Le Top 100 des années 2010-2019 de Cinématraque, partie 4 : No. 25 à 11

On approche du but! Après une troisième partie qui nous avait entraîné des places 50 à 26, on reprend aujourd’hui avec l’avant-dernier acte de notre Top 100 Cinématraque des meilleurs films de la décennie 2010-2019. Avant-dernière en effet, car on a décidé de calmer un peu le jeu maintenant qu’on rentre dans le vif du sujet. Il reste 25 films à récompenser, et pour leur accorder l’importance qu’ils méritent, on va faire tout ça en deux temps.

25. Les Enfants Loups : Ame & Yuki – Mamoru Hosoda (2012)

Les obsessions de Mamoru Hosoda sont évidentes à travers sa filmographie 8: il ne souhaite parler que de relations entre les parents et leurs enfants. C’est sans aucun doute ce film-ci qui restera le plus longtemps, ne serait-ce que par la figure de la mère prête à tout sacrifier pour ses deux enfants, et ce tout en sachant qu’elle n’y gagnera jamais rien. C’est déjà bouleversant sans être parent, mais alors si on le revoit quand on aura des gosses, cela risque d’être vraiment difficile.

24. Ad Astra – James Gray (2019)

Ce qu’en disait Cinématraque : « James Gray réussit donc son pari en partant dans l’espace. Ad Astra est un film d’aventure et d’introspection, un blockbuster d’auteur, et une réflexion poignante et profonde sur ce qui nous motive à être ce que nous sommes. Rares sont les réalisateurs qui osent encore conjuguer l’ampleur de l’odyssée à l’intime de l’être humain. James Gray prouve, avec Ad Astra qu’il occupe une place toute particulière dans le cinéma américain de sa génération. »

23. Once upon a Time… in Hollywood – Quentin Tarantino (2019)

Ce qu’en disait Cinématraque : « Moins tenu, moins virtuose, Once Upon a Time in Hollywood est surtout une œuvre dans laquelle Tarantino ouvre les portes de son cabinet de curiosité, nous plonge dans son intimité, son rapport à l’art, à la transcendance, toujours avec ce mélange d’humour, de sens de la citation qui frappe juste et de déchaînement pulsionnel (violence et sang compris bien sûr). Son rapport douteux à l’Histoire, son côté moins cathédrale, ses quelques longueurs et son hétérogénéité de sujets et de points de vue en feront certainement un objet très difficile à appréhender à chaud, qui nourrira des débats passionnés et passionnants. Au fond, voilà certainement la trace que Tarantino espère le plus laisser avec ses films. »

22. La Belle et la Meute – Kaouther Ben Hania (2017)

L’un de ces rares films à utiliser le plan séquence, souvent pensé comme moyen de briller et se la péter auprès de ses pairs dans le milieu, avec intelligence. La Belle et la Meute est une succession de labyrinthes tortueux cauchemardesques dans lesquels s’enferme la « Belle », jeune femme violée par un policier et qui tente donc de témoigner auprès de « la Meute ». Sans doute le film le plus ACAB de la décennie, encore plus que celui de Ladj Ly parce que l’axe y est résolument plus manichéen, et à raison.

21. La La Land – Damien Chazelle (2017)

Papapa palalapapa. Papapa palalapapa. ANOTHER DAY OF SUN !

Dès son intro qui réenchante les affreux bouchons de Los Angeles, Lalaland, nous donne envie de faire des claquettes devant l’écran et de chanter à tue-tête. Brillant hommage à Demy, à Kelly et à tous les films qui ont construit la comédie musicale au cinéma, le film de Damien Chazelle trouve aussi sa propre voie : celle d’un Hollywood fantasmé comme l’amour de ses protagonistes. La fin, douce-amère, réintroduit, comme chez Demy, la cruauté du réel dans le conte de fées. Mais que cela ne nous empêche pas de continuer à danser et chanter !

