La salle des profs : Un collège fou, fou, fou !

Si on vous demande quel métier serait le plus propice à un film psychologique angoissant sur les relations humaines, vous répondriez immédiatement : professeur de collège. Et İlker Çatak partage votre brillant sens de l’intuition. Avec La salle des profs, le réalisateur allemand nous plonge dans l’univers paranoïaque, délirant et insoutenable de l’Éducation nationale.

Ilker Çatak construit son film autour d’un personnage, Carla Nowak, professeure nouvellement arrivée dans un collège où de nombreux vols sont au cœur des discussions. De ce point de départ somme toute peu surprenant, le film va construire une spirale de décisions malencontreuses de la part de Carla qui vont envenimer la situation et la mettre en conflit avec tout le petit monde du collège (enseignants, direction, personnel, élèves, parents d’élèves…).

On comprend vite que l’histoire des vols importe peu au réalisateur. Ce qu’il cherche à capter, c’est la complexité des relations dans un monde clos, où la moindre action peut engendrer des réactions souvent imprévues et difficiles à rattraper. Pour qu’un tel film fonctionne, il faut que le personnage au cœur de ce tourbillon soit réussi. Et il faut saluer la prestation de Leonie Benesch, qui lui a valu d’ailleurs le « César Allemand » de la meilleure actrice. Sur un fil tendu entre l’impuissance et la colère, Léonie Benesch joue une professeure pétrie de valeurs mais incapable d’anticiper les conséquences de ses actes. Sa prestation réussie permet au film de faire monter la tension de manière crédible pendant sa première partie.

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Le réalisateur ne lésine d’ailleurs pas sur les moyens pour nous imprégner d’un sentiment de malaise grandissant. La musique angoissante, le cadre rivé sur le visage de son personnage, la juxtaposition des situations de dialogues tendus et de marche rapide dans les couloirs, tout est fait pour nous emporter dans la chute de Carla. Le réalisateur n’atteint jamais la virtuosité d’un Uncut Gems, mais transmet néanmoins une nervosité indiscutable sans jamais recourir à des exagérations superflues dans les événements décrits. Le huis-clos scolaire est une très bonne idée et permet de revisiter de manière inattendue des décors pourtant largement fréquentés par la fiction.

On pourra cependant regretter peut-être que certaines réactions ou dialogues semblent s’inscrire un peu trop dans la trajectoire du film au détriment de leur authenticité. Le film flirte souvent avec la caricature dans le dessin de ses personnages secondaires (on pense notamment aux collégiens qui rejouent Les hommes du président). A trop vouloir s’attacher viscéralement au personnage de Carla, La salle des profs échoue à véritablement faire exister l’univers dans lequel elle évolue.

Mais on recommande néanmoins cette plongée nerveuse et souvent drôle au cœur des rouages parfois destructeurs d’un collège ordinaire, laboratoire parfait des mouvements de nos sociétés.

La salle des profs, d’İlker Çatak avec Leonie Benesch, Michael Klammer et Rafael Stechowiak, en salles le 05 mars 2024

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