Un silence : un Lafosse en mode mineur

Une femme qui tue ses cinq enfants, l’enlèvement de mineurs africains,un couple qui se déchire dans le divorce, une famille confrontée aux troubles bipolaires du mari… Ce sont les sujets choisis par Joachim Lafosse pour ses derniers films. On pouvait donc se douter que le sujet de son nouveau long Un silence, ne serait pas un feel-good movie sur une romance de Noël. Bingo, ça parle de pédophilie en fait.

L’histoire est inspirée d’un fait divers réel : l’affaire Victor Hissel, avocat défenseur des victimes de Marc Dutroux, lui-même condamné pour détention d’images pédopornographiques. Plus précisément le film se concentre sur l’impact de cette histoire sur la famille de Hissel, qui couvre ce secret de plus en plus difficile à cacher. François Scharr (Daniel Auteuil), l’avocat de fiction est devenue une star médiatique grâce à son action de défense des victimes dans une grande affaire de pédocriminalité. Sa femme (Emmanuelle Devos) et son fils (Matthieu Galoux pour ce qui semble être son premier long-métrage), souffrent de cette exposition publique, mais semblent surtout souffrir d’un mal bien plus profond qui ronge la famille.

Joachim Lafosse adore inspecter les failles et les souffrances qui peuvent faire exploser ou imploser les couples. Cette affaire semble donc être un sujet parfait pour qu’il fasse à nouveau briller son cinéma après le très convainquant Les Intranquilles. Hélas, Un silence échoue à pleinement embrasser son histoire. D’abord, la construction en faux-suspense autour de ce fameux silence qui empoisonne la famille donne un rythme étrange au film qui semble ne jamais savoir se positionner par rapport à ce qu’il raconte. Cela rend tous les personnages étrangement distants. Alors que les relations entre les membres de cette famille sont au cœur du drame qui se joue, on a du mal à croire à leurs interactions et tout sonne faux.

L’oppression la plus marquante du film vient peut-être des journalistes en meute…

Pourtant, le film aurait pu être intéressant à plus d’un titre. La question de la pédophilie est finalement assez peu pensée au cinéma. Et le prisme de Un silence est particulièrement singulier puisqu’on y suit une famille quotidiennement confrontée à la pédophilie à la fois sur un plan légitime et professionnel en raison des activités d’avocat du père, mais aussi de manière enfouie et taboue comme une maladie contagieuse qui s’empare progressivement de ceux qui y sont confrontés. C’est surtout le personnage de la mère qui porte le film, vivant dans le déni et la volonté de faire fonctionner à tout prix une famille pourtant déjà brisée.

Mais ce vertige du sujet et les nombreux écueils au tournant, expliquent peut-être la timidité de ce film qui semble toujours en retrait de l’horreur qu’il décrit. On se contente donc de suivre les acteurs et actrices tenter de donner vie à un récit sans allant jusqu’à la conclusion évoquée dans la première scène. On peine à reconnaître le cinéma de Lafosse, d’habitude si justes pour retranscrire les montées en tension et les angoisses de personnages coincés avec eux-mêmes. On est plus proche ici de la molle reconstitution d’un faits divers. Ce sujet aurait sûrement mérité plus d’audace.

Un silence, de Joachim Lafosse, avec Emmanuelle Devos, Daniel Auteuil, Matthieux Galoux et Jeann Cherhal, sortie le 10 janvier 2024.

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