Séries Mania 2019, jour 1 : Red Line et Red Carpet

Pour la saison 2 de son spin-off lillois, Séries Mania entendait surfer sur les encourageantes promesses constatées pour sa saison de « rookie ». Plus sûr de son potentiel d’attractivité, le roster de cette édition montre davantage les muscles, brassant autant Netflix (la plateforme y est particulièrement représentée avec The OA, Chambers, la nouvelle petite frenchie Osmosis…) que France TV, Amazon, Channel 4 mais aussi un panorama international renforcé nous emmenant de la Norvège (Exit) à la Russie (Identification), de la Croatie (Success) à l’Argentine (Monzon). Avec tout de même une ligne directrice de la part des équipes du festival : féminiser aussi bien le jury que les productions présentées, quitte à parfois s’en excuser au moment d’y mettre les formes (assumez donc, didiou!).

C’était en tout cas l’esprit qui régnait sur une cérémonie d’ouverture qui, on ne va pas se le cacher, était un chouïa bordélique. Entre un red carpet autour duquel s’amassaient sans trop comprendre les invités cherchant désespérément la file par laquelle passer avec son carton d’invitation et une maîtresse de cérémonie en la personne de Frédérique Bel dont on se demande encore quel était le degré de préparation (nous proposant une prestation à demi inspirée de La Minute Blonde mais pas trop sans que le public s’y retrouve vraiment), la machine manquait encore d’huile dans ses engrenages. Reste qu’au fil de la cérémonie, l’effet star-système se fait sentir : Julianna Margulies multiplie les selfies sur le tapis rouge (rassurée de ne pas y croiser Archie Panjabi sans doute), Xavier Bertrand s’installe soigneusement entre Anna Paquin et Audrey Fleurot (on a beau être de gauche on aurait fait pareil), et Freddie Highmore fait exploser l’applaudimètre confirmant que c’est très certainement lui la plus grande star de ce Séries Mania 2019. Ca ne nous incitera pas à reprendre The Good Doctor là où on l’avait laissé mais au moins on en est sûrs maintenant.

Preuve de cette ambition réaffirmée, cette saison 2 s’est ouvert sur un double épisode pilote, celui de The Red Line, nouveauté du line-up printanier de CBS. Ça n’a l’air de rien comme ça mais ça n’est jamais anodin d’être capable de présenter plus d’un mois avant sa diffusion américaine (prévue le 28 avril) un pilote de network US, qui plus est porté par deux noms particulièrement en vogue actuellement. The Red Line est en effet la production conjointe d’Ava DuVernay et de celui qui devrait probablement très bientôt être la tête pensante de 50% de la production télé US, Greg Berlanti. Peut-être un peu lassé de foutre des modèles de Teen Vogue à moitié torse poil (Riverdale, You) ou en spandex moulant (tout le DC Universe de la CW), le showrunner s’essaie une nouvelle fois à ce qui a pourtant le moins marché pour lui ces dernières années : la série où personne n’est à moitié torse poil ou en spandex moulant. Ne vous inquiétez pas, il a toujours quand même encore en stock Doom Patrol, Batwoman et autres super-héros variés qui devraient pas tarder à arriver…

The Red Line joue la carte du drama social et politique : un soir comme un autre, un médecin noir bien sous tout rapport, Harrison Brennan, est abattu dans une supérette par un policier blanc, Paul Evans (Noël Fisher, connu des fans de Shameless). Une bavure policière comme on en voit que trop souvent au pays d’Eric Garner, Tamir Rice ou Stephon Clark. L’intrigue de la série prend place six mois plus tard, suivant les destins de trois foyers concernés par le drame : celui de l’époux veuf d’Harrison, Daniel Calder (Noah Wyle) et de leur fille Jira (Aliyah Royale) ; celui de Tia Young (Emayatzy Corinealdi), candidate à la mairie du district de Chicago où a eu la fusillade ; et celui de Paul Evans et ses coéquipiers policiers.

Autant le dire tout de suite, ce choix constitue le principal grief que l’on reprochera à The Red Line. Résolument inspiré des fictions contemporaines à la American Crime, l’anthologie de John Ridley, la série nous conduit à suivre une série de personnages dont les emboîtements existentiels tiennent plus de la grosse ficelle narrative qu’autre chose. L’ambition de la série de nous plonger également aux côtés du policier meurtrier n’enchante guère non plus : a-t-on véritablement de savoir que c’est difficile aussi pour lui de vivre, d’avoir droit à ses remords au sein d’une hiérarchie qui a tout fait pour le protéger ? De niveler les points de vue au point que toutes les larmes se valent? Plus généralement, The Red Line souffre d’un évident manque de subtilité dans les événements qu’elle aborde, enchaînant les twists assez prévisibles et les situations déjà vues ailleurs. L’ensemble donne l’impression d’un true crime show passé à l’essoreuse du prime time grand public, surlignant ses effets à l’excès.

Tout n’est pas à jeter dans ce qu’on a pu voir : Noah Wyle exsude toujours cette sympathie naturelle, tout « carterienne », qui est sa marque de fabrique. Tout s’enchaîne de manière fluide, et quand la série aborde la question du deuil, elle le fait de manière plutôt touchante, même si la précipitation avec laquelle elle mène son train sur cette question (on en découvre BEAUCOUP sur les deux seuls épisodes diffusés, sur les huit au total). Mais l’ensemble au final peine à convaincre et donne l’impression d’exécuter, avec moins de finesse et de maîtrise, ce que d’autres ont fait avant et mieux. Alors que l’an dernier, Séries Mania s’ouvrait en fanfare avec le pilote de Succession, l’une des toutes meilleures séries de 2018, on sera au moins sûrs d’une chose : The Red Line, en dépit de toutes ses bonnes intentions, ne sera probablement au rendez-vous du top de cette année.

The Red Line, avec Noah Wyle, Noael Fisher, Aliyah Royale, Emayatzy Corinealdi, diffusion à partir du 28 avril sur CBS (diffusion française encore non annoncée)

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