Annecy 2018 Jour 2 : le MIFA c’est la FA-MILLE

Nous sommes mardi et le soleil brille sur les jolies rues pavées de la vieille Annecy ; les orages se réservent pour plus tard. L’effervescence du festival commence réellement aujourd’hui, puisque c’est aussi l’ouverture du MIFA, le marché au film du festival. Cela grouille donc de producteurs, animateurs et distributeur du monde entier tandis que nous nous dirigeons vers Bonlieu pour assister à nos séances du jour : au programme, de la VR, des films en compétition, et des événements spéciaux comme la conférence de Starburns Industries (Anomalisa, Rick and Morty, Community…) et la projection anniversaire du Prince d’Égypte.

Projections VR@Annecy :

La salle où sont projetées les œuvres en réalité virtuelle est comme un petit secret ; pas grand monde ne sait où elle se trouve. Derrière la consigne, un petit escalier vous emmène vers cette grande pièce sombre où vous seront présentées des créations plus ou moins originales et plaisantes selon les jours.

Cette année, les équipes de Google Spotlight sont présentes pour présenter quatre petits films. Le premier est un petit court accompagnant le long métrage Isle of Dogs, de Wes Anderson : les chiens du film se présentent comme des acteurs jouant leurs personnages, dans des décors. Si l’on bouge la tête, on remarque que tout autour de ce semblant de diégèse, des animateurs et techniciens s’affairent : nous sommes dans un studio. Petit jeu sur le méta tout en respectant l’esthétique de Wes Anderson, on apprécie. Le second est un très bref extrait pour un projet à venir, Sail The Sea : un vieil homme sur un petit bateau récupère une jeune femme tombée d’un paquebot. L’esthétique suffit à séduire, mais c’est trop court pour vraiment juger.

Cinematraque Annecy 2018 BTTM

Les deux derniers sont plus intéressants : Piggy est une simple histoire d’un petit cochon qui veut faire du sport et résister à l’appel d’un superbe gâteau au chocolat. Le film joue avec le spectateur puisque Piggy nous tourne autour et cherche à fuir notre regard. Quant à Back To The Moon, il s’agit d’un hommage pétillant à George Méliès (vu le titre, personne n’est surpris) au sein d’un monde de jouets qui s’animent. Très plaisant et plutôt malin.

Long métrage en compétition : Wall

Le film, adapté de la pièce de David Hare, scénariste de renom (The Hours, The Reader) et spécialiste du Moyen-Orient, s’appelle bien Wall, et pas The Wall. Mon prof de linguistique à l’ENS m’aurait fait écrire huit pages sur la valeur de l’article zéro dans ce cas précis, avant de me mettre la note de 8/20 et me rappeler que je ne pige rien à sa philologie linguistique héritée de Pierre Cotte.

Mais la langue et les termes sont bel et bien au cœur du sujet : Wall parle de la Palestine, et du mur qu’a construit Israël autour de la Cisjordanie. Ce film mélange des passages narrés avec des longues explications documentaires, le tout dans une esthétique 3D… Super moche. Faut être honnête, ça ressemble à un moteur de jeu de GameCube. Sauf que c’est un film. En 2018.

Le propos est important certes, mais la manière de le raconter plus douteuse. Si le film s’épanouit dans les séquences qui parlent spécifiquement du mur, on a tendance à perdre le fil assez souvent ; les différentes séquences s’emboîtent difficilement. Mélanger les genres, c’est bien ! Mais sans un certain équilibre, c’est davantage contre-productif qu’autre chose. Même David Hare, à la voix dans le film, campe une position étrange en tant que Britannique venant critiquer avec virulence une situation largement causée par l’ingérence et la désinvolture de son pays.

Long métrage en compétition : Funan

Ne vous y méprenez pas, malgré les trois lettres « fun » dans le titre, vous n’allez pas vous marrer devant le long métrage de Denis Do : c’est l’histoire de Chou, mère cambodgienne qui veut retrouver son fils lors de la révolution des Khmers rouges. Embarquez pour une heure et vingt quatre minutes de souffrance dans une superbe animation 2D, avec les belles voix de Bérénice Béjo et Louis Garrel et une superbe musique originale de Thibault Kientz Agyeman !

