Sympathy for the Devil : Le Nicolas Cage show

Le Vendredi 15 septembre 2023 à l’étrange Festival, tout le Forum des images était en effervescence. Impossible de circuler, de s’asseoir au bar, ou d’éviter de croiser quelqu’un qu’on connaît du Twitter cinéma. La cause ? La diffusion du nouveau film de Jonathan Glazer, La Zone d’intérêt, tout récemment primé du Grand Prix au festival de Cannes.

Ce n’est pas de ce film que je vais vous parler maintenant, parce que contrairement aux autres, je me respecte moi. Si je vais à l’Etrange Festival, c’est pas pour découvrir un super film primé sur la Croisette ! Non mais oh, on en est où là ? Est-ce que je suis vraiment venu ici pour voir un long-métrage super sérieux et brillant dont on entend parler sur France Culture ? Non, moi je vais à l’Etrange pour voir des films à la qualité relative, avec du sang et de l’horreur, et si possible Nicolas Cage dedans.

Et c’est totalement pour ça que je suis allé voir Sympathy for the Devil hier soir, et pas le film de Glazer qui ne m’intéresse absolument PAS. Des mauvaises langues vous diront peut-être que je suis arrivé trop tard pour récupérer une place avec mon accréditation presse, et que je suis un grand fan de Glazer très désireux de voir la Zone d’Interêt, mais il ne faut pas les écouter. Comme l’a dit un jour mon frère quand on l’a accusé de ne pas nous aider à faire la vaisselle au camping de la Palmyre quand il avait quatre ans, « ils mentent ! ». Même si c’était vrai qu’il ne nous a pas aidé à faire la vaisselle. Et que je voulais voir le Glazer et que je n’ai pas réussi.

Je me moque, mais il y a une part de sérieux dans ce que je raconte : l’expérience d’un festival atypique comme l’Etrange, c’est aussi et surtout découvrir des trucs un peu douteux. Parfois de mauvais goût, parfois juste mauvais, mais surtout originaux, inattendus, surprenants. Et ce qui est aussi certain, c’est que rater un Nicolas Cage sur grand écran serait porter atteinte à ma cinéphilie, elle-même bien atteinte.

Sympathy for the Devil, c’est quoi alors ? C’est l’histoire d’un monsieur tout le monde nommé David Chamberlain, et interprété par Joel Kinamman grimé en mec banal (l’effet est semi-saisissant, semi-hilarant), qui doit rejoindre sa femme à l’hôpital pour son accouchement. Le générique de début défile sur le trajet en voiture de David à travers la ville factice par excellence, Las Vegas et ses panneaux lumineux qui semblent être des mirages au milieu du désert. Au moment où le dernier carton du générique s’affiche, celui qui indique le réalisateur, « directed by Yuval Adler », la voiture de David s’enfonce dans le parking souterrain de l’hôpital. Ce simple plan, qui jure de par sa verticalité avec tous les plans précédents sur les routes sans dénivelés de Las Vegas, annonce tout le programme : une descente aux enfers.

Car c’est dans ce parking que David Chamberlain va faire la rencontre de Nicolas Cage. Sapé comme j’imagine l’acteur s’habiller pour aller à l’église le dimanche, c’est-à-dire en costume deux pièces à écailles brillantes rouges et avec des cheveux tout aussi rouges, Cage monte dans la bagnole de David et lui propose un tour de magie. Après tout, on est à Las Vegas !

Bref, la suite est très prévisible, vous avez tous vus des films avec des passagers psychopathes : Cage a un flingue et force David à le conduire quelque part, l’éloignant ainsi de sa femme et de son accouchement compliqué.

Sympathy for the Devil repose sur plusieurs retournements de situations que je ne spoilerai pas ici parce que je suis super sympa, mais aussi et surtout parce qu’ils sont extrêmement prévisibles. Le scénariste Luke Paradise (je prie pour que ça soit ton vrai nom frérot) abuse à mort de la mystery box dans son intrigue, faisant vite comprendre au spectateur que ce que désire Nicolas Cage a un lien avec David Chamberlain et l’accouchement de sa femme, mais sans lui donner plus d’informations à grignoter. La résolution n’est pas particulièrement originale ni intéressante.

Qui plus est, si le film joue beaucoup sur une imagerie surnaturelle annoncée d’emblée par son titre, notamment dans un final tout droit sorti des flammes de l’enfer, il s’enlise hélas dans un ancrage on ne peut plus terre à terre, en contresens total avec le jeu aérien de Nicolas Cage. Ce n’est pas nul du tout, c’est même plutôt bien mené, joliment mis en scène, mais ça manque d’un petit quelque chose pour en faire un vrai petit thriller mémorable.

Mais peu importe. Parce que comme je l’ai dit, on n’est pas là pour voir que des supers films, dans un festival. On est aussi là pour les petits plaisirs de la vie. Et la vie justement, c’est trop souvent de la merde. Surtout quand on a Macron comme président, 35 degrés à Paris en septembre, et Elon Musk qui détruit notre réseau social préféré. Dans ces moments-là, on a besoin d’un héros pour nous guider vers la lumière. Nous faire rire, chasser nos idées noires d’un hurlement sauvage à peine humain. On a besoin de Nicolas Cage.

Parce que c’est pour lui qu’on est là. Et rien que pour ça, le voyage en bagnole vaut le détour. Face au jeu sobre et mesuré de Kinnaman, Nicolas Cage propose une variation de son jeu excentrique particulièrement délicieuse. Plus nuancé qu’à son accoutumée dans ce genre de productions, l’acteur qui il y a quelques années s’était lancé dans la quête du Graal (rien à voir avec le film mais ça mérite toujours d’être rappelé) enrichit ses explosions de folie pure d’une vraie sincérité dans le jeu. Il se nourrit de son personnage et si sa bouche lui sert toujours autant à jacasser, hurler, et dévorer l’écran comme un forcené, ses yeux trahissent une tristesse profonde et insondable. C’est à montrer à tous les hérétiques qui pensent que Cage fait juste n’importe quoi quand il joue la comédie. Loin de ses tendances à alterner les expressions éteintes et monolithiques à la Joe ou Pig avec des excentricités bien au delà du ridicule comme Mandy ou Color Out of Space (pour ne citer que des projets récents), il joue dans ce film sur tous les terrains. Et il le fait brillamment. Et voilà pourquoi je vais à l’Etrange Festival.

Sympathy for the Devil, un film de Yuval Adler, écrit par Luke Paradise, avec Nicolas Cage. Diffusé à l’étrange festival en septembre 2023.

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