Depuis ses cabrioles parisiennes, John Wick est loin d’avoir disparu. Son esprit est toujours là. Par esprit, entendez : franchise et toute possibilité de l’étendre à l’infini. Après la série The Continental, Ballerina est le premier spin-off à atteindre les salles de cinéma. Le personnage a été introduit dans le troisième volet, Parabellum, lorsque John Wick demande un passage vers Casablanca à la cheffe de la Ruska Roma, l’une des mafias new yorkaises. Elle fait s’entrainer de jeunes danseuses sur scène sans relâche, simple couverture à leur véritable activité : devenir des tueuses sans merci.
Voilà qui est la Ballerina : Eve Macarro, incarnée par Ana de Armas. Recueillie par la Ruska Roma, elle compte bien profiter de son entraînement et de ses facultés pour retrouver les responsables de la mort de son père. Une fois encore dans la franchise John Wick, il est question de vengeance. Mais quand on cherche à outrepasser les règles, c’est l’univers tout entier qui se retourne contre Eve, obligée de se battre comme jamais pour parvenir à ses fins.

Ce qui faisait la singularité de John Wick, c’était quand même l’absurdité de son point de départ. Ancien tueur à gages, le personnage campé par Keanu Reeves sort de sa retraite pour venger… la mort de son chien, offert par sa femme décédée. De bagarre en bagarre, l’univers de la franchise s’est étendu pour dévoiler plusieurs entités mafieuses chapeautées par la « Grande Table », un conglomérat en mesure de mettre à prix la tête de n’importe quel assassin ou malfrat et de lancer tous ses semblables à ses trousses. Pour tout fan de la franchise qui se respecte, Ballerina ne sera pas un grand dépaysement. On retrouve tous ces éléments, mais aussi – et surtout – des lieux et visages communs. Comme l’Hôtel Continental, lieu de paix où tout combat est prohibé, qui donne l’occasion de revoir Ian McShane, directeur des lieux, et de faire nos adieux à Lance Reddick, majordome de l’hôtel.
Pour autant, l’intrigue de Ballerina est un peu plus classique. Eve veut venger son père, tué pendant son enfance avant qu’elle ne soit recueillie par la Ruska Roma. Une trame simple, mais enrobée dans des séquences introductives un peu trop bavardes et déjà vues. Et pour rappeler, au cas où on ne l’avait pas compris, que le film faisait partie « de l’univers de John Wick » (puisque c’est dans le titre), on revoit le Keanu Reeves de Parabellum, le film se déroulant entre le troisième et le quatrième volet. Et comme si cela ne suffisait pas, l’acteur est également présent à d’autres moments du film, devenant aussi le héros de quelques séquences d’action.
C’est peut-être là qu’on touche du doigt le problème de Ballerina : l’omniprésence de John Wick symbolise la difficulté qu’a ce spin-off à avoir son identité propre. Annoncé en 2017, le film a trouvé son réalisateur Len Wiseman (à la tête de la trilogie Underworld) en 2019 et son actrice Ana de Armas en 2021. Tourné en 2022, plusieurs mois de reshoots sont ensuite supervisés par Chad Stahelski, réalisateur attitré de la franchise, deux ans plus tard, décalant la sortie de 2024 à 2025. On parle tantôt de scènes d’action supplémentaires, tantôt de reshoots de la majorité du film.
On peut très clairement sentir que Chad Stahelski a repris le contrôle sur le film, puisque ses scènes d’action lui ressemblent à cent pour cent : l’action sur-cutée des blockbusters habituels fait place à des plans larges plus fluides. Une fois qu’Eve retrouve les personnes à l’origine de la mort de son père, Ballerina bascule dans un règlement de compte sans limites façon The Raid de Gareth Evans. Pour atteindre son objectif, Eve devra affronter une ville entière, habitant par habitant. C’est à ce moment que le mantra du film prend sens : pendant ses entraînements, Eve apprend qu’elle va devoir « se battre comme une fille ». Sous-entendu : être une femme est ce qui lui permettra de surprendre ses adversaires. Et entre quelques coups bien placés dans les parties, c’est bien avec inventivité qu’Eve s’en prendra à ses ennemis, entre patins à glaces en pleine gueule et soirée barbecue.
Avec ce final absolument jubilatoire, Ballerina parvient presque à faire oublier son démarrage un peu poussif et des seconds rôles un peu moins marquants qu’à l’accoutumée. Annoncé en grandes pompes, le personnage de Norman Reedus n’est pas très utile à l’intrigue. Reste malgré tout le panache de Ana de Armas, qui avait déjà montré tout son potentiel de femme d’action dans la séquence cubaine du dernier James Bond, Mourir peut attendre. Rien que pour elle, on en redemande : ça tombe bien, une suite est déjà envisagée depuis bien longtemps. Espérons qu’elle se fasse avec d’autres personnes aux manettes… Et pourquoi pas un peu plus de femmes, justement ?
Ballerina, un film de Len Wiseman. Avec Ana de Armas, Ian McShane, Anjelica Huston, Gabriel Byrne, Norman Reedus… Sortie française le mercredi 4 juin 2025.