Revoilà donc Edouard Baer derrière la caméra. Depuis le temps, on commence à connaître le bonhomme. Son phrasé de funambule, sa poésie dissimulée, son goût pour la parole et l’improvisation, son image de fêtard nocturne aussi ironique que lyrique. Bref, Edouard Baer. Ses différentes tentatives de s’inscrire dans le paysage cinématographique en tant que réalisateur (c’est mine de rien, déjà son quatrième film), n’ont jamais été couronnées d’un succès radieux. Il retente sa chance avec Adieu Paris un film qui parle de…
De..
Euh…
Eh bien…
Alors commençons par les acteurs, ça m’aidera peut-être. Il y a Pierre Arditi, Bernard le Coq, Daniel Prévost, Jackie Berroyer, et Bernard Murat autour d’une table, dans un bistrot. Ils sont tous vieux et nous le rappelle régulièrement. Il y a François Damiens aussi. Benoît Poelvoorde lui essaye de manger avec eux mais n’y arrive pas. Et Gérard Depardieu chez lui hésite à y aller.
Nous ne sommes pas plus avancés me direz-vous. Certes non. C’est pourtant ce qu’a décidé de nous présenter Edouard Baer pendant 1h36. Dans cette réunion de vieux amis insupportables, il semble chercher à filmer les ravages du temps sur les êtres et les liens qui les unissent. On imagine un regard aussi admiratif que cruel du réalisateur pour ces personnages qui se croient malins mais qui semblent tous ridicules. Le problème étant qu’à force de vouloir filmer l’insignifiance, on prend le risque de l’être. Et il est assez difficile de savoir ce qu’on peut retirer d’un tel film.
Les personnages sont presque tous antipathiques. Sorte de caricatures des acteurs que l’on connaît (Arditi fait du Arditi, Prévost rit comme Prévost, etc.), ils n’ont jamais une consistance qui permettrait de faire naître l’empathie ou même une once d’intérêt. L’ambiguïté entre les acteurs et les personnages qu’ils jouent au lieu de créer de la profondeur semble dissoudre totalement les personnages écrasés par leurs interprètes. Les dialogues semblent volontairement être écrits pour faire croire à de l’improvisation. Ils en deviennent régulièrement inaudibles, les acteurs baragouinant leurs textes. Et quand on les comprend, on en vient à le regretter tant ce qui est dit est médiocre. Entre disputes sans intérêt sur des histoires d’argent, dragouille minable et combats de coqs pour savoir qui a la meilleure répartie, le repas nous entraîne dans un tourbillon d’ennui qui nous laisse pantois.
Pourquoi diable nous inviter, nous spectateur, à ce repas qui semble tant amuser les acteurs et le réalisateur ? On envie tellement Depardieu qui a eu la chance de ne pas avoir à subir les tentatives de mots d’esprit des convives grabataires. Quel est le projet d’Edouard Baer ? Que veut-il filmer, transmettre, interroger ? On ne le saura jamais. Une question semble en tout cas marquer sa filmographie. Il en a d’ailleurs fait le titre d’un de ses films : à quoi bon ?
Si vous n’avez jamais subi de repas interminables dans lesquels les pauses toilette sont des échappatoires réjouissantes et que vous vous êtes toujours demandé quel sentiment cela provoquait, Adieu Paris est fait pour vous. Sinon, fuyez très loin.
Adieu Paris, un film d’Edouard Baer avec plein de vieux acteurs, en salles le 26 janvier 2022