La fresque interminable des Misérables, chantée à l’américaine, paie le tribut de l’incohérence majeure qui la fonde : à savoir qu’elle dit la Révolution Française en anglais. Elle aurait pu être sauvée par la profondeur de l’œuvre qu’elle adapte, mais son passage à l’écran verse trop facilement dans la caricature de la littérature du prophète qui savait faire parler la Nature.
Le ressort du scénario souffre d’un effet de radicalisation massive du principe moteur de Victor Hugo, qui consiste à nous faire partager les « tempêtes sous un crâne » de chacun de ses personnages. Il exacerbe le déchirement dans le paradoxe qui lui donne sa dimension tragique. Tom Hooper use et abuse du « Qui suis-je ? » de Jean Valjean, à la fois forçat et homme de Bien, père et amant (fantasmatique) de Cosette ; éternellement tiraillé entre le besoin de se sacrifier au collectif et procurer du bonheur individuel.
Il y a aussi Eponine, partagée entre son amour et sa jalousie, son courage et sa lâcheté ; et Marius écartelé entre son patriotisme et sa passion, l’affection pour ses camarades de combat et son adoration pour Cosette.
Au coeur de cette Révolution sans fin, qui de la Monarchie est passée à la démocratie sanglante de la Terreur, puis de la Monarchie de Charles X aux Barricades, chaque personnage est traversé par les circonvolutions que lui inflige sa structure paradoxale en double-bind.
Seuls les Thénardier restent constants dans leur vocation fondamentale à être sordides. Leur prestation, qui ose quelquefois friser avec le second degré, magnifiquement incarnée par Sacha Baron Cohen et Helena Bonham Carter, sauve le film des affres d’un sérieux qui l’aurait complètement englouti dans les décors majestueux et le ridicule.
Mais il y a aussi Cosette, cette petite fille qui nous a tous fait rêver enfants en échappant à ses peurs et à sa misère, grâce à un père imaginaire qui lui achète, sitôt arrivé, l’incroyable poupée de ses rêves. Cette poupée vivante que Jean Valjean s’achète à lui-même, qui en grandissant devient aussi niaise qu’insignifiante pour disparaître de nos rêves au profit d’un personnage complètement insipide. Cosette aurait dû rester petite, et son prénom enfantin accuse le décalage de ce qui tarde à se jouer dans un rôle qui nous semble comme oublié de la préoccupation de Victor Hugo. Mais pourquoi cette fillette ne grandit-elle donc jamais ? Pourquoi n’est-elle pas devenue autre chose qu’une adolescente, à qui il n’est rien arrivé jusqu’au jour où elle tombe amoureuse de l’homme de sa vie en un seul regard ?
Est-elle cette fille noyée d’Hugo qui n’a jamais grandi ?
En définitive, la version chantée des Misérables ne parvient pas à sauver ce qui sombre encore et toujours dans l’océan de l’Histoire, telle que le romantisme de Victor Hugo l’envisage : celle où les subjectivités passionnées s’opposent à la fatalité personnelle et collective.
Les Misérables, Tom Hooper, avec Hugh Jackman, Russel Crowe, Anne Hathaway, Grande-Bretagne, 2h30