Scream 6 : Ghostface en toute franchise

Le retour de Ghostface

Cela n’aura pas traîné. Un tout petit peu plus d’un an après le nouveau volet de la franchise de Wes Craven (qui se poursuit désormais sans lui, parce que la vie c’est de la merde), sobrement intitulé Scream alors que c’est le cinquième volet (parce que la vie, c’est de la merde), voilà qu’on retrouve le célèbre tueur au téléphone pour Scream VI. Avec au programme un sérieux changement de paradigme : on quitte Woodsboro pour rejoindre les rues sombres et sordides de New York, et Neve Campbell n’apparaît pas en tant que Sidney Prescott, l’actrice ayant refusé un cachet qu’elle jugeait trop maigre pour ce que son personnage représente pour la franchise.

On mise donc tout sur les quatre héros du cinquième film. On a d’abord les jumeaux Mindy et Chad, la fan de cinéma d’horreur qui sert au propos méta du film et le beau gosse musclé qui lui ne sert à rien, deux personnages qui je l’avoue s’étaient totalement effacés de ma mémoire après avoir vu Scream 5 (qui s’appelle juste Scream alors que c’est le cinquième, parce que la vie c’est de la merde). Les héroïnes en revanche sont bien plus mémorables et intéressantes : Tara Carpenter (Jenna Ortega, dont la popularité très actuelle avec Wednesday a bien servi à la promo du film) et sa demie-soeur Sam, fille illégitime du tueur du premier film. Les protagonistes étant désormais à la fac à New York, on ajoute une galerie de nouveaux personnages/suspects : un voisin sexy en relation secrète avec Sam, des colocs, une petite copine pour Mindy.

Sans oublier le retour de Courteney Cox en Gale Weathers, qui continue sa bipolarité « journaliste putassière/héroïne altruiste » comme dans chaque film, et celui – plus surprenant – de Hayden Pannetiere qui reprend son rôle de Kirby Reed, survivante de Ghostface dans le quatrième volet. Et comme il faut toujours un flic dans les Scream, et qu’il serait difficile de faire revenir le Dewey de David Arquette après ce qu’il lui arrive dans Scream 5 (qui s’appelle juste Scream parce que la vie c’est de la merde), on a Dermot Mulroney pour le remplacer.

Les Carpenter brut.

« Hey, I’m slashing here! »

Seulement voilà, si les sœurs Carpenter ont fui Woodsboro pour un nouveau départ à New York, Ghostface les a vraisemblablement suivies. Je ne spoilerai pas l’identité du/des tueurs ici mais si vous connaissez bien la saga, vous savez que tout ça est probablement invraisemblable et accompagné d’un motif ridicule. Et surtout, c’est métafilmique. Un terme devenu indissociable de la saga dès son premier volet avec ses références aux codes du slasher, mais surtout à partir du deuxième où les films Stab apparaissent dans la diégèse comme des commentaires pervers sur les tragédies vécues par Sidney Prescott et sa bande.

C’est bien là le paradoxe au coeur des films Scream, qui sont trop souvent pris au piège par leur propre concept qui les force à être le cul entre deux chaises. D’un côté on a l’envie de raconter une vraie histoire sincère avec des personnages attachants, et de l’autre le cynisme moqueur et désabusé de son postmodernisme horrifique. Si la première scène du film original de 1996 est devenue culte, ce n’est pas seulement parce que le tueur brisait presque le quatrième mur en demandant à Drew Barrymore au téléphone son film d’horreur préféré, c’est aussi parce qu’elle était assez bien écrite, mise en scène et interprétée pour qu’on ait envie de croire au personnage et de frissonner avec lui. C’était d’ailleurs une des réussites de Scream 5 (qui s’appelle Scream sans le chiffre 5 parce que la vie c’est de la merde) : la scène d’introduction donnait au personnage de Tara Carpenter une vraie consistance de jeune fille moderne malgré une écriture lourdingue du côté des références et des clins d’oeils trop appuyés, et a certainement aidé à la popularisation fulgurante de son actrice Jenna Ortega.

Cette distance complexe et délicate entre émotion et réflexion n’est jamais aussi évidente que lors du climax de ce Scream 6, qui se doit de faire s’affronter d’un côté le nouveau Ghostface et ses motivations métafilmiques et de l’autre Sam et Tara Carpenter qui ont elles des vrais enjeux émotionnels :

  • Ghostface commet des meurtres, comme dans Scream 5 (qui s’appelle Scream et pas Scream 5 parce que la vie c’est de la putain de merde), qui semblent avoir un lien avec la franchise Stab et les événements des films Scream précédents. Un des lieux les plus emblématiques et important de ce sixième volet est un cinéma desaffecté rempli de souvenirs et pièces à convictions des meurtres passés, faisant de Scream 6 une véritable… lettre d’amour au cinéma… Et oui.
  • Tara tente de voler de ses propres ailes tandis que sa grande soeur devenue trop protectrice l’étouffe, et a du mal également à admettre l’impact qu’a pu avoir le traumatisme des attaques du film précédent sur sa santé mentale. Sam a quant à elle a l’arc narratif le plus intéressant de cette nouvelle saga, puisqu’en tant que descendante de Billy Loomis à qui on a voulu faire porter le chapeau des meurtres commis dans Scream 5 (qui s’appelle juste Scream alors que y a déjà un film Scream sorti en 1996 et pas en 2022), elle semble attirée par une part sombre cachée au plus profond de son âme. Et si elle aussi avait ce sang de tueur qui coule dans ses veines ?

