« Vous ne m’aimez pas, et bien sachez que je ne vous aime pas non plus ! », le poing levé, c’est ainsi que Maurice Pialat répondit aux huées cannoises lorsqu’il reçut la palme d’or pour son chef-d’œuvre Sous le Soleil de Satan. C’est avec une délicieuse ironie que le cinéaste conspué se retrouve depuis trois ans sur le devant de la scène, à Cannes, mais surtout dans le cinéma français. On ne compte plus en effet les clins d’œil, les appels du pied, plus ou moins heureux, opérés par la jeune garde du septième art hexagonal en direction de la filmographie du réalisateur.
Avec Valley of Love, une nouvelle fois, donc, le fantôme de Pialat ressurgit. Évidemment, ces retrouvailles dans le film, tout comme devant la caméra des deux monstres que sont Gérard Depardieu et Isabelle Huppert rappelle à nos souvenirs le couple qu’ils formaient dans Loulou. Et elles posent clairement une partie des enjeux du film, tout comme il n’est pas idiot de voir dans cette absence d’un être cher celle de la figure du cinéaste admiré. Ceci d’autant plus que la productrice même du film s’avère être Sylvie Pialat, la veuve de Maurice. Mais limiter le regard qu’on porte à Valley Of Love à ce constat, c’est ne chercher à enfoncer que des portes ouvertes. Car Guillaume Nicloux, s’il assume l’héritage, cherche à se détacher de cette présence décidément bien encombrante. À force d’être imité, à force d’être cité, Pialat est devenu une marque qui agit dans le cinéma français comme un placement de produit. C’est au final faire offense au maitre que de limiter son art à quelques gimmicks.
Nicloux décide alors de s’échapper et d’en appeler aux Amériques pour trouver son inspiration. En posant sa caméra sur le sol sec et stérile de la Vallée de la Mort, en Californie, le cinéaste français à la façon d’un Bruno Dumont, ou d’un Laurent Cantet, cherche a se ressourcer et à se mettre en danger. Ses acteurs, qui n’ont plus à être dirigés, portent sur eux le poids dont cherche à se défaire le cinéaste. Nicloux, lui, décide de les filmer non pas dans leur humanité et dans ce qu’elle peut avoir de monstrueux, mais à la manière d’un certain cinéma américain, comme des mythes, des figures légendaires. Si le récit promet une apparition divine, le cinéaste impose aux spectateurs les nouveaux dieux forgés par le cinéma sur le territoire de la Mecque du cinéma : Hollywood.
Il ne peut être plus éloigné du cinéma de Maurice Pialat qu’une œuvre étrange comme Valley Of Love. Ici, Nicloux prend le spectateur par la main pour l’amener aux pays des rêves, des spectres, et de l’étrange. Baigné dans une atmosphère irréelle, servi par une musique entêtante composée par Charles Ives, Valley Of Love au final se veut un hommage au cinéma dans son ensemble. Il en appelle, au final, autant à David Lynch, à Gus Van Sant ou à John Carpenter qu’à la sidération du cinéma des premiers temps (on pense notamment, désert aidant, aux Rapaces de Stroheim). Guillaume Nicloux fait une véritable déclaration d’amour aux monstres et aux songes qui lui ont permis de lui donner la force de faire du cinéma. Une œuvre forte qui n’a malheureusement pas eu les faveurs du jury du Festival de Cannes cette année.
Valley of Love de Guillaume Nicloux, avec Gérard Depardieu et Isabelle Huppert, 1 h 32. Sortie le 17 juin 2015.
Un cinéma flottant, planant, introspectif et tout simplement beau.
Depuis Gerry de Gus Van Sant, rares sont les films qui me laissent la place de réfléchir, de ressentir et d’aller voir dans les marges du film. Valley of love est de ceux là.
L’anti cinéma du réel de Brizé (La loi du marché) qui ne montre rien d’inconnu et surtout n’apporte aucun espace de liberté au spectateur, juste condamné à regarder, les mains liées, l’humiliation des pauvres gens.
Valley of Love c’est presque comme du Lynch. Il nous oblige à nous libérer et à ouvrir notre boîte inconsciente.