How to have sex : 24 Hour Party Teenage Wasteland

Dès son annonce en sélection dans la section Un certain regard, un élan de hype s’est spontanément créé autour du premier long-métrage de la cinéaste britannique Molly Manning Walker, How to have sex. Au-delà de son titre aguicheur et de son pitch qui l’est tout autant, ce sont les noms qui tournaient autour qui faisaient saliver. Qu’un film sans gros nom (même à l’échelle du cinéma indépendant) ait tapé dans l’œil souvent bien averti de MUBI, qui a acquis les droits de distribution internationaux du film, avant même sa toute première diffusion, ça voulait sans doute dire quelque chose. Et ce ne sont pas les échos assez laudateurs de l’industrie en amont qui allaient nous décourager d’aller nous présenter à cette première très attendue, dans une édition 2023 très clairement marquée par la quête, toutes sélections annexes confondues, de la nouvelle pépite venue de nulle part comme le fut Aftersun l’an dernier.

How to have sex, c’est la question que se posent Tara (Mia McKenna-Bruce), Skye (Lara Peake) et Em (Enva Lewis), trois adolescentes qui viennent d’en finir avec le lycée et décident de partir entre copines en vacances. Direction la Grèce, et une station branchée pour jeunes près d’Héraklion pour une virée estivale placée sous le signe de la picole, des après-midi piscine et surtout, du dépucelage. Parce que c’est décidé, ce que les trois jeunes femmes cherchent avant tout sur place, c’est de passer du bon temps dans tous les sens du terme.

Pour toutes celles et ceux qui ont connu la dernière décennie de teen shows orientés cul venus d’outre-Manche (Skins, The Inbetweeners, Sex Education et compagnie), les premières séquences de How to have sex plongent directement le spectateur en terrain connu. Ça picole à n’en plus finir, ça jure comme des charretiers, ça s’habille dans toutes les combinaisons de couleur possible… Bref c’est mal élevé et ça ne s’excuse jamais de l’être. Sauf que très vite, la réalisatrice creuse derrière la façade bravade de ces jeunes adolescentes en pleine découverte de leur émancipation et de leur sexualité. A la fièvre grisante des soirées les plus grotesquement trash possible vient le temps des réalités de l’intimité sexuelle.

Get Them to the Greek

Le film se centre alors plus particulièrement sur Tara, la meneuse de la bande, qui s’entiche de ses deux voisins de chambrée : il y a Badger (Shaun Thomas, le jeune héros du Géant égoïste de Clio Barnard, qui a bien grandi), le bon ladre gueulard et pas futé pour deux sous, et son meilleur ami Paddy (Samuel Bottomley), toujours le torse à l’air et plus détaché de tout. Tara aime bien Badger, sympathique mais un peu beauf. Comment trouver le bon, et quand passer à l’acte?

Ce n’est qu’une des questions que Molly Manning Walker aborde dans son film, qui dévoile rapidement sa mélancolie et sa dureté derrière ses allures frivoles. Car derrière, il y a l’angoisse de la première fois, et surtout les stigmates sociaux que portent les adolescents qui “restent vierges trop longtemps”, dans une société toujours plus pousse-au-sexe. Sans aucune pudibonderie, ni frilosité, la réalisatrice confronte son héroïne à la dureté de vivre l’âge où l’on découvre le sexe, avec tout ce que cela peut impliquer derrière. Et le film capte magnifiquement ce moment de la perte d’insouciance, et bien plus encore.

Car ce qui frappe dans How to have sex, c’est la maturité avec laquelle Molly Manning Walker, par ailleurs scénariste de son propre film, parvient à déployer une palette de sentiments contradictoires et d’émotions fortes avec une subtilité chirurgicale. Tout y semble savamment naturel, jamais plaqué contre le regard du spectateur, qui flotte lui aussi dans la nébuleuse sentimentale et sensorielle de Tara. C’est aussi un film de belles fulgurances de mise en scène, comme cette image presque apocalyptique d’une rue commerçante désertée au lever du jour, vidée de ses clients, de sa violence, de sa vie.

En s’appropriant les codes du teen movie et les relisant à l’aune des enjeux contemporains de la sexualité adolescente, Molly Manning Walker signe un premier long assez bluffant de maîtrise, très affirmé dans son fond comme dans sa forme. Elle révèle également le talent de la tornade Mia McKenna-Bruce, probablement un des noms et un des visages de ce début de festival, jusque dans son acte final ravageur sur ce qu’ils racontent de l’amitié adolescente, des petites trahisons et des non-dits qu’elle transporte. Raconter autant de choses dans un film où les garçons font boire les filles avec leur canette de bière dans le slip de bain, c’est une vraie marque de maturité.

How to have sex (Un certain regard) de Molly Manning Walker avec Mia McKenna-Bruce, Lara Peake, Enva Lewis…, date de sortie française encore inconnue

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