Denis Do raconte une histoire qu’il tient de sa mère ; elle lui tient donc énormément à cœur. On ressent une intention d’authenticité, de raconter l’horreur sans la nier. Malheureusement, il en met probablement trop dans son film ; c’est tellement chargé qu’au bout d’un moment, c’est même trop. Il y a beaucoup de personnages, ce qui porte parfois à confusion quant à savoir qui est qui. C’est compréhensible, d’avoir voulu tout mettre, surtout dans un premier film ; mais ça finit par desservir le propos.

En revanche, ce qui fonctionne le mieux dans Funan, c’est le portrait de l’hypocrisie de ce régime faussement communiste : l’État autoritaire n’a jamais le moindre intérêt pour ses citoyens. Les Khmers rouges ne sont pas l’incarnation d’un système, mais son détournement individualiste : chacun incarne une domination qui pousse non pas à la mise en commun, mais à la division. Le plus déchirant, dans Funan, c’est de voir les prisonniers, les femmes autour de Chou, s’en prendre les uns aux autres. De voir que le lavage de cerveau fonctionne. Politiquement, ça reste fort de café.

Starburns Industries : wooba looba dub dub

On ne va pas se mentir : on attendait beaucoup de cette présentation. Le fameux « Starburns » (Dino Stamatopoulos) de Community, fondateur de cette boîte d’animation, devait venir nous parler de leurs créations et nous montrer des exclus.

Ils sont effectivement venus parler, globalement pour blaguer sur le fait que tous leurs projets ont fini par être annulés ; leurs seuls succès étant donc Rick and Morty, et Anomalisa. Rien de plus intéressant ne sera discuté lors de cette présentation. Quant aux épisodes et sketchs montrés, tous tirés de séries annulées et pilotes sans suite, ils sont franchement décevants. L’humour absurde, crade voire violent et blasphématoire, c’est pas assez aujourd’hui. Plus qu’autre chose, cette présentation a montré à quel point Dan Harmon a un talent inimitable : celui de traiter de sujets extrêmement tristes en nous faisant rire. Son œuvre transpire la dépression, et surtout parvient à nous communiquer des émotions. Dans les autres œuvres de Starburns Industries, auxquelles il n’a pas participé, on ne ressent rien de cela. Juste des blagues salaces, parfois sexistes, parfois transphobes. Comme quoi, parfois les exécutifs ne sont pas forcément si cons à refuser des projets.

Projection anniversaire : Le Prince d’Egypte

Une séance « événement » qui s’est déroulé dans la plus grande discrétion dans une petite salle du Gaumont Pathe pleine d’une centaine de spectateurs qui venaient très certainement voir le film pour la énième fois. Pour honorer les 20 ans de la sortie ce décembre, plusieurs membres de l’équipe étaient présent dans la salle. Trois d’entre eux sont venus sur le devant de la scène dont William Salazar, réalisateur du très bon court-métrage Bird Karma dont on vous parlait hier, pour évoquer la fabrication du film. Ils n’étaient alors que de jeunes Français qui venaient faire leurs armes aux États-Unis chez Dreamworks, studio naissant qui comptait bien prendre une place importante dans le paysage audiovisuel mondiale, auprès des plus de 13 ans, évitant de marcher directement sur les plates bandes de Disney. Leur première production Fourmiz avait été un relatif succès pour un premier long-métrage en CG. Nous avons eu la chance de découvrir en exclusivité un making of de 5 min sorti des archives du studio ou l’on voit les travaux de recherches et de production, des décors témoins inspires des grands espaces, a l’étude des corps avec des experts afin de rendre au mieux, et toute la synergie présente alors d’une équipe motive a réaliser un grand film.

Parce que le studio a vu grand: grands décors, grande composition de Hans Zimmer et Stephen Schwartz, pour une fresque pharaonique. Vingt ans plus tard, le souffle est toujours court au moment de la dernière note du morceau d’introduction Deliver Us. Pas une minute de répits puisque le film enchaine sur une course de chars épique entre Ramses et son frère adoptif Moise, posant les enjeux dantesques du film. Car si le film a pu se faire reprocher son cote bible illustre, Le Prince d’Égypte reste un film aux enjeux dramatiques forts. Une fresque épique sur l’amour, la fraternité, la liberté, très bien mis en scène. Le film s’offre quelques cadres magnifiquement composées : Ramses déposant son enfant mort sur un autel, le pharaon père sermonnant ses enfants sur un plan de coupe laissant apparaitre en arrière plan l’Égypte qui leur revient. Pour ne rien retirer le rendu du mélange de 2D et de 3D traverse très bien les annexes.

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