La réussite du film, condamné par cet équilibre instable, est relative. Les personnages secondaires en dehors de Gale Weathers sont toujours aussi inintéressants, les jumeaux Mindy et Chad combinent à eux deux le charisme d’une seule huitre pour fourmis, et les rebondissements manquent parfois de piquant et surtout de surprise. Mais si on met de côté le premier Scream qui est un chef d’oeuvre et qu’on admet que les suites sont presque toutes aussi divertissantes que ridicules, alors il sera difficile de bouder son plaisir devant cette nouvelle itération qui a le mérite d’essayer d’apporter quelque chose de neuf à une franchise qui commençait déjà à s’essouffler quand Wes Craven était encore parmi nous. C’est déjà bien plus que Scream 5 (qui n’est pas un chef d’oeuvre malgré sa tentative de l’être en s’appelant Scream sans le 5 comme celui qui est un chef d’oeuvre) qui était bien plus poussif dans tout ce qu’il entreprenait, et qui ne savait absolument pas quoi faire de Sidney Prescott dont l’arc narratif est globalement terminé depuis le troisième volet. Finalement l’une des choses les plus essentielles que prouve ce Scream 6, c’est qu’il est possible d’imaginer la franchise sans Sidney Prescott ; pour peu qu’on la remplace par des personnages un minimum intéressants. Pari semi réussi donc…

« Somehow, Palpatine has returned »

New York New York…

Cette réussite en demi-teinte de Scream 6 tient en partie à l’utilisation de ce nouveau décor new yorkais, à la fois source de certaines des plus belles réussites du film mais aussi de frustrations terribles. C’est-à-dire que les réalisateurs Matt Bellinelli-Olpin et Tyler Gillet tentent des trucs sans aller au bout de leurs idées.

Prenons comme exemple ici la fameuse scène d’introduction que l’on retrouve déclinée dans tous les volets de la saga. Elle sert donc ici à introduire la ville et ses paradoxes. Samara Weaving joue une jeune et jolie professeur de cinéma spécialisée en slashers qui attend un date dans un bar branché ; quand ce dernier ne trouve pas le lieu elle sort téléphone en main pour le retrouver devant et s’aventure dans une ruelle inquiétante… La suite s’écrit toute seule. Mais le twist sur cette scène est que le Ghostface enlève immédiatement son masque et révèle son visage à tous ! On le suit ensuite chez lui où il passe un coup de fil à son partenaire de crime, pour ensuite le montrer se faire exécuter par le véritable Ghostface du film (dont je ne spoilerai pas l’identité, j’ai dit). Cette variation sur la scène d’introduction d’un film Scream n’est pas anodine, elle vient puiser dans l’identité même du slasher urbain new yorkais. On pense tout de suite à Maniac et Maniac Cop de William Lustig, le cinéaste qui a su le mieux exploiter tout ce qu’il y avait de pourri, crade et dérangeant dans les rues de la Grosse Pomme dans les années 70-80. Dans ce sous-genre de slasher, on suit le tueur avant de connaître les victimes, ce qui paraissait inenvisageable dans un film de la saga Scream aux codes antinomiques avec ce procédé narratif… On se prend même à penser plus tard dans le film à l’Ange de la Vengeance d’Abel Ferrara : si Sam Carpenter se laisse séduire par son côté sombre et se met à son tour à tuer des gens, on serait là tout à fait à notre place dans un héritage du cinéma d’exploitation new yorkais.

Mais ce ne sont que des chemins dévoilés sans être empruntés, hélas. On ne peut pas non plus dire que New York soit réellement exploitée pour toutes ses qualités et possibilités cinématographiques par les réalisateurs (d’ailleurs le film est intégralement tourné à Montréal, on vous ment camarades), en dehors une séquence plutôt réussie à Halloween dans un métro rempli de Ghostfaces potentiels.

De la même manière, le film esquisse une tentative de réflexion très actuelle autour de son héroïne sans jamais s’en servir pour avoir un véritable propos : on apprend au début du récit que des complotistes sur Internet l’accusent d’être la véritable coupable des meurtres du film précédent (celui qui s’appelle Scream alors qu’en vrai c’est Scream 5 PUTAIN DE MERDE MAIS APPELEZ-LE SCREAM 5 Y A DÉJÀ UN FILM QUI S’APPELLE SCREAM VOUS ÊTES TELLEMENT CHIANTS) et d’avoir fait porter le chapeau à son petit ami. Le parallèle avec l’affaire Johnny Depp/Amber Heard est peut-être accidentel, mais il est évident qu’il faudra passer par la fiction pour réfléchir au procès le plus terrible de ces dernières années pour son retour de bâton contre #MeToo. C’est déjà bien d’en avoir une esquisse dans Scream 6… Qui sort en France lors de la journée internationale des droits des femmes, évidemment. #toutestlié.

Vous l’aurez compris, il y a du bon comme du mauvais dans ce Scream 6, mais il a surtout assez de qualités pour être intéressant. Rien que pour ça, cela vaut le déplacement.

Scream 6, un film des réalisateurs que j’ai cité plus haut mais leurs noms sont compliqués ça me saoule. Avec Melissa Barrera, Jenna Ortega, Courtney Cox et Hayden Pannetière. Au cinéma le 08 mars 2023.

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