Cette année, je n’ai pas pu me rendre sur place pour couvrir le festival d’Annecy, à mon grand regret. Et si l’animation en général, les films et les évènements accessibles en ligne restent un bonheur salvateur dans une semaine de canicule à Paris, cela n’a rien à voir avec ce que l’on peut vivre sur place. Jusqu’à la pandémie, la semaine passée au bord du lac face aux montagnes est toujours pour moi un moment de baume au cœur, un pansement face aux tourments du quotidien. Du temps suspendu un peu magique, qui a autant à voir avec la programmation du festival, qu’aux rencontres folles que l’on peut y faire.
Pour cette raison, et alors que se termine l’édition 2021, j’ai décidé de vous faire un article un peu spécial. On n’y parlera pas de films, de WIP, de masterclass… Mais on y parlera vie. Des anecdotes en vrac, plus ou moins détaillées et plus ou moins folles, de mes années passées au « plus beau des festiveaux ».
Au festival d’Annecy, tu peux…
1. Croiser Guillermo Del Toro à chaque coin de rue. S’il est invité, tu peux parier tout ce que tu veux qu’il sera chaque soir dans un bar à étouffer des étudiants en animation de son rire si imposant, tous aussi admiratifs et admiratives de lui que lui les admire en retou
2. Découvrir des secrets d’animation par erreur, au bord du lac. Je n’en dirai pas trop pour ne pas mettre les gens dans la merde, mais une année on est tombé sur deux animateurs qui, bien éméchés, nous ont révélé l’existence d’un énorme projet qui allait arriver ; il ne sera révélé qu’un an plus tard, car il était à l’époque encore protégé par des clauses de confidentialité. Evidemment mon collègue et moi-même avons gardé ses infos pour nous, on ne déconne pas avec le journalisme.
3. Te faire enfermer sur le toit d’une villa. Surtout si la villa abrite la fête anniversaire d’Eurozoom. Et qu’il commence à pleuvoir. Et que tu as une séance d’un film de prévue dans cinq minutes.
4. Rencontrer quelqu’un dont le taff est de se moquer de Manuel Valls. A la même fête Eurozoom, j’ai rencontré un type qui bossait pour la fameuse émission qui a parodié « Moi Lolita » qui a beaucoup tourné sur Internet récemment. Détester Manuel Valls, c’est un vrai facteur d’unification des peuple.
5. Ruiner la soirée du co-réalisateur de Coco. C’était à la fête Disney du vendredi soir, après leur grosse présentation du matin. Adrian Molina était tout heureux d’avoir présenté les premières images du film à un public très réceptif… C’était sans compter sur moi, ultra torché, qui lui tombe dessus en pleine nuit. Et qui lui tient la grappe pendant cinq minutes en lui expliquant ce qui, selon moi, allait être la suite du scénario du film. Je l’ai aussi bien fait chier en me plaignant que le héros ne soit pas gaucher… Je regrette beaucoup ma chiantitude surdimensionnelle de ce soir-là, mais il m’a probablement (j’espère) oublié depuis.
6. Voir son collègue, toujours sobre (pas littéralement, on buvait beaucoup) et jamais starstruck habituellement, devenir complètement extatique quand on a pu rencontrer deux de ses idoles : Masaaki Yuasa et Genndy Tartakosky. Le premier, c’était alors que nous mangions un sandwich en deux-deux vers 14h, en retard sur notre programme : il est passé devant nous et mon collègue m’a supplié de lui demander une photo. Le second, nous l’avions vu à une fête Sony dans un château et c’est un moment très mignon gravé dans ma mémoire.
7. Rencontrer Dean Deblois et toute l’équipe de la trilogie Dragons, et leur montrer ta ressemblance physique frappante avec Hiccup. La productrice m’a ensuite proposé de m’engager pour jouer le personnage dans les parcs d’attraction, et Deblois a ajouté qu’il faudra me couper une jambe pour ça.
8. Croiser Guillaume Meurice. C’est peut-être le truc le plus facile à faire lors du festival, il suffit d’entrer dans un bar après 22h.
9. Cacher une bouteille d’alcool dans des fleurs pour la récupérer après une soirée privée, puis indiquer où elle est à des potes pour qu’ils en profitent à notre place, et qu’ils galèrent ensuite pendant trente minutes à fouiller des fleurs à deux heures du matin pour finir la nuit en beauté.
10. Rencontrer Yoichi Kotabe et l’entendre dire un truc que personne d’autre que lui ne peut se permettre de dire : « je trouve que mon ami Miyazaki était meilleur animateur que réalisateur ». Ok papy, on n’est pas d’accord mais toi t’as le droit !
11. Danser toute la nuit avec des étudiants en animation à Angoulême, discuter avec de leur travail alors qu’il est bien trop tard, échanger vos cartes de visite, en contacter une pour développer un projet, commencer à travailler ensemble avec un producteur (trop peu impliqué…) et créer quelque chose de magnifique qui ne verra sûrement jamais le jour. Mais on ne désespère pas de pouvoir s’en sortir un jour, et depuis Clara Harlé (car c’est son nom) a réalisé la magnifique affiche de ma pièce de théâtre, et ça c’est beau.
12. Se poser avec les ami.e.s de la blogosphère cinéma au Ouistiti à Roulettes et boire de la bière de qualité en repensant aux excellents films découverts, et aux navets pour ne pas discriminer.
13. Insister pour être invité à la soirée Netflix Klaus dans une patinoire, pour se retrouver seul sans y connaître personne, manger de la raclette en juin en filant sur la glace et repartir avec une boule à neige à son effigie et rejoindre tous ses potes à la séance évènement de Promare. Durant laquelle mon collègue s’est endormi alors que le public matait le film comme si c’était le match de boxe le plus attendu de l’année.
14. Penser à la vie en observant les montagnes depuis le lac. Se dire que si ce lieu existe, on peut encore tenir un peu dans ce monde de merde.
15. Sympathiser avec l’incroyable équipe de la salle de presse, toujours là pour rigoler autour d’un café à tout moment de la journée.
16. Oublier ce que signifie le mot dormir.
17. Se faire engueuler par sa coloc car on lui vole la couverture la nuit.
18. Inviter quelqu’un à la cérémonie de clôture car elle n’avait pas de place, apprendre à la connaître et comprendre rapidement que l’amitié qui se crée a le naturel des passions sincères, passer toute la nuit à faire la fête et à danser et rigoler avant de quitter le festival et de retrouver une vie tristement normale.
19. Voir son voisin d’enfance, qui est depuis devenu producteur dans l’animation, et rigoler du fait qu’on se voit tous les ans à Annecy alors qu’on a grandi dans un village d’environ douze péquenauds et vingt-cinq vaches.
20. Oublier une dépression, temporairement.
Quand je serai vieux (plus que maintenant) et fatigué (plus que maintenant me semble impossible), et que je repenserai à mes passages au festival d’Annecy, je pense que je me souviendrai plus facilement des bières, des avions en papier lancés sur les écrans, des rencontres et des folies nocturnes que du reste. Et c’est pour ça que j’ai hâte d’y retourner pour de vrai… Alors à l’année prochaine.