La Jeune femme à l’aiguille : Attention, bébé à mort !

Lors du podcast de préparation de Cannes que nous avons enregistré avec Sorociné quelques semaines avant de descendre, nous avons présenté chacun notre plus grande attente pour la compétition. J’avais un peu crânement choisi La jeune femme à l’aiguille, alors que je ne connaissais rien de son réalisateur Magnus Von Horn. Mais les quelques images glanées (un noir et blanc esthétique) et le sujet du film (un fait divers dans l’entre-deux guerres) m’avaient laissé espérer une grande œuvre sur les travailleuses, peut-être austère mais sûrement riche et intelligente.

Il se trouve aussi que je suis extrêmement nul en pronostic, et la présentation hier dudit film a confirmé de fort belle manière mes lacunes en ce domaine. Car La jeune femme à l’aiguille fut un calvaire. Alors certes, le talent de metteur en scène de Magnus von Horn est indéniable. Son actrice, Vic Carmen Sonne est parfaitement saisie par les cadres fixes ou les lents travellings. La photographie, souvent magnifique, semble figer l’horreur de ce qui nous est montré dans un élégant écrin de lumière, qui donne du sens au choix du noir et blanc.

Quel dommage alors, que Magnus von Horn se complaise autant à vouloir empiler les exemples de ce qui se fait de pire dans l’humanité. Pour raconter le fait divers réel dont il s’inspire, il choisit de ne pas se focaliser sur la protagoniste principale de cette affaire, Dagmar Overbye, une tueuse infanticide au Danemark, mais sur une jeune femme dont le destin va se lier au sien. Et cette jeune femme devient sous la caméra de Magnus von Horn une marionnette impuissante et particulièrement malchanceuse qui va passer de malheur en malheur sans un moment de répit. De la première scène où la pauvresse se fait expulser de chez elle, à la dernière scène, ultime et bien trop tardive tentative  du film de proposer autre chose, Karoline va servir de véhicule pour nous dresser un panorama des bas-fonds de l’humanité et du désespoir.

Désarmement démographique

Dans son escalade vers l’horreur, le film en devient grotesque. Lorsqu’un nouveau coup du destin, pire que le précédent survient, on en vient à sourire devant un tel manque de retenue. Car il ne semble n’y avoir aucun autre but dans cette succession de vilénies que celui de choquer le spectateur captif. Le film ne parvient jamais à faire exister ses personnages qui se transforment en caricatures exagérées et boursouflées, peu aidé en cela par le jeu tout en extériorité des acteurs et actrices. On comprend l’hommage à l’expressionnisme allemand, cela reste pénible à regarder.

A force d’essayer de filmer a tout prix l’horreur de manière esthétique, Magnus von Horn finit cependant par nous proposer un plan qui restera en mémoire et évitera à ce film de tomber dans l’oubli dès le deuxième jour du Festival. Un plan lui aussi outrancier évidemment, peut-être idiot aussi, mais qui fera le bonheur des amateurs d’interprétation psychanalytique et qui a le mérite de proposer une vision inédite du rapport sexuel.

Mais difficile d’affirmer que ce plan vaut les deux heures de supplice vain auquel nous convie Magnus von Horn. On a connu des débuts de Festival plus enthousiasmants…

La Jeune femme à l’aiguille, un film de Magnus von Horn, avec Victoria Carmen Sonne et Trine Dyrholm, date de sortie inconnue

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