Spider-Man : Across the Spider-Verse, ou le multiverse of madness

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En 2018, la sortie de Spider-man : New Generation amorçait un virage à 180° dans le paysage pourtant balisé des films de super-héros, et même du blockbuster tout court. Cinq ans plus tard, le multiverse est sur toutes les langues. Si l’on n’est pas à l’abri de bonnes surprises, comme en témoigne le récent et oscarisé Everything everywhere all at once, le MCU en a bien saisi la dimension mercantile en le plaçant au centre de sa phase 5. Une manière de faire revivre à l’infini ses personnages, même lorsqu’ils sont censés être décédés, et ainsi entretenir une inépuisable ressource scénaristique (et donc se faire un max de thunes). Mais le succès de New Generation résidait aussi dans son parti pris esthétique d’une inventivité folle, qui mêlait différentes techniques d’animation. Cinq ans plus tard, New Generation a fait des petits, et a peu à peu infusé dans les grosses productions, notamment chez Dreamworks et le récent Chat Potté 2.

On ne tournera pas plus longtemps autour du pot. Oui, Across the Spider-Verse est une réussite. Plus ambitieux, plus démesuré, plus long aussi (2h20, plutôt rare pour un blockbuster d’animation), ce deuxième opus réitère le pari du premier film. Visuellement, les curseurs sont poussés à l’extrême. Le multiverse assigne à chaque univers une patte visuelle reconnaissable, alternant avec une fluidité vertigineuse entre 2D, 3D, stop-motion, et mêle d’innombrables influences, du pop-art, au comic-book et s’autorise même quelques pas vers l’abstraction totale. Le film déborde d’idées à la seconde, menées par la partition électrisante de Daniel Pemberton. Le rythme effréné a de quoi déstabiliser mais emporte avec une telle frénésie qu’on en oublie sa longueur. Tout clignote, tourne, valse, vrille en même temps, et on a vraisemblablement rien vu de tel depuis … et bien depuis New Generation. Seul Promare pourrait prétendre à un tel degré de nervosité. Si on aurait tort de reprocher au film de s’aventurer vers une telle radicalité visuelle, il faut toutefois reconnaître qu’une telle stimulation excessive a parfois tendance à épuiser, particulièrement dans ses scènes d’action. Pour autant, le film ne se limite pas à son audace visuelle et apporte une nouvelle profondeur à ses personnages. La relation de Gwen et Miles Morales se construit en miroir autour d’une grande solitude, exacerbée par un désir d’indépendance et d’appartenance. 

Into the méta(vers)

Le multiverse, lui, est loin de ne servir que de prétexte à des coups de coude appuyés sur tout l’univers de Spider-Man. Si les clins d’œil sont évidemment sympathiques et nombreux, ils viennent aussi rappeler la multiplicité d’une œuvre à travers le temps. À l’heure où internet s’insurge de l’existence d’une Ariel noire, Across the Spider-Verse cloue le bec en faisant exister autant de versions de Spider-Man qu’il n’existe de cultures, et ne se contente pas de faire dans le simple gimmick. Bien au contraire. Le film s’interroge sur sa position dans l’univers Marvel, ainsi que son héritage par rapport à ses prédécesseurs. Et c’est sans doute l’un des atouts de ce deuxième opus, qui sans en dévoiler le nœud de son intrigue, se la joue Matrix Resurrection dans sa réflexion méta. Pas question ici d’ébranler le blockbuster en tant que tel, mais plutôt de réfléchir à sa place au sein d’un univers qui exploite et détourne à l’infini sa ressource principale, parfois jusqu’à l’écœurement. Across the Spider-Verse s’impose, et s’affirme consciemment, comme une anomalie au sein de son univers, et même plus globalement dans l’industrie. Presque comme un pied de nez à la panne créative qui assèche le genre super-héroïque, auquel il répond par une outrance démesurée, et la ferme intention de créer quelque chose de nouveau. 

C’est brillant, audacieux, plein d’espoir. Son principal défaut ? Attendre la seconde partie, prévue pour 2024.

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