Morbius : vampire en toute médiocrité

Ça ne date pas d’hier : les droits de Spider-Man au cinéma, c’est un peu le bordel. Le personnage de l’homme araignée lui-même se partage entre Sony Pictures et Marvel Studios (moyennant des arrangements conséquents, qui ont failli faire tomber à l’eau No Way Home), tandis que Sony se garde le reste de l’univers. D’un côté, ça donne des pépites comme le film d’animation Into the Spider-Verse, les derniers jeux vidéo Spider-Man et Miles Morales sortis sur PS4 et PS5 et de l’autre… c’est plus compliqué.

Il y a le MCU d’un côté, et ce qu’on appellera le Sonyverse de l’autre. Sauf que dans le Sonyverse, on a décidé de se concentrer sur les méchants emblématiques de l’univers de Spider-Man. Ça a donné ce que ça a donné : Venom de Ruben Fleischer et sa suite, Let There Be Carnage, par Andy Serkis. Tous deux conspués par la critique mais des succès conséquents au box-office. D’autres projets en cours comme Kraven (en cours de tournage avec Aaron Taylor-Johnson) ou Madame Web. C’est aujourd’hui au tour de Morbius de sortir sur nos écrans après deux ans de décalages covidiens.

« C’est pas de ma faute, c’est mon lifting qui a foiré… »

Jared Leto y incarne le docteur Michael Morbius, dont les recherches le mènent à croiser l’ADN de l’humain et de la chauve-souris afin d’espérer trouver un remède à la maladie du sang, dont lui et son meilleur ami Milo (Matt Smith) sont victimes. Évidemment, l’expérience tourne mal et Morbius devient un être hybride, mi-humain et mi-vampire, assoiffé de sang… Bonjour le dilemme habituel : notre méchant de comics va-t-il devenir un vrai méchant cinématographique ?! Quel suspense insoutenable !

Honnêtement, après avoir vu Venom : Let There Be Carnage, on se disait qu’on ne pouvait avoir pire. L’avantage, c’est que contrairement aux deux films portés par Tom Hardy, Daniel Espinosa ne s’enquiquine pas à nous pourrir l’expérience avec de l’humour bas du front. C’est en effet le réalisateur du curieux Life : Origine inconnue qui se retrouve aux manettes de ce Morbius : pendant longtemps, j’aurais vraiment aimé que Life soit un préquel caché de Venom. On s’attendait donc à quelque chose d’un minimum incarné. C’est effectivement le minimum syndical, comme dans cette scène à l’hôpital de Morbius, où une infirmière se sait poursuivie dans un couloir où les éclairages s’allument un à un. Une toute légère tentative tuée dans l’œuf par un jumpscare tout moisi et une suite incompréhensible, où plein d’enfants gambadent autour du cadavre de l’infirmière restée le long du mur pendant des heures sans que ça n’ait l’air d’inquiéter grand monde.

« Putain, je le savais que j’aurais pas dû me barrer de Fast & Furious moi… »

Pour le reste, c’est en fait strictement la même tambouille que pour les deux Venom : une photographie terne et sans aucune ambition, une volonté d’être sombre, parce que c’est un film de méchant, mais surtout un film de vampire t’sais, mais les combats ne donnent lieu à aucune effusion de sang, classement PG-13 oblige aux États-Unis. Les effets spéciaux sont hallucinants de laideur : les apparitions magiques des visages vampiriques prêtent davantage à rire et les effets de particules/brouillard propres aux pouvoirs d’écholocalisation de Morbius rendent l’ensemble assez illisible.

Mais le pire, très certainement, c’est la flemme absolue avec laquelle le film est écrit. Plus générique, plus prévisible, plus ennuyeux, tu meurs. On se demande bien qui va vouloir convoiter le pouvoir de Morbius (tenter d’instaurer une sorte de suspense à ce sujet est une vaste blague). C’est à l’image des Venom, où le héros, censé être un méchant de l’univers Spider-Man, est finalement confronté à plus méchant que lui : quelqu’un qui veut pleinement se laisser absorber par le coté maléfique de ses pouvoirs (le symbiote chez l’un, le vampirisme chez l’autre), ce qui fait que l’anti-héros devient héros.

Ce qui fait aussi qu’à force de vouloir à tout prix expliciter qui sont ces personnages de Spider-Man sans pour autant mentionner une seconde Spider-Man, on leur fait perdre toute consistance… et on se retrouve une fois encore avec une origin story totalement fadasse, à laquelle on se sent obligé d’ajouter des personnages inutiles pour faire croire que quelqu’un en a quelque chose à faire de ce qui se passe. Comme les deux flics, Stroud et Rodriguez, incarnés par Tyrese Gibson et Al Madrigal, qui ne sont là que pour expliquer ce qu’on a pourtant déjà vu et dire « oh bah tiens ça rappelle un peu Venom non lol ». Il y a aussi Jared Harris, directeur de l’hôpital dans lequel travaille Morbius, « papounet de cœur » exposé dans un flashback en Grèce introduit par une transition des plus ridicules, et Adria Arjona qui joue Martine Bancroft, collègue de Morbius… et seul et unique personnage féminin du film. On vous laisse bien entendu deviner quelle sera sa fonction.

S’il devait sortir en 2020, on sent bien que Spider-Man : No Way Home est passé par là, et qu’il a dû induire des changements de dernière minute par rapport à ce qui était initialement prévu dans le film. Rappelez-vous les quelques plans que vous avez pu voir dans les trailers, où l’on apercevait un Spidey collé sur un mur ou une apparition rapide de Michael Keaton. Aucun de ces plans n’est dans le produit final. À la place, on a deux scènes post-générique qui sont sûrement les plus mindfuckées de tout ce qu’on a pu voir, comme si Avi Arad et Sony Pictures faisaient un bon gros doigt d’honneur à tout le monde (et à Marvel Studios ?). Bref, de sinistres sires… Vous l’avez ?

Morbius, un « film » de Daniel Espinosa, avec Jared Leto, Matt Smith, Adria Arjona et Jared Harris. Sortie en salles le 30 mars 2022.

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