On n’ira pas jusqu’à dire qu’on avait fait une croix sur le cinéma de Nanni Moretti, mais en tout cas son précédent film, aussi présenté à Cannes, Tre Piani, nous avait tellement déçu qu’on n’attendait pas grand-chose du grand réalisateur italien cette année.
Et pourtant il aurait fallu voir nos visages à minuit, en sortant de la projection. Alors que nous étions au point du festival où chaque projection semble être une bataille contre nos paupières qui ont pris leur indépendance et où se demande régulièrement si on aime vraiment le cinéma en fait, voilà que Nanni Moretti vient nous redonner une pêche inattendue. Sourire aux lèvres et étoiles dans les yeux, on avait à nouveau goût au cinéma, goût à la vie, goût à Moretti. Le réalisateur italien nous avait rappelé le temps d’un feel-good movie communiste, pourquoi on l’aimait tant.
Comme beaucoup de films cette année, Vers un avenir radieux est un film qui interroge la façon dont le cinéma peut encore conter des histoires. Mais si la question est suggérée chez un Wes Anderson ou un Todd Haynes, Moretti s’y confronte frontalement en se mettant en scène en réalisateur qui peine à finir son film sur un épisode du communisme italien. Le film dans le film semble être, au début, un simple prétexte pour que Moretti s’amuse à se dépeindre en réalisateur intransigeant avec ses équipes. Mais plus le film avance plus on comprend que le choix d’un film sur le lien entre le parti communiste italien et l’URSS en 1956 n’est pas innocent. Cela permet à Moretti de nouer à ses questionnements individuels de réalisateur un peu âgé, les interrogations plus générales d’une société en quête d’un nouveau récit fédérateur.
Peut-on imaginer le bonheur, sans Mathieu Amalric ?
Beaucoup verront dans Vers un avenir radieux un geste de dépit, d’un réalisateur réactionnaire qui semble ne pas comprendre le monde qui évolue autour de lui. Et c’est tout à fait vrai. Moretti semble se plaire depuis quelques temps à se positionner dans le rôle du vieux réalisateur perdu. Son message sur les réseaux sociaux lors de la victoire de Titane à Cannes l’illustre parfaitement (et il semble y faire écho en partie dans ce nouveau film). Mais ce qui sauve Moretti, c’est qu’il sait jouer et s’amuser de cette caricature de lui-même. On le voit dans Vers un avenir radieux se confronter à la question de la violence au cinéma et aux pontes de Netflix dans des scènes hilarantes. Il semble même bousculé par ses propres acteurs qui ne comprennent pas son cinéma de grand-père. Et on ne peut pas ne pas sourire avec lui de son propre sort et de sa façon très pince-sans-rire de souligner les limites de processus créatif.
La fin du film répond la promesse de son titre et force le destin, presque à la manière de Tarantino, pour nous promettre du bonheur. Un bonheur que l’on sait factice et truqué, mais qui déborde de ce film à l’énergie contagieuse et qui nous donne envie de croire, nous aussi, que les jours heureux sont possibles.
Vers un avenir radieux, un film de Nanni Moretti avec Nanni Moretti, Margherita Buy et Mathieu Amalric
comme d’habitude je suis d’accord avec votre analyse ! un de mes préférés à Cannes ! et je serais curieuse connaitre vos critiques pour un autre film que j’ai aimé à Cannes : Asteroid City
Vive le cinéma