Fils de… cinéaste

HPG a maintenant 47 ans. Il est marié, a deux enfants et continue à réaliser des pornos. Mais le temps a passé, son couple s’étiole, HPG bande moins dur et n’a même plus envie de draguer avec ses porn-stars préférées.

Contrairement à Il n’y a pas de rapport sexuel, documentaire réalisé par le plasticien Raphaël Siboni à partir des centaines d’heures de rushes tournées en plan fixe pendant les tournages X de HPG, celui-ci est ici scénariste et réalisateur de son film. La caméra est moins fixe, s’attarde moins sur les à-côtés professionnels du porno (anonymat, vie quotidienne, artificialité des rapports) que sur les affres émotionnels de son réalisateur. En pleine crise de la parentalité, Hervé se met en scène dans sa vie quotidienne, chez lui comme au travail.

HPG ouvre son film sur une décision de diva égoïste et outrageusement gonflée. Il annonce à son équipe technique que le film qu’il s’apprête à réaliser sur sa vie de hardeur-papa ne se fera plus, parce qu’il ne correspond plus à ses attentes. Le réalisateur passe du statut d’artisan du taylorisme de la production porno à celui d’artiste torturé en proie au doute intellectuel.

Le film qu’il compte réaliser à la place du premier, c’est celui qui nous est montré, s’apparentant à un documentaire plus ou moins fictionnalisé, autoportrait d’un homme qui se considère comme un fils de pute, et qui ne veut pas que ses enfants soient pris, à leur tour, pour des fils de putes. Au lieu de se noyer dans l’insouciance de la drogue et des conquêtes faciles, HPG est submergé par ses responsabilités de père et de mari aimant, qui collent si mal à l’image qu’il veut se donner.

Car c’est d’image de soi dont il est question. HPG transpire souvent l’orgueil mal placé et provocateur de celui qui s’assume tel qu’il est, ou tel qu’il croit être. Mais sa posture de « gros con » et fier de l’être n’interdit pas la conscience du ridicule ni l’intelligence de la remise en question. Sa femme n’hésite pas à trahir hors champ la véritable personnalité – hors cadre – de l’homme dont elle est amoureuse : « Je sais pas ce que t’essayes de faire mais ça marche pas. C’est pas toi, là, c’est pas l’homme que je connais », lui glisse-t-elle lors d’une séquence filmée dans leur appartement.

Habitué à improviser des situations sur le motif pendant ses tournages porno, HPG semble ici aussi amené à mettre en scène de petits autoportraits spontanés. Malheureusement, si ce type d’inspiration peut fonctionner dans le X, elle s’avère ici moins probante. Ainsi, cette scène quelque peu embarrassante tournée dans le studio du chanteur Christophe, où HPG filme sa propre pantomime de papa-poule affectueux et comblé sur les improvisations du musicien. Si les accords de Christophe sont harmonieux, l’image détonne plus qu’elle n’émeut. L’artificialité de la mise en scène finit par générer un sentiment de ridicule, tant il est criant qu’Hervé se regarde avoir une idée qui lui semble bonne, et la mettre en image.

Au détour d’un dialogue prononcé pour lui-même, ou d’une saisie de ses méandres intérieurs, ces brefs instants de vérité et de doute constituent la principale richesse du film. Soudainement, c’est la personnalité d’un corps sensible et bouleversant qui affleure. Un homme comme les autres, qui doute et regarde sa vie lui filer entre les doigts. HPG met en scène sa propre dépossession : il ne se reconnaît plus, se déçoit et se demande jusqu’où il peut encore pousser l’humiliation.

Le film donne à voir le rapport qu’entretiennent les acteurs porno avec leurs enfants. Avec une lucidité touchante, Nina Roberts raconte la manière dont elle parle à son fils de douze ans de son métier, après l’avoir surpris devant un porno. Une autre déclare avec une douleur sèche qu’elle regrette d’avoir fait trois enfants qui ne sont même pas capables de l’appeler pour prendre de ses nouvelles. Son témoignage, de quelques minutes à peine, est saisissant de tristesse.

Mais l’intensité du drame n’est pas suffisamment récurrente pour faire tomber le film dans le mélo. Si HPG est un homme, il est d’abord un personnage comique, un corps d’acteur qu’il utilise pour sa capacité à générer des situations burlesques. Outre la fabrication des tournages, déjà propice à susciter le rire – comme dans Il n’y a pas de rapport sexuel – c’est HPG lui-même qui déploie son propre sens de l’humour. Se considérant pitoyable parce qu’il ne bande pas suffisamment, il se verse sur le crâne la fausse mixture d’éjaculation qu’il réservait au visage de son actrice. Lors d’un second tournage, il demande à son assistant de mimer le chant d’une chouette avant de l’éjecter brutalement d’un « oh mais elle nous emmerde cette mouette, allez ta gueule », pour mieux s’occuper de sa double pénétration. Cet humour resurgit aussi dans la candeur enfantine de ses deux bébés, qu’il filme avec tendresse, quand il ne les fait pas lourdement tomber contre le parquet.

Dans son alternance des registres, cet autoportrait multi facettes démontre le potentiel expressif d’un réalisateur tantôt sincère, tantôt acteur de sa propre image, mais bel et bien réalisateur de cinéma.

Fils de, HPG, avec HPG, Gwenaëlle Baïd, Christophe, France, 1h10.

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