God’s Country : As Bestas US edition

Invitée par le Festival de Deauville afin de recevoir un Deauville Talent Award, l’actrice Thandiwe Newton fait son retour au cinéma dans un premier rôle avec God’s Country, premier long métrage de Julian Higgins. Malgré une carrière en dents de scie depuis une dizaine d’années, c’est avec le personnage de Maeve, fille de joie de saloon qui s’affranchit pour devenir l’une des meneuses du combat d’androïdes, dans la série Westworld que Thandiwe Newton a été redécouverte. En mai 2021, elle prend la parole dans la version britannique de Vogue et demande à ce qu’on l’appelle désormais par son véritable prénom, Thandiwe, écorché lors de ses premiers castings. Pour elle, c’est une première étape pour « reprendre possession de ce qui lui revient ».

En un sens, le personnage de Sandra Guidry correspond à cet état d’esprit : enseignante dans une université du Montana et endeuillée par la disparition de sa mère, elle s’empêtre dans un conflit avec deux chasseurs qui pénètrent sur ses terres. Face à cette tension grandissante, Sandra va devoir faire un choix… Ça vous rappelle un truc ? Nous aussi. Inconsciemment, God’s Country, c’est un peu un ersatz du As Bestas de Rodrigo Sorogoyen. Pour le meilleur comme pour le pire.

Avec ses couleurs froides, God’s Country installe d’emblée son atmosphère pesante, mettant en valeur les vastes montagnes d’un Montana hivernal et la petitesse des hommes qui l’habitent. Le film souligne tout autant la solitude extrême de Sandra, qui a presque tout perdu (sauf son joli petit toutou). Son équilibre précaire, qu’elle partage entre son domaine et sa vie à l’université, bascule très vite avec l’arrivée de ces deux chasseurs, dont le lien est moins évident à définir que celui des deux frères menaçants d’As Bestas. Sont-ils deux anciens détenus qui se sont liés d’amitié ? Deux amis ? Quoiqu’il en soit, l’un se veut tout de suite beaucoup plus menaçant que l’autre…

C’est un jeu du chat et de la souris qui s’installe, bien que les rôles se renversent constamment au cours du film. Sandra souhaite trouver du soutien auprès de la police pour résoudre ce conflit naissant – ou plutôt, elle a envie que Gilles Lellouche débarque pour qu’il gueule qu’on sait pas ce qu’il a vécu dans le Montana. Mais Wolf (Jeremy Bobb), le shérif par intérim, n’a pas l’air de vouloir trop se mouiller. Pire encore, ses questions sont un peu trop intrusives. L’inaction du shérif et la menace grandissante des deux chasseurs font ressurgir les angoisses de Sandra, mais surtout les secrets de son passé.

Il faudra à God’s Country un peu trop de temps pour révéler ses vraies intentions et surtout pourquoi son personnage principal semble bien mieux s’y connaître en gestion de conflit que le fameux shérif du coin. Derrière Sandra Guidry se cache tout un pan de l’histoire américaine : une femme brisée par l’ouragan Katrina et sa gestion catastrophique, qui a brisé son espoir envers les institutions établies. Cette gestion du rythme bringuebalante et l’écriture du scénario rendent le parallèle entre le passé de Sandra et sa nouvelle vie en tant qu’universitaire, gâchée par les mêmes genres d’injustices et de discriminations, un peu trop grossier. Pour autant, on pardonne au film ses problèmes de rythme : Thandiwe Newton est impériale dans le rôle d’une femme décidée à obtenir justice par tous les moyens, sans pour autant basculer dans un « Liam Neeson vengeance movie » totalement affabulé.

God’s Country, un film de Julian Higgins. Avec Thandiwe Newton, Tanaya Beatty, Jefferson White. Date de sortie française inconnue. Présenté en Première lors du 48e Festival de Deauville.

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