Premier long métrage de la Hongroise Zsófia Szilágyi, Un Jour (Egy Nap dans la langue de Kertész ou One Day chez Shakespeare) était présenté ce mercredi à la Semaine de la Critique, sélection qui a vu se succéder dernièrement les petits bijoux : It Follows de David Robert Mitchell (2014) (dont on attend impatiemment Under the Silver Lake), Grave de Julia Ducournau (2016) ou encore Ava de Léa Mysius (2017). Malheureusement, Un Jour ne se rajoutera pas à cette liste.
Mère de trois enfants, Anne (Zsófia Szamosi) est toujours pressée, courant du travail à la crèche, puis l’école, le ballet, le tir à l’arc… Et comme si tout ça ne suffisait pas, elle se demande si son mari la trompe. Elle est loin d’être la seule à avoir ces problèmes, mais elle n’a tout bonnement pas le temps de se poser pour les contempler. Ils s’accumulent et menacent de l’écraser. Continuer ainsi lui demande plus d’énergie qu’elle ne peut en déployer. Sera-t-elle capable de préserver ce qu’il y a de fragile et d’unique dans sa vie ?
On n’en sait rien et à vrai dire : l’on s’en fout ! Dans l’œuvre de Zsófia Szilágyi, on suit vingt-quatre heures de la vie d’Anne et c’est déjà beaucoup trop. Surtout dans ce style usé jusqu’à la moelle : caméra à l’épaule, cadrage (très) proche des personnages, agression des oreilles à coup de cris d’enfants ou d’alarmes, vide du propos derrière une apparente critique sociale du vide de nos vies… Car oui, montrer qu’une femme dans la société actuelle, et d’autant plus en Hongrie où règne l’extrême droite, doit affronter divers problèmes touchant aussi bien à sa sphère privée qu’à sa sphère sociale est tout à fait compréhensible, intelligible et même nécessaire (#Cannes2018). Cependant, ce surplus d’immersion et ce réalisme à outrance caractérisés par une mise en scène vue et revue ne change rien au problème du film. Le cinéma ne dissocie pas forme et fond. L’art de manière générale ne fonctionne pas ainsi. Le « métro, boulot, dodo » envisagé par la réalisatrice manque d’un réel parti pris : répéter le schéma des travailleurs et travailleuses dans le monde occidental ou bien accentuer sur le vide des existences de ces mêmes personnes? En condensant le « métro, boulot, dodo » pour ne montrer qu’une infime partie de ce fléau des sociétés industrielles, Un Jour rate sa critique sociale et montre davantage le reflet d’un monde qui échappe complètement à celles et ceux qui veulent en faire la critique. Pourquoi cette suite surnaturelle d’événements condensée en une seule et même journée ? Pourquoi exprimer le vide par l’excès ? Pourquoi vouloir rythmer ce qui a besoin de temps ? Pourquoi envisager le cinéma seulement sous le joug de l’intrication et de la (fausse) complexité ?
À vouloir mettre en scène le vide et l’ennui de sa protagoniste, Zsófia Szilágyi ne réussit qu’une chose : ennuyer fâcheusement ses spectatrices et ses spectateurs.
Un Jour de Zsófia Szilágyi, avec Leo Füredi, Ambrus Barcza et Zorka Varga-Blaskó. 1h39. Prochainement en salles.