[Annecy 2025] 100 mètres (Hyakuemu) : run boy run

En 2020, Kenji Iwaisawa créait la surprise dans la section Contrechamp d’un Festival d’Annecy dématérialisé, pour cause de COVID, avec On-Gaku : notre rock. Ou quand trois amis lycéens totalement paumés décident de créer un groupe de musique. Film un peu fauché, réalisé entièrement à la main, On-Gaku réservait quelques scènes complètement maboules et extrêmement réussies visuellement, notamment grâce à son utilisation de la rotoscopie.

Récompensé du Prix de la meilleure musique, le film a permis à son réalisateur de se faire connaître. Il revient cette année à Annecy à deux occasions distinctes. D’abord en tant que producteur après la sélection en compétition Contrechamp de Jinsei, le premier film de Ryuya Suzuki. Intégralement animé par son jeune réalisateur (trente ans, le dude, on a le même âge s’il vous plaît) sur un iPad, le projet a rappelé à Iwaisawa ce qu’il a pu faire avec On-Gaku. Mais c’est aussi pour son nouveau long métrage 100 Mètres (Hyakuemu), programmé en séance événement, que le cinéaste a fait le déplacement. Pour rentabiliser ses vingt-quatre heures de voyage pour arriver jusqu’à Annecy, il a longuement présenté sa démarche avant la projection du film — tout en précisant qu’il avait ici bien plus de moyens grâce au succès de On-Gaku.

Adapté du manga éponyme de Uoto, 100 mètres suit la trajectoire de deux amis d’enfance, Togashi et Komiya. Togashi est un coureur né : il remporte sans peine toutes les courses à l’école. En sixième, il rencontre Komiya, transféré depuis une autre école, qui voudrait aussi se mettre à courir mais manque de technique. Togashi lui transmet sa ferveur et son envie de gagner quoiqu’il en coûte. Les années passent, Togashi et Komiya se retrouvent et s’affrontent désormais en tant que rivaux sur la piste…

En adaptant le manga éponyme de Uoto, Kenji Iwaisawa et son scénariste Yasufumi Moto savaient qu’ils allaient devoir faire des concessions vu le nombre de personnages présents à travers l’œuvre. De la même façon que Takehiko Inoue, qui concentrait son film The First Slam Dunk (on en a toujours très chaud au cul) sur Ryota, le jeune meneur de son équipe de basket, Kenji Iwaisawa a décidé de resserrer l’intrigue de Hyakuemu autour de Togashi et sa rivalité avec Komiya, à travers les âges. De nouveaux personnages se présentent au fil du temps : les champions d’hier, sur leur fin de carrière, et les espoirs de demain. Si la question de la concurrence est évidemment centrale, puisqu’on parle d’un sport de compétition, c’est avant tout à travers cette l’histoire de cette amitié qu’elle se développe.

Au-delà de l’éclatement de la relation entre Togashi et Komiya, la structure du film permet aussi d’évoquer l’évolution de leur rapport au sport : ce n’est pas le tout de gagner, encore faut-il savoir pourquoi on le fait. C’est là que repose toute la beauté de ce film : est-ce le caractère du personnage qui conditionne son rapport au sport ? Ou bien se laisse-t-il transformer par un désir absolu de victoire ? En toile de fond, Hyakuemu traite aussi très habilement du bien-être des sportifs au sein d’un milieu qui peut tout autant les broyer à la moindre erreur.

On aurait pu croire que le petit grain de folie de Kenji Iwaisawa aurait pu se faire plus discret au profit de cette production conséquente et grand public. Il n’en est rien. Dans On-Gaku, la pratique de la musique permettait à ses personnages de se transcender et à l’univers graphique du film de s’affirmer. C’est tout autant le cas ici. La fièvre de la course, les quelques secondes qui séparent un sportif de la victoire : c’est ici que le temps s’allonge et que l’animation détonne. L’image classique en 2D laisse parfois place à du dessin papier, avec des couleurs et une lumière plus clinquante, des corps qui se déforment sous l’effet du mouvement et de la vitesse. Un peu comme si, à chaque course, Togashi et Komiya cherchaient à retrouver la joie de leur enfance. Ces effets se mêlent avec brio avec la rotoscopie, que le réalisateur utilisait déjà sur On-Gaku, pour retranscrire avec le plus de fluidité et de clarté possible les mouvements de ses personnages, malgré la vitesse.

Hyakuemu (100 mètres), un film de Kenji Iwaisawa. Présenté en Séance événement au Festival d’Annecy. Date de sortie française inconnue.

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