Under the Blossoming Cherry Tree : Comment ne pas perdre la tête…

Cet article est rédigé dans le cadre de l’Etrange Festival 2022, qui a eu lieu du 6 au 18 septembre au Forum des images.

Aaah, les cerisiers en fleurs. Cette image typique du Japon carte postale qui inspire la quiétude et encourage à l’introspection. Peu de symboles nippons ont été autant associé à une certaine poésie du quotidien, à un apaisement presque métaphysique… Et tout cela, Masahiro Shinoda, il n’en a strictement rien à carrer. Dans un de ses films les plus inattendus et bizarres, l’ancien assistant de Yasujiro Ozu nous transporte dans un japon féodal en utilisant ces fameux cerisiers.

Sauf que cette fois, ils rendent les gens fous. Alors tu te dis bon, peut-être qu’un film qui commence comme ça c’est pas si inhabituel, on va peut-être rentrer dans l’ordre. Et puis tu te souviens que c’est les années 70, et que le cinéma japonais se débride totalement en réaction à la censure de la télévision. Tu te souviens aussi que Shinoda, avant d’être le réalisateur apprécié pour son adaptation de Silence, c’est quand même un mec qui a commencé sa carrière bien énervé au sein de la nouvelle vague de Shochiku, qui mettait en scène la rage des jeunesses japonaises dans un contexte politique bouillonnant.

Pour le public japonais, qui avait découvert l’année d’avant son Himiko sulfureux, la surprise est peut-être moindre, mais à découvrir aujourd’hui, Under the blossoming cherry tree est plus que surprenant. Après une introduction dans le présent (?) avec une voix-off d’un gosse (??) qui nous raconte que les japonais adorent se poser oklm sous les cerisiers en fleurs, Shinoda nous transporte en pleine montagne dans le temps jadis (???) et la voix-off du gosse (????) nous dit que ces fleurs peuvent rendre fous les passants si on marche dessous (??????). Puis on oublie tout ça (?????????????????????) (bon en vrai y a un lien et c’est grave cool mais c’est pas tout de suite évident donc : ?????????????????) (promis j’arrête les points d’interrogation maintenant) et on va rencontrer notre héros : un brigand de la montagne super sympa, qui tue deux mecs puis enlève une femme dans le but de la violer, et la ramène dans sa cabane où il a tout plein de femmes déjà sous son joug. Giga ambiance.

Sauf que cette nana n’est pas n’importe qui, ce que l’on comprend dès son apparition. Lorsque le brigand lui retire son voile et que son visage apparaît en gros plan, le regard espiègle, mystérieux et dangereux de la géniale Shima Iwashita (qui est la femme du réalisateur, c’est la minute gossip), il paraît évident que c’est plutôt l’homme qui va devoir se méfier. Et très vite, son influence se fait sentir sur lui. Grâce à une énergie succube et perverse, la femme le pousse à buter toutes ses anciennes conquêtes (sauf une, parce que c’est cool d’avoir une servante).

Puis… Bon je suis obligé de spoiler parce que c’est incroyable, elle lui ordonne d’aller en ville et de buter des gens. Il lui ramène les têtes et elle joue avec comme si c’était des poupées Barbie. Dans la maison délabrée où ils s’installent, s’éloignant de la montagne au grand désarroi de l’homme, les crânes aux orifices béants et autres têtes plus ou moins fraîches envahissent chaque pièce comme les Funko Pop chez tous tes potes geeks en 2019. A un moment la femme joue à se faire téter le nichon avec une tête coupée, c’est vous dire à quel point on est parti loin dans le délire.

Vous l’aurez compris, on est à la fois abasourdi par ce que propose le film, et décontenancé. Car si la proposition est curieuse, surprenante, voire choquante, on a du mal à saisir ce que cela veut nous transmettre. Si ce n’est qu’on est ancré dans un élément essentiel du folklore japonais : le surnaturel est insurmontable. Mais là où avec un protagoniste moins antipathique cela aurait pu être insoutenable, là comme c’est quand même un barbare violeur, c’est assez pour en faire une œuvre relativement… Drôle ? Il est en tout cas difficile de ne pas rire face à ce tableau terriblement noir, cynique et absurde d’une société japonaise gangrénée par les pulsions sexuelles et la cupidité. D’ailleurs tout un passage – assez inattendu, et ce malgré tout le BORDEL déjà énoncé – du film semble s’inspirer d’Orange Mécanique, histoire de rajouter de la complexité à l’analyse. Enfin, que penser de ce portrait de femme réalisé par Shinoda ? S’il est vrai qu’il a une affection particulière pour les personnages féminins qui renferment un secret, parfois de nature surnaturel, il faut surtout y voir une moquerie amusé de la bêtise de l’homme, qui parce qu’il espère pouvoir niquer est prêt à faire les choses les plus extrêmes – et les plus débiles. Et puis il faut voir comment le réalisateur a un talent inné pour filmer la nature et la rendre tout aussi inquiétante que belle : comme un poison au goût de nectar.

C’est sans doute qu’au fond, Under the blossoming cherry tree n’est pas un film si absurde que cela : il y a du sens dans tout ce chaos de luxure et de macabre… Masahiro Shinoda aurait peut-être la tête sur les épaules, au bout du compte.

Under the blossoming cherry tree, un film de Masahiro Shinoda sorti en 1975.

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