qui fait briller les pieds il a trop la classe. Le film commence avec une affaire plutôt « petite », c’est l’élément enquête/film-noir que je mentionnais plus haut : une femme mystérieuse le charge de retrouver une lampe magique. Ce McGuffin le mènera à trouver un jeune garçon avec qui il a un lien secret, et à être poursuivi par des dieux supers forts qui sont capables de projeter leur puissance énergique en géants de la baston. Il y a beaucoup, beaucoup de baston dans le film, même si elles sont toutes trop courtes, et si l’ensemble est plus classique que le premier volet, celui-ci est tout de même plus cohérent, plus touchant. On sent bien sûr qu’il nous manque des références, un bagage culturel pour apprécier le tout. C’est comme mater un film par le trou de la serrure ; on ne voit pas tout mais l’impression de découvrir un monde qui nous est inconnu fait partie du plaisir.

Conclusion du festival

Ainsi s’achève ce festival d’Annecy 2023 pour moi. Une année comme je l’ai répété à maintes reprises ici tournée vers le passé. Pour y trouver des réponses à notre présent, du réconfort, l’origine de nos maux… Les raisons sont multiples, et le fait que ce sentiment ressorte de la globalité des sélections (en incluant les séances événènements) prouve que c’est en partie accidentel. Mais c’est cet accidentel qui met le doigt sur le vrai : en animation comme ailleurs dans les domaines créatifs, l’avenir fait de plus en plus peur.

Le festival d’Annecy, de par sa taille et son importance, n’est en rien parfait. L’animation est une industrie qui peut être démoralisante, inhumaine, impitoyable… Et pourtant, on revient tous les ans. Pourquoi ? Lors de sa leçon de cinéma, Guillermo del Toro a tenté d’apporter une réponse. Il a dit que faire de l’animation est totalement insensé. Cela coûte trop d’argent, cela prend trop de temps, et nos proches ne comprennent pas bien pourquoi on s’obstine à rester dans ce milieu. Annecy existe pour se souvenir que nous ne sommes pas seuls à être bizarre. A vouloir se compliquer la vie. On fait de l’animation et on en parle parce qu’une fois par an, des artistes du monde entier se rassemblent au bord d’un lac entouré de montagnes majestueuses et se disent : ça vaut le coup. Je vais le faire, pour mon âme d’enfant et mon coeur d’adulte.

Merci à toutes les personnes qui ont lu ce journal de bord. Merci à Gabin qui m’a accompagné, à Océane qui était avec nous tous les jours, aux équipes et aux bénévoles du festival, et à tous les amis et amies qui ont fait de cette semaine la plus belle de notre année. Comme tous les ans.

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