Jia Zhang-ke en 9 films s’est imposé comme l’une des figures du cinéma d’auteur chinois. Tous ses films ont été présentés dans des festivals internationaux et notamment à Cannes où il est présent pour la 6ème fois.
C’est donc peu dire qu’on attendait avec impatience Caught by the tides qui s’annonçait comme une œuvre à part dans la filmographie du réalisateur. En effet, confronté à la pandémie (le Covid, vous vous souvenez ?) le réalisateur a reparcouru les rushs de ses précédents films et tournages pour en tirer la matière d’un nouveau long-métrage. Étant donné qu’il a beaucoup tourné avec sa femme, Zhao Tao, Jia Zhang-ke peut même se payer le luxe de nous montrer l’évolution de son personnage principal à travers le temps. Caught by the tides parcourt en effet l’histoire de la Chine à travers plusieurs époques entre 2001 et 2023. Seuls les images du dernier tiers ont été tournées pour ce film.
Le robot parle plus que Zhao Tao dans le film
Ce projet insensé aurait pu déboucher sur un film bancal avec un air de déjà-vu. C’était sans compter sans le talent fou de Jia Zhang-ke qui se sert de ces contraintes pour revisiter et réimaginer son propre cinéma à l’aune de la métamorphose chinoise. Il y a donc quand même une intrigue dans Caught with the tides : l’histoire d’amour contrariée de Qiao Qiaoe et de Guao Bin. La première se met à la quête du second qui l’a abandonnée sans mot dire. Ce fil narratif reste avant tout un prétexte pour nous emporter dans le flux d’images captées par Jia Zhang-ke. Celui-ci magnifie la diversité des sources qu’il utilise pour multiplier les façons de filmer la Chine, toujours avec un sens du beau qui laisse pantois. On y retrouve les paysages qui ont rendu Jia Zhang-ke célèbres et notamment le barrage des Trois-Gorges de Still Life. En les réinvestissant, le réalisateur chinois nous propose également de porter un nouveau regard sur ces endroits et leurs habitants. Régulièrement la caméra s’attarde sur des visages, des passants comme dans une hypnotisante scène de train. Et à travers ces paysages, surgit parfois le regard si envoûtant de Zhao Tao, mutique pendant tout le film mais toujours aussi expressive.
Attardons-nous enfin sur la partie Covid du film. Aboutissement du voyage temporel et point de chute des deux personnages, la période post-pandémie occupe une place majeure dans le film. Caught with the tides propose les plus belles images au cinéma du monde sous covid et dit beaucoup, de manière faussement accidentelle, du traumatisme qu’a connu la Chine. Les masques omniprésents, les distances de sécurité, les prises de température, on retrouve tous les marqueurs de cette période de peur et d’isolement. Une scène de danse où slaloment des nettoyeurs ou un supermarché déshumanisé contrastent avec les premières images du film et montrent mieux que n’importe quel discours les vicissitudes de la Chine contemporaine. Rendons à nouveau hommage ici à Zhao Tao qui même masquée, réussit à faire passer plus d’émotions que bien des acteurs et actrices des autres films en compétition.
Vous l’aurez compris Caught by the tides est donc un film particulier qui peut vous laisser sur le bord la route pour peu que vous ne vous laissiez pas porter par son ton si singulier et son humilité narrative. Mais si vous être prêts à vous faire attraper par les marées du temps, vous allez vivre un grand moment de cinéma.
Caught with the tides, un film de Jia Zhang-ke avec Zhao Tao et Li Zhubin, date de sortie inconnue.