Écoliers, la jolie photo d’une classe de Caen par Bruno Romy

Il y a, dans le cinéma de Bruno Romy, quelque chose d’infiniment réconfortant. Un peu comme un biscuit cuillère trempé dans un grand verre de lait, à 16h30 au retour d’une journée bien remplie à l’école. Quelque chose d’enfantin, de léger, de sans prétention et — de fait ? — de super bon.

Une pâte très artisanale, aussi, depuis ses fictions avec Fiona Gordon et Dominique Abel (voyez-les), qu’il a su réinjecter avec brio dans un volet documentaire réouvert en 2016, avec le magnifique Quand j’avais six ans j’ai tué un dragon (voyez-le), où il racontait le combat de Mika, sa fille, contre la leucémie.

Dans son nouveau film, Écoliers, un documentaire tourné dans la classe de Mika — que l’on est super heureux de retrouver —, au sein d’une école primaire à Caen, il filme des écoliers qui le fascinent, mais que lui et sa caméra ne semblent en revanche absolument pas impressionner. Avec sa caméra, Romy veut capter l’intimité d’une classe très vivace, gérée de main de maître par ce professeur que l’on aurait tous rêvé d’avoir, toujours dans un coin du cadre, jamais au premier plan, tant cinématographiquement que professionnellement. Un oeil partout, mais c’est tout.

Comme un air de Goscinny

Son film se décompose en plusieurs actes, partant du groupe pour aller vers l’élève. Comme une photo de classe, où du cliché de la classe toute entière on arrive aux photos d’identité. Mais ici, tout ce que l’on déteste de ces photos que l’on retrouve un beau jour à 34 ans au fond un grenier, où chacun est comme figé, bras ballants, regard idiot, comme par hasard placé à côté du relou de la classe, mais aussi c’est parce que je faisais 1,55 mètre et que du coup je devais me mettre dans la rangée derrière, avec lui, alors qu’en plus juste avant je me souviens il m’avait piqué mon stylo quatre couleurs mais il avait jamais avoué, c’était parole contre parole et ma parole n’avait pas assez pesé face à ce salaud, qui je suis sûr depuis est devenu voleur professionnel de stylos quatre couleurs.

Je m’égare.

Je disais, ces photos sur lesquelles on affiche un sourire maladroit adressé de force à un photographe qui a probablement tenté une blague un peu nulle, sont ici remplacées par des images qui bougent (La Magie Du Cinéma), et des gamins qui se fichent bien du filmeur. La classe de Bruno Romy, c’est un peu celle de Sempé et Goscinny dans Le Petit Nicolas, avec des personnalités déjà bien affirmées qui prêtent parfois à rire, et souvent à sourire.

Voici ici ces écoliers mordillant leurs stylos, là chuchotant pour ne pas se faire griller pas le prof, ou là encore se prenant la tête sur des problèmes de math à la noix à base de 7 x 9 = combien déjà ? 56 ? Romy filme les bêtises, les copains, l’apprentissage, l’aide : il film l’école, la vraie, en inside façon Bernard de la Villardière en mieux, celle-ci même que montrait Nicolas Philibert dans Être et avoir il y a quelques années. Et si Romy livre un film moins tenu et moins construit que celui qui nous faisait à l’époque découvrir l’incroyable Jojo (et sa photocopieuse, coeur sur toi, je suis sûr que tu es devenu un mec en or, pas comme l’autre voleur de stylo, là), Écoliers se montre toutefois sur un point plus généreux : aucun élève n’y est mis de côté, tous auront leur moment ; on (re)connaîtra à la fin de la séance une bonne partie de cette chouette classe dans un épilogue en forme de cri génial dont on ne vous dévoilera rien ici.

La force du film réside certainement dans sa capacité à rendre l’ordinaire de cette petite société qu’est la salle de classe, révélateur de la construction hétérogène de ses personnages. Ces identités « en train de se faire » collaborent, se contredisent, se disputent… Et en prenant très au sérieux ces vies d’écoliers, Bruno Romy montre bien à quel point l’école est un lieu de socialisation où tout ou presque se joue déjà.

Une succession d’événements

Seul regret au sortir du film, celui de ne pas vraiment retrouver dans ce cadre enfantin la créativité formelle dont le réalisateur nous a habitués dans ses fictions ou même son précédent documentaire (épilogue mis à part)… Si le dispositif du plan séquence donne une véritable importance et une belle intensité à la classe qui devient une succession d’événements, il lisse également un peu le récit. On aurait de fait aimé que les enfants s’approprient davantage la présence caméra, au lieu de (brillamment) faire mine de l’oublier.

Il n’empêche, Écoliers est une belle cure de jouvence, donne des envies de cartables, de problème de maths et de stylos quatre couleurs !

À voir dès maintenant sur La 25e heure

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