20. The Tree of Life – Terrence Malick (2011)

Ce qu’en disait Cinématraque : « Notre mémoire cherche alors ces images invisibles pour les yeux, Terrence Malick  tâtonne avec nous, et emplit nos rétines de ce que notre bouche ne pourra jamais prononcer. C’est avec la force du désespoir que ces couleurs, qui prennent vaguement forme pour se déformer aussitôt, hanteront nos esprits ; si elles ne peuvent nous donner une intuition de ce que signifie la disparition, alors elles doivent dire l’apparition, comme pour trouver le moyen de signifier l’être du non-être. »

19. Melancholia – Lars von Trier

Le plus grand film de la décennie sur la dépression. On pourrait s’arrêter là. Lars Von Trier, son cinéma névrosé, son cinéma malade… Il aurait dû avoir la Palme avec ce film, mais il a fallu que sa connerie l’évince du festival avec ses phrases sur Hitler sortie de nulle part. Le type est perché, dangereux pour lui-même on le sait tous, mais quand il réussit à expier ses démons à travers le cinéma… Cela donne Melancholia. Plus grande performance de la carrière de Kirsten Dunst, qui semble dans la continuité directe de son personnage de jeunesse de Virgin Suicides.

18. La Flor – Mariano Llinas

Film-fleuve parmi les expériences les plus radicales que le septième art nous ait réservé, La Flor est un manifeste de cinéma à lui seul, et un témoignage des formidables logiques d’hybridation qu’il permet. Aux frontières du feuilleton (contrairement à Twin Peaks : The Return qui rappelons-le est également aux frontières, mais de l’autre côté), ce film de quatorze heures en six chapitres, qui embrasse tous les genres, tous les tons, laisse non seulement quoi qu’il arrive des marques indélébiles chez chaque personne qui le voit, mais, apanage des films aussi riches et inventifs, offre au spectateur une expérience quasi unique, dans lequel il picore certainement des miettes très différentes de celles de ses voisins de séance. Pour en apprendre et comprendre davantage sur cette expérience extrême et ludique, portée par une foi inébranlable en son fantastique quatuor d’actrices, on vous conseille de replonger dans notre interview en trois parties avec son réalisateur Mariano Llinas, aussi fleuve et riche que son film.

17. Boyhood – Richard Linklater (2014)

Ce qu’en disait Cinématraque : « On sent d’ailleurs, à la mise en scène de Linklater, que sa démarche est tout autre : davantage que dans la trilogie suscitée, l’auteur cherche ici à filmer sa créature comme un entomologiste. Qu’est-ce qui a contribué à produire cet adulte, à la fin du film ? Comment cette petite bouille est-elle devenue ce grand échalas ? L’histoire elle-même, qui tient sur un ticket de métro, accouche pourtant d’un film passionnant, tant pour les questions qu’il soulève que par la façon dont le cinéaste a su, en 12 ans, conserver une certaine fraîcheur et donner à son film des formes différentes. »

16. Gabriel et la Montagne – Fellipe Barbosa (2017)

Si Into The Wild était un bon film, il serait Gabriel et la Montagne. Fellipe Barbosa raconte l’histoire vraie d’un ami à lui qui a perdu la vie en pleine exploration en Afrique. Le plus fou dans cette oeuvre qui mêle recréation, interprétation et documentaire en catimini, c’est que Barbosa n’exprime aucune révérence ; il est au contraire terriblement dur envers Gabriel. En un film, il démontre que l’honnêteté est aussi une magnifique manière de rendre hommage.

15. Moonlight – Barry Jenkins (2016)

Eh oui, ici aussi Moonlight a pris le dessus d’une courte tête sur La La Land, auquel il restera à jamais associé dans les mémoires collectives à cause de la plus célèbre bourde de l’histoire des Oscars. Une forme de clin d’oeil poétique aussi pour célébrer deux des plus beaux films de l’année 2017. Celui de Barry Jenkins, outre la révélation d’un cinéaste qui a failli disparaître des radars avant même d’avoir eu l’occasion de pouvoir y apparaître, est surtout le résultat d’une rencontre artistique et humaine : celle du réalisateur et du scénariste Tarell Alvin McCarey, qui adapte ici un projet de pièce de théâtre qui n’avait jamais abouti. Film essentiel dans l’histoire de la représentation des artistes noir.e.s et LGBTQ, Moonlight est aussi un sublime mélodrame initiatique, celui de Chiron Harris, que l’on suit à trois époques de sa vie dans la banlieue pauvre de Miami, et à trois étapes de son parcours amoureux. Sensible, pudique et déchirant, Moonlight s’épanouit dans le style grâcieux de Jenkins, oscillant entre l’elliptique et lyrique assumé. Tout dans ce film y relève du miracle : le casting y est royal (Mahershala Ali bien sûr, mais aussi Trevante Rhodes, André Holland, Jharrel Jerome, Naomie Harris, Janelle Monae!), on y découvre le talent phénoménal du compositeur Nicholas Britell (ce thème de Little, entendu partout depuis!), et surtout, tout y irradie d’un amour du cinéma et d’une conviction inébranlable que ses thèmes et ses sentiments intemporels peuvent être racontés par de nouvelles voix et portés par de nouveaux visages. Un miracle certes, mais un miracle mérité.

