Fantasia, le festival montréalais de films de genre où on miaule beaucoup, édition 2024, s’est achevé dimanche dernier. Il est donc temps de faire un point sur ce qu’on a vu, et vous donner envie – ou non – de ce qui pourrait arriver sur vos écrans dans l’année.
Pour être honnête, cette édition était plutôt une petite édition, en terme de quantité puisque votre envoyée spéciale (moi) n’a pu voir qu’une douzaine de films contre plus du double l’an passé – mais à Cinématraque, en plus d’être payé.e 1 million de dollars par article, on fait aussi attention à sa santé mentale. En terme de ressenti également, puisqu’on n’a pas eu beaucoup de coups de cœur cette année. Notez bien que par un phénomène mathématique étrange, voir moins de films expose à en apprécier moins aussi.
Comme l’an passé, je me suis amusée à essayer de trouver des liens entre les différents films vus, de manière 100% objective et pas du tout tirée par les cheveux, bien entendu. À la fin, vous trouverez la liste ultime des films dont la future disponibilité, à défaut d’une vraie sortie en salles, sont à surveiller absolument, mais on a besoin des stats de lecture donc je vais vous faire scroller un peu d’abord.
Nous avions cette année au moins deux films d’enlèvement par des extraterrestres, événement porteur d’un traumatisme plus lourd : Pendant ce temps sur Terre, de Jérémy Clapin, déjà en salles en France, et The Missing, de Carl Joseph E. Papa. Les deux films mettent aussi leur protagoniste principal sur la voie de la guérison ou tout au moins du mieux-être, les deux films utilisent l’animation (à 100% pour The Missing et à 10% pour le Jérémy Clapin, mais son précédent, J’ai perdu mon corps, était entièrement en animation) et les deux films sont très émouvants.
Seul dans sa catégorie ici, mais Penalty Loop de Shinji Araki était une énième preuve que les Japonais sont l’équivalent du lapin d’Alice aux pays des merveilles, c’est-à-dire obsédés par le temps. Pensez à Beyond the Infinite Two Minutes (2020) et River de Junta Yamaguchi (Fantasia 2023) ou Comme un lundi de Ryo Takebayashi encore plus récemment. Le film de Shinji Araki arrive néanmoins à nous proposer une variation inédite sur le sujet, où le héros doit chaque jour tuer l’assassin de sa petite amie, en nous proposant en plus une jolie réflexion sur le deuil.
Fallait pas critiquer la cérémonie d’ouverture des JO askip
Je passe rapidement sur ma plus grosse déception, Kizumonogatari – Koyomi Vamp de Tatsuya Oishi, adapté du manga du même nom, remonté et repensé en partie après une première trilogie en 2016. La catégorie c’est « Vampires et objectification totale et nauséeuse des personnages féminins, inspiré par la Nouvelle Vague donc ennuyeux à mourir, passez votre chemin. » Un mot cependant pour les noms de personnages ultra drôles (la vampire principale s’appelle Kiss-Shot-Acerola-Orion Heart-Under-Blade, pour vous donner une idée) et l’animation très réussie. Je passe également rapidement sur Dead Dead Full Dead, de Pratul Gaikwad, un « whodunit » (« kilatué » en gros) indien où un couple de policiers essaye tant bien que mal de résoudre le meurtre d’une influenceuse astrologie. L »humour très pince-sans-rire est bien écrit mais peut être déstabilisant, et il y a une idée de mise en scène qui m’a bien plu, mais l’ensemble souffre trop de longueurs pour qu’on soit vraiment happé.e.s.
On a ensuite vu deux films réalisés avec 2 euros et 3 bouts de ficelle, mais beaucoup d’enthousiasme : un film de Mecha (les gros robots dans lequel des humains vont faire la bagarre, style Pacific Rim de Guillermo Del Toro) nommé Heavens : The Boy and His Robot, de Rich Ho, et une parodie/hommage à Massacre à la tronçonneuse visiblement réalisé entre potes pendant un été oisif en Estonie, Chainsaws Were Singing de Sander Maran. Ni l’un ni l’autre ne sont vraiment biens, mais ils ont au moins le mérite d’être dépourvus de tout cynisme, et dans le dernier il y a des humains qui ressemblent à des Ewoks dont le dieu est un frigo à bukkake (ne googlez pas ce terme si vous avez moins de 18 ans svp) et une hérissonne lesbienne, c’est au moins deux points pour l’imagination.
Les réalisatrices (!) coréennes n’ont pas oublié de nous rappeler encore cette année que le capitalisme nous tuera tous.tes, avec FAQ de Kim Damin et The Tenants de Yoon Eungyeong, tous deux de bonne facture par ailleurs. Dans le premier, une petite fille solitaire et en burn-out de toutes les activités extrascolaires auxquelles l’inscrit sa mère dépassée en préparation des examens d’entrée à l’université (la gamine a 10 ans, NDLR) commence à communiquer avec une bouteille de vin de riz (makgeolli en coréen), et dans le second, un jeune homme qui espère échapper à l’atmosphère étouffante et polluée d’un Séoul légèrement dystopique prend des locataires bien étranges dans sa salle de bains pour ne pas se faire évincer de son appartement. Deux constats plutôt amers, enrobés dans une forme assez douce pour FAQ et extrêmement stressante pour The Tenants.
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Le très attendu Cuckoo de Tilman Singer était aussi de la partie, avec un très beau casting : Jessica Henwick, Hunter Schafer et Dan Stevens. Une famille s’installe dans l’étrange village-vacances de l’étrange M.König (Stevens) et bien vite, il arrive des bricoles à Gretchen (Schafer.) Si vous avez déjà peur des oiseaux, passez votre chemin, autrement c’est assez sympathique dans le genre.
Le meilleur pour la fin, comme promis, avec mes deux coups de cœur du festival : A Samurai in Time, de Junichi Yasuda, où un samouraï se retrouve projeté à notre époque, sur le plateau… d’une série télé sur un samouraï. Ça déborde un peu de bons sentiments, mais l’amour porté à ce genre de films, aux cascadeurs de « combat », et au cinéma en général est si palpable qu’il est impossible de ne pas ressortir le sourire aux lèvres et la larme à l’oeil. Le second et ma meilleure séance de loin, c’est Twilight of the Warriors : Walled In de Soi Cheang, présenté à Cannes 2024 en séance de minuit sous le titre City of Darkness (qui reprend le titre du livre). Dans la citadelle-ghetto de Kowloon, qui a vraiment existé et qui faisait administrativement partie de Hong Kong, des chefs de gang et leurs protégés s’affrontent pour plein de trucs dont on se fout un peu, mais sachez juste que les combats sont INCROYABLES, grandement aidés par ce lieu exceptionnel (dans le genre hyper déprimant, mais exceptionnel.)
La bonne nouvelle dans cette histoire, c’est que ce dernier sort en France mercredi prochain, et vous ne le réalisez pas encore mais c’est Noël avant l’heure.
Un dernier mot avant de refermer le dossier Fantasia 2024, parce que c’est le genre de sujets qui nous tient à cœur chez Cinématraque : cette année, une partie des employé.e.s de Fantasia s’est déclarée en grève avant le début du festival, pour demander, très simplement, d’avoir les moyens de vivre de leur travail. Plus de contexte disponible dans cet article du Devoir, entre autres, mais il était important de les assurer de notre soutien.
City of Darkness, en salles françaises le 14 août 2024. Pendant ce temps sur Terre, déjà en salles.