Linda veut du poulet : t’inquiète poulette, tu l’auras ton bucket

Déjà passé par la Croisette dans la sélection de l’ACID, Linda veut du poulet ! (oui, le point d’exclamation est central, et on en reparlera) fait désormais partie de la compétition annécienne. Sept ans après La jeune fille sans mains, Sébastien Laudenbach fait son grand retour après avoir reçu le Prix du Jury, pour un film co-réalisé avec Chiara Malta, dont il s’agit du premier film d’animation. Pour ce travail partagé, Sébastien s’est chargé de l’animation et Chiara de la mise en scène et de l’enregistrement des dialogues avec les comédiens (parmi lesquels Clotilde Hesme, Laetitia Dosch et Esteban) et les encore plus jeunes comédiens, dont Mélinée Leclerc qui incarne Linda.

Donc oui : Linda veut du poulet ! Tout de suite et maintenant. Mais pourquoi ? Alors que sa mère, Paulette, a cru que Linda avait volé sa bague, elle lui propose n’importe quoi en échange de son pardon. N’importe quoi, y compris préparer du poulet au poivrons… La recette phare de son père décédé. Malgré les souvenirs, malgré la tristesse, et surtout malgré sa grande incompétence culinaire, Paulette ne veut pas s’avouer vaincu. Elle l’aura son poulet, Linda. Même un jour de grève générale. Et même s’il faut impliquer tout le monde dans l’aventure : la tante, les voisins, les copines, les flics. Linda veut du poulet, on vous a dit, alors on y va !

Vu comme ça, le souhait de Linda n’a pas grand chose de rocambolesque. Manger du poulet, c’est banal, non ? Un peu comme la vie et l’environnement de Linda. Petite fille issue d’un milieu modeste, elle se balade avec ses copines dans les environs de sa cité, croise la mamie du coin au supermarché, et rentre chez elle un peu comme elle veut. Elle retrouve sa mère la tête sous le lavabo, au milieu des fuites, entre deux surgelés. Et en plus, c’est manif. Bref, la France morose d’aujourd’hui. Ce qui n’empêche pas pour autant le film d’être plein de couleurs malgré la morosité ambiante. A chaque personnage sa couleur, une bulle de vie qui le rend reconnaissable de près ou de loin.

C’est la couleur, mais aussi l’énergie qui s’empare du monde de Linda veut du poulet ! Outre les obstacles qui se dressent sur le chemin de Paulette et sa fille, tout le monde veut sa part du gâteau (ou plutôt, son bout de blanc). L’ultra-rigide tante Astrid se retrouve plongée malgré elle dans la quête, les copines de Linda veulent elle aussi bien faire. Mais personne ne sait trop quoi faire.

  1. Parce que c’est la grève, donc il va bien falloir braver quelques interdits.
  2. Parce que c’est la recette du père, donc il va bien falloir trouver.
  3. Parce que ça devient vite le bordel, donc il va bien falloir faire appel à la police (non).

Le point d’exclamation du titre du film, c’est cette énergie débordante, autant dans la vivacité de la mise en scène et de l’animation qu’à travers tous ces personnages. Un peu comme si Linda et ses amies encourageaient tous les adultes à redevenir l’enfant qu’ils ont été et à faire abstraction des règles. Car s’il est question d’attraper un poulet, il faut aussi ne pas se faire attraper par les poulets. Mais quand un flic est incarné par Esteban, on sait qu’il ne va pas s’agir d’un personnage hyper fut-fut. Ou plutôt d’un personnage qui se cantonne aux ordres.

Je disais en sortant de salle que Linda veut du poulet ! était un film 100% Cinématraque core. Parce que le souhait d’une petite fille est à l’origine d’une véritable révolte communautaire contre l’autorité établie. Parce que la cité n’y est pas représentée, comme à l’accoutumée, comme lieu de tous les vices, mais dans le sens propre du terme : un territoire dont les habitants reconnaissent ensemble leurs dirigeants et leurs règles. Après plus de quatre mois de manifestations à travers la France contre un pouvoir aveugle et sourd, le film et Chiara Malta et Sébastien Laudenbach vient, un peu malgré lui, enfoncer le clou, et rappeler qu’on pourrait tous vivre mieux si l’on s’écoutait un peu plus.

Linda veut du poulet !, un film de Chiara Malta et Sébastien Laudenbach. Sortie en salles françaises le 18 octobre 2023. Présenté en Compétition officielle au Festival international du film d’animation d’Annecy.

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