Terreur de cinéma : celui qui trouve que oui, le cannibalisme, c’est dégoûtant

Pour Halloween, on a cette année demandé aux chroniqueurs.euses de Cinématraque de nous raconter leur plus grosse flippe de cinéma. Ce peut être dedans l’écran, dedans la salle, etc. L’exercice d’écriture est libre, la question ouverte. Ici, c’est Mehdi qui y répond. Pour lire tous les articles de ce cycle Halloween, cliquez ici.

Je me considère comme un être d’une rationalité à toute épreuve. La peur est un sentiment désagréable. Je fais donc tout pour l’éviter, y compris ne pas aller voir des films censés susciter ce sentiment. Je considère également toutes les personnes aimant avoir peur comme folles à lier. Ce postulat de base étant posé, vous comprendrez donc aisément le paradoxe suivant : je suis un grand peureux mais je n’ai pas beaucoup d’expérience de peur au cinéma. Des sursauts, oui. Pour le moindre bruit un peu trop fort. Mais la peur, la vraie, qui colle au siège et écarquille les yeux, très peu.

Alors j’étais bien embêté quand Cinématraque, cette entité à qui l’on ne refuse rien, m’a réclamé un texte sur cette plus grande peur au cinéma. Mais en cherchant un peu, je me rappelle quand même d’un film qui m’a particulièrement glacé. Grave, de Julia Ducournau.

Déjà parce que je l’ai vu dans un Festival, donc je ne savais rien du film et ne pouvais pas utiliser respecter l’axiome décisif que j’ai développé dans le premier paragraphe de l’article (cf premier paragraphe de l’article). Et comme je mets situe toujours en milieu de rangée (contrairement à JB qui se met toujours sur les côtés pour pouvoir partir rapidement si un plan-sequence dure trop longtemps), j’étais coincé.

Si vous avez vu Grave, vous allez me dire « rohlala mais ça fait pas peur, quelle chochotte celui-là ». Alors premièrement oui (cf premier paragraphe de l’article).  Et deuxièmement, en effet Grave ne fait partie des films qui figurent dans les top 10 « Les films les plus effrayants du cinéma » que vous allez voir fleurir en cette période d’Halloween. Mais, et je le précise pour ceux qui ne l’ont pas vu, Grave parle de cannibalisme et surtout montre du cannibalisme. Et disons-le tout net, le cannibalisme, c’est dégoûtant. Je me souviens particulièrement d’une scène au début du film, lorsque le personnage joué par Garance Marillier se découvre un appétit anormal en tenant le doigt coupé de sa sœur suite à un accident, et commet après un moment d’hésitation l’irréparable. Ce moment d’hésitation a fait frémir l’ensemble de la salle qui sentait venir de manière inéluctable le brisement d’un tabou ancestral : on ne mange pas sa famille.

Tout au long du film ce malaise ne m’a pas quitté. L’envie de découvrir un film se partageait avec l’envie de me cacher les yeux pour ne pas avoir à souffrir (cf premier paragraphe de l’article). Mais progressivement, j’ai commencé à prendre confiance en moi, plus le film avançait, plus le cannibalisme s’affirmait moins j’y étais sensible. Le frisson collectif du doigt n’est jamais réapparu avec autant de force comme si une fois le sceau brisé, le public pouvait accepter facilement l’inévitable progression du mal.

C’est à ce moment que Julia Ducournau m’a infligé le coup fatal. Un coup qui me fait encore frémir des années après. Je suis peut-être le seul à avoir retenu cette séquence du film. C’est un détail anodin, de quelques secondes qui décore un plan. Et pourtant cette image me hante. Pour comprendre il faut que je vous précise d’abord un truc. Non, non pas le premier paragraphe, un autre truc. J’ai la phobie des yeux. Parce que quand on y réfléchit bien, c’est dégoûtant les yeux. Alors, dès qu’un film s’amuse à maltraiter ces si fragiles globes oculaires, je ne suis pas bien (Un chien andalou et Orange mécanique, je pense à vous). Dans Grave, l’acte de rupture se produit dans une innocente soirée, où une personne presque de manière incidente et normale, lèche l’œil de son partenaire. Il faut m’imaginer faire une grimace affreuse en tapant les insoutenables mots de la phrase précédente. J’ai donc eu un retour des frissons puissance 1000, sauf que cette fois-ci j’étais tout seul dans la salle à les ressentir. Si j’en veux à Julia Ducournau c’est moins de m’avoir montré cette horrible scène, que de m’avoir fait réaliser que des vrais gens dans la vraie vie faisaient vraiment ça pour le plaisir. Cette idée me hante depuis et je maudis Julia Ducournau pour cela. En espérant qu’elle ne croie pas au mauvais œil.

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