14. Gone Girl – David Fincher (2014)

Ce qu’en disait Cinématraque : « Le jeu, élément central de l’univers du cinéaste, se fait, dans son nouveau film, d’un commun accord avec le spectateur. Maîtrisant avec brio l’art du suspense, Fincher, pour une fois, laisse voir ses cartes aux spectateurs. Mais c’est alors donnant-donnant : en retour, il cherche à comprendre ce que ses spectateurs désirent et, fatalement, joue avec leurs envies. Car, de la même façon que le couple de cinéma formé par Ben Affleck et Rosamund Pike s’aventure dans un travail d’acteurs surprenant de leur part, le cinéaste explore des zones qu’on ne soupçonnait pas chez lui. »

13. Paterson – Jim Jarmusch (2016)

Ce qu’en disait Cinématraque : « Adam Driver et Golshifteh Farahani n’ont rien d’un couple évident, pourtant, sur le papier. Mais leurs personnages incarnent dès la première scène sans que l’on ne s’explique pourquoi l’amour parfait. Ils ne riment pas directement, donc, mais résonnent ensemble de façon plus subtile et, de fait, nous explique Jarmusch, encore plus belle. Magicien du montage et des images, le réalisateur de Dead Man nous trimbale en douceur, ne facilitant pas l’analyse : à l’instar de ses films les plus réussis, Paterson est une pure oeuvre de ressenti. Qui fonctionne, de fait, comme un grand poème : sur son fond, ça ne veut pas dire grand-chose, mais sur sa forme, ça dessine quelque-chose de magnifique. »

12. Drive – Nicolas Winding Refn (2011)

Ce qu’en disait Cinématraque : « On n’a sans doute pas fini de décortiquer sous toutes ses coutures la densité visuelle inouïe de Drive, qui derrière sa patine vintage ultraréférencée, ses néons blafards et ses clairs obscurs élégants, n’en oublie pas d’être une leçon de mise en scène qui tient du grand œuvre, du manifeste presque. Si l’attention s’est naturellement portée sur les pulsions (scopiques) d’ultra-violence du film ou ses fulgurances stylistiques (le générique d’intro, la scène de l’ascenseur, du motel ou de la pizzeria), Drive est aussi en ses creux un champ d’expérimentations intensément stimulant. »

11. Carol – Todd Haynes (2016)

Ce qu’en disait Cinématraque : « Jamais déclaration d’amour ne m’avait paru aussi banale et brutale que celle de Carol à Thérèse lors de leurs retrouvailles. C’est là tout le génie de Todd Haynes, une violence émotionnelle exprimée avec douceur et délicatesse cachée par un cadre bourgeois. L’happy ending quoique fragile mais salutaire rappelle que les droits des femmes et de la population LGBT, sans cesse remis en question, restent des combats quotidiens. »

« What a strange girl you are. Flung out of space ». Tout comme une autre grande romance lesbienne des années 2010 dont vous, habitués du site que vous êtes, vous attendez à voir le nom apparaître d’ici peu, Carol est un film parfois un peu incompris, particulièrement par la presse française. Parfois dépeint comme une romance corsetée froide comme les jours d’hiver qu’il dépeint, le film de Todd Haynes n’est en réalité qu’un ballet d’affects et de non-dits, de regards brûlants comme la braise qui s’échangent clandestinement, et parfois un peu moins. Subtilement et méticuleusement, le cinéaste dépeint une romance qui se heurte au monde extérieur, aussi bien métaphoriquement que filmiquement (un grand film de « cadres dans le cadre » sur deux corps séparés par les grandes foules d’un magasin, les entrebâillements d’une porte ou les vitres embuées d’une voiture). D’un lyrisme dévastateur avec sa photo toujours plus hopperienne, Carol est surtout la rencontre d’un couple de cinéma iconique entre deux immenses actrices du cinéma américain, Cate Blanchett et Rooney Mara. Et puis, cette BO de Carter Burwell, quand même…

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Et… on va s’arrêter là pour l’instant! Le Top 10, promis, c’est pour demain! À vos paris!

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