Don’t Worry Darling : Alice au pays des mascus

De Don’t Worry Darling, on aura longtemps parlé de tout sauf du film lui-même. Entre les rumeurs qui entourent le renvoi de Shia LaBeouf du casting, remplacé par Harry Styles, l’idylle naissante de ce dernier avec la réalisatrice Olivia Wilde et les tensions entre cette dernière et l’actrice Florence Pugh… on ne s’en sortait plus. Et comme si tout ça n’avait pas suffi, la présentation du film à la Mostra de Venise a ravivé ce foutoir sans nom, entre standing ovation écourtée et crachat supposé. L’absence de l’équipe de Don’t Worry Darling lors de la clôture du 48e Festival du cinéma américain de Deauville aura au moins permis une chose : se concentrer purement et simplement sur le film, rien d’autre.

Dans les années 1950, Alice et Jack Chambers (Florence Pugh et Harry Styles) filent le parfait amour au beau milieu du désert californien. Ils font partie du « Victory Project », une communauté menée par l’énigmatique Frank (Chris Pine) aux objectifs confidentiels, bien qu’ils contribuent supposément à changer la face du monde. Quand la routine d’Alice commence à dévier de sa trajectoire et qu’elle semble être la seule à voir certaines choses arriver, toute la stabilité du projet Victory est en péril…

T’inquiète pas ma Brenda, faut pas se laisser aller.

« De nos épouses, nous attendons beaucoup » : tel est le mot d’ordre de Franck, leader du projet Victory. Olivia Wilde n’aurait pas pu rêver meilleur acteur que Chris Pine pour incarner l’archétype parfait du mâle alpha américain, au visage semblable à celui de Ken ou Action Man. Pendant que les hommes s’attellent à des tâches importantes, les housewives s’attellent au ménage, à la cuisine et à leur shopping. Une routine parfaitement huilée, comme s’attachent à le montrer les premières minutes du film, où tout n’est qu’affaire de symétrie (les hommes quittent tous leur foyer en voiture à la même heure et à la queue-leu-leu) et de répétition (les mêmes gros plans sur les actions d’Alice qui éponge, malaxe sa viande, part en tramway avec ses amies).

Quand l’occasion se présente, Franck réunit tous ses convives lors de soirées ou de dîners où l’extravagance peine à dissimuler les règles établies : le maître convie, les hôtes écoutent. Et si quelqu’un dévie de la trajectoire prévue, sa femme Shelly est là pour rappeler à l’ordre. Jouée par Gemma Chan, découverte dans la série britannique Humans (remake de l’excellente série suédoise Real Humans) et désormais tête d’affiche chez Disney et Marvel (Raya et le dernier dragon et Les Eternels), est toujours aussi glaçante de fermeté…

Mais t’inquiète pas public, ce quotidien tout lisse est évidemment fait pour être bousculé. Par des images subliminales, des absences, des hallucinations qui sont d’abord celles du spectateur, puis celles d’Alice. Quand l’une de ses voisines disparaît sans raison et qu’elle voit un avion s’écraser dans les montagnes environnant leurs résidences, personne ne veut la croire ni l’écouter. Est-ce le fruit de son imagination, ou le projet Victory cache-t-il quelque chose de bien plus inquiétant encore ? Malgré peut-être quelques problèmes de rythmes (Don’t Worry Darling dure environ deux heures), Olivia Wilde construit sa tension crescendo, notamment grâce à la bande son composée par John Powell – l’une des meilleures entendues cette année. Ses percussions et ses voix étouffées, ses souffles coupés sont comme la voix tue d’Alice, qui a tout simplement l’impression de s’enliser.

La véritable star du film, c’est indéniablement Florence Pugh (fallait-il encore le préciser ?). Après Midsommar, on ne saurait conseiller à ses personnages d’éviter les hommes toxiques… car sa relation avec Jack, malgré les apparences parfaites et les cunnilingus sur la table du salon (encore un exemple de scène dont on a parlé pendant trois plombes pour pas grand chose), est aussi ambigüe que tout ce qui lui arrive. Dans Don’t Worry Darling, il est question de se sortir d’une emprise à tous les niveaux imaginables : celle d’une relation étouffante qui empêche à Alice d’avoir sa propre existence, celle d’un monde idéal mais tellement normé qu’il empêche toute liberté et celle d’un masculinisme résurgent sans la moindre gêne. Un parfait miroir de la société d’hier et d’aujourd’hui, qui ne manquera pas de faire crier sur les internets. Mais nous, on est là pour le sel.

Don’t Worry Darling, un film d’Olivia Wilde. Avec Florence Pugh, Harry Styles, Olivia Wilde, Chris Pine, Gemma Chan et Nick Kroll. Sortie française le 21 septembre 2022. Film de clôture du 48e Festival de Deauville.

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