Kalidor, la légende du talisman : prototype du cinéma des années 80

Richard Fleischer est un des plus beaux exemples de ce qu’on a longtemps appelé un « réalisateur de studio ». Fils du célèbre Max Fleischer, producteurs de Popeye, Betty Boop et du cartoon Superman des années 40, Richard a signé un film par an en moyenne de 1946 à 1989 et a officié au sein de la MGM, de la Fox ou encore de Walt Disney pour tous les genres cinématographiques imaginables. Un film noir ? Un film de SF ? De sous-marin ? Une comédie romantique ? Un western ? Un péplum ? Il savait tout faire, et si une telle productivité implique logiquement une hétérogéneité dans la qualité des films, il a signé quelques chefs d’oeuvres durant sa longue et prolifique carrière.

Kalidor, la légende du talisman n’est hélas pas dans cette catégorie. Ce qui ne l’empêche pas d’être un film très intéressant.

Red Sonja dans son titre original (on y revient dans un instant), raconte l’histoire de la guerrière Sonja la rousse et de sa quête de vengeance contre la méchante reine Gedren. A ses côtés dans cette aventure, le guerrier Kalidor (qui devait être Conan le cimmérien, on y revient aussi dans un instant), ainsi que le jeune prince Tarn et son serviteur Falkon. Au programme, des combats à l’épée, de la philosophie des arts martiaux, de la magie, des chevauchées héroïques, des monstres articulés, des grands espaces épiques et des grottes en carton pâte.

Le film de Richard Fleischer est en fait une suite de son Conan le destructeur, faisant lui aussi suite au Conan le Barbare de John Milius. Red Sonja est un autre personnage inventé par le même auteur Robert E. Howard, plus connue comme Conan pour son incarnation dans les comics Marvel des années 70. Le personnage de Kalidor, le guerrier aux muscles d’acier interprété par Arnolrd Schwarzenegger, est en vérité une autre version du cimérrien Conan. Les aventures mythologiques écrites par Robert E. Howard cultivaient justement une ambiguité profonde quant à la chronologie exacte de sa vie, ce qui peut tout à fait expliquer qu’il se retrouve ici sous le nom de Kalidor. Même si la vérité autour de ce choix étrange est bien plus bête : à priori c’est un conflit de copyrights qui fait que le nom Conan ne pouvait plus être utilisé…

En France, le film s’appelle Kalidor la légende du talisman malgré le fait que Scharwzie soit un vrai rôle secondaire. Il n’apparaît que pour aider Sonja quand il faut bien rappeler au monde que même une femme forte a besoin d’un homme pour la sauver quand elle est vraiment dans le paté.

Et c’est en partie pour cela que ce film de Fleischer est franchement bien pourrave. Après une introduction assez stylée où Red Sonja voit en flashback sa famille mourir et reçoit une bénédiction sacrée avec une épée de lumière, on la retrouve à s’entraîner aux armes dans un monastère. Là, elle refuse le câlin d’un homme (gros move d’incel bizarre, voyez la scène c’est incompréhensible) avant de se faire réprimander par son maître : faudrait quand même pas que tu détestes tous les hommes ma p’tite, surtout quand t’es jolie comme ça. Ouaiiiiis c’est ultra chaud. Et cet homme qu’elle ne détestera pas, c’est évidemment Conan/Kalidor/Schwarzie, dont le jeu catastrophique dans ce film paraît presque décent à côté de la performance de Brigitte Nielsen en Sonja. Réussir à autant rater l’émotion cherchée dans chaque plan, sur chaque réplique, c’est presque un don à ce niveau-là.

Là où le film est absolument fascinant, c’est quand on le réfléchit comme non pas une oeuvre d’art (ce qu’il est, même s’il est raté il n’en demeure pas moins une vraie création artistique avec des partis pris et une vision d’auteur) mais comme un produit. Ce qu’il est aussi. On retrouve le célèbre Dino de Laurentiis à la barre de cette production, connu certes pour des grandes oeuvres intellectuelles mais aussi et surtout pour un vrai talent pour le cinéma d’exploitation et tout ce qui a vocation à capter un public particulier en lui donnant exactement ce qu’il cherche à voir.

Pour cela, Kalidor, la légende du talisman est un véritable film de Frankenstein, une construction protéiforme monstrueuse qui fait l’erreur de vouloir plaire à tous en même temps. Aux fans d’heroic fantasy en leur proposant des magnifiques mate-paintings et des décors sublimes (Danilo Donati, un géant), aux garçons adolescents en leur proposant une héroïne très sexualisée (le duel à l’épée nocturne avec Schwarzie, si c’est pas une scène de cul à peine déguisée franchement), aux enfants en intégrant un gosse aussi insupportable qu’eux dans l’intrigue… Le film tente même de surfer sur la mode des arts martiaux en intégrant Tad Horino au casting et en proposant plusieurs styles de combats dans ses scènes d’action.

Voilà donc un pur produit des années 80, la décennie de la société de consommation où tout doit devenir un produit. Si Richard Fleischer a su produire des merveilles en son temps, ça n’est clairement pas pour ce genre de film qu’on doit se souvenir de lui.

Kalidor, la légende du talisman. Un film de Richard Fleischer disponible sur ciné+

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