La Fille Inconnue, de Jean-Pierre et Luc Dardenne

Jenny est une doctoresse des plus dévouées. Du genre à rassurer au téléphone ses patients inquiets sur leur santé jour et nuit, à refuser une belle place de cheffe dans un grand établissement pour rester au service de ses patients. Un soir, une heure après l’horaire de fermeture de son cabinet, elle se force à ne pas répondre à sa sonnerie tandis qu’elle est en train d’enfin daigner ranger ses affaires, « sinon ça te bouffe la vie ». Le lendemain matin, la police la contacte : la personne étant restée bloquée à sa porte a été retrouvée morte dans des circonstances étranges.

Nouveau film des Dardenne, nouvelle sélection cannoise. Si le procédé s’apparente presque à du systématisme, force est de constater qu’il y a toujours dans le cinéma des deux frangins une maîtrise narrative et une direction d’acteurs d’un niveau assez incroyable. La Fille Inconnue ne déroge pas à la règle et se place à nouveau – c’est relou mais c’est comme ça – comme un légitime prétendant à divers prix.

Ce qui passionne surtout dans La Fille Inconnue à l’instar de ce qui passionna dans la majorité des films de la fratrie, c’est son actrice. Adèle Haenel, sérieuse candidate au prix d’interprétation féminine, s’accommode parfaitement avec le cinéma naturaliste des réalisateurs déjà palmés à deux reprises. A son rôle de doctoresse incapable de lâcher prise elle donne une dimension super-héroïque. Coeur affecté mais visage impavide et bienveillance de tous les instants envers ses patients, elle semble absorber le mal et la peur et les fourrer dans son immense carapace invisible. Jamais ne la verra-t-on craquer ni même se décourager.

Le film prend la forme de son rôle, calme et réfléchi en apparence, grave en substance, parce qu’impuissant, aussi, à donner des réponses aux questionnements insolubles qu’il pose : où s’arrête le secret médical ? Est-on toujours médecin après fermeture de son cabinet ? 56 euros la consultation à domicile, n’est-ce pas un peu du foutage de gueule ?

Pas de réponse, donc, mais la peinture d’une héroïne purement dardennienne, entêtée et courageuse, se battant jusqu’à trouver les réponses à ses questions. Avançant dans sa quête à la manière d’un Docteur House (tiens, ton coeur bat plus vite depuis que je t’ai montré la photo de cette fille, donc tu la connais), elle dépasse l’enquête des flics, elle qui ne cherche pourtant que le nom de cette mystérieuse inconnue dont elle souhaite prévenir la famille. Dans cette absurde dimension policière, le film flirte de temps à autres avec la facilité scénaristique : les informations semblent se diffuser assez facilement, la progression de la quête se faire de façon un peu trop régulière au regard du souci permanent des Dardenne de paraître réalistes.

Mais ce qui rend le film assez exceptionnel, c’est sa fin en forme de résolution d’équation. Un final absolument mensonger puisque omettant la cause même de l’équation. Et nous laissant finalement à bien y repenser avec les questionnements initiaux, intacts. Désormais, Jenny répondra à toutes les sonnettes. Et oubliera de vivre. Comme Batman.


Gaël Sophie Dzibz Julien Margaux David Jérémy Mehdi
[usr 4]

Le tableau des étoiles complet de la sélection à ce lien


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Un film de Jean-Pierre et Luc Dardenne, avec Adèle Haenel et Jérémie Renier.
Pas de date de sortie pour le moment.

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