[Étrange] May The Devil Take You : Le diable au corps

Timo Tjahjanto est un des chouchous de l’Étrange Festival depuis les débuts de sa carrière. Présenté depuis maintenant dix ans comme l’une des étoiles montantes du cinéma d’horreur, le réalisateur indonésien revient sur les terres ensevelies du Forum des Images pour une nouvelle création pleine de souffrance et de gore. May The Devil Take You s’ouvre sur le pacte d’un vieux mec naze avec une disciple du diable. Son but à lui ? Avoir tout plein d’argent. Son but à elle ? Répandre le chaos et la destruction. Pour le grand plaisir du spectateur en manque de sensations fortes, c’est cette dernière qui aura le dernier mot. Lorsque le vieux mec naze finit par succomber aux attaques surnaturelles qui l’empêchent de vivre sa meilleure vie, ce sont ses enfants qui héritent non pas de l’argent mais de la malédiction démoniaque. Merci papa !

Le sentiment créé par cette injustice est probablement la réussite majeure du film de Tjahjanto. L’héroïne du film, fille aînée du père à l’argent maudit, ne mérite pas de souffrir. Son demi-frère et ses deux demi-soeurs n’ont rien fait de mal non plus. Ce sont les adultes qui sont porteurs du pêché (en l’occurrence la cupidité) et les enfants qui en paient le prix. Ainsi la seconde femme du papa maudit se retrouve possédée par le démon et tente de buter ses propres gosses… Et vous pensiez que vous aviez des problèmes avec vos parents ? Mine de rien, foutre sur la tronche des gamins les erreurs de leurs parents, ça marche très très bien dans le film d’horreur. Je peux vous assurer que si Émile Zola avait fait carrière à notre époque, il n’aurait pas écrit de romans, il aurait fait des films bien gore ; on aurait appelé ça la saga des Rougon-Macabre (j’aime trop cette blague, si jamais mon futur croquemort lit cet article, je veux qu’elle soit inscrite sur ma tombe dans mon best of humour de petit intellectuel de merde).

Vous, face à mon humour.

En cela on pense beaucoup à la filmographie horrifique de Sam Raimi, qui jadis parsemait ses oeuvres de violences et souffrances non méritées. Evil Dead, Drag Me To Hell, on est en plein dedans. D’ailleurs la majorité de May The Devil Take You se déroule dans une vieille maison abandonnée dans la forêt ; la parenté est évidente. Les horreurs qui s’y manifestent sont également témoignage d’une volonté de brasser dans l’imaginaire collectif et dans le cinéma multiculturel : on emprunte à la culture judéo-chrétienne pour le diable, au Japon pour les petites filles flippantes aux longs cheveux, et on mélange ça avec un body horror très prisé en Indonésie… Le résultat, ce sont des scènes horrifiques franchement bien pensées. Dans sa mise en scène et son cadrage, Tjahjanto semble être obsédé par le jeu sur les champs, comme si la séparation entre d’un côté les personnages terrorisés et de l’autre l’horreur qui les envahit permettait d’illustrer la rencontre des mondes : le surnaturel, et le naturel.

Malheureusement, les séquences d’horreur et les thématiques ne suffisent pas à faire un film. May The Devil Take You est parsemé de scènes bancales, de dialogues écrit avec les pieds d’un type qui ne sait pas écrire avec les pieds, et d’absurdités narratives. Oui, le film tombe dans la catégorie des films d’horreur où les personnages ne font que prendre des mauvaises décisions. Mais ici, elles ne s’expliquent même pas ! Nous devrions avoir beaucoup d’empathie pour ces p’tits jeunes dans cette maison abandonnée, parce qu’ils n’ont rien fait de mal ! Seulement leurs déplacements semblent trop souvent motivés par la nécessité d’aller vers une scène horrifique imaginée, plutôt que de découler de décisions narrativement et psychologiquement logiques. Ce qui m’attriste le plus, c’est que ce problème est affreusement commun dans le cinéma d’horreur ; où sont vos scénaristes ? Où sont vos auteurs ? Nous sommes légion à être capable de pondre un truc qui ait un minimum de sens. Vous ne voudriez pas qu’on vous aide un peu ? Ce cinéma-là gagnerait tellement à parfaire ses scripts pour sublimer ses idées souvent géniales de mise en scène…

May The Devil Take You, de Timo Tjahjanto. 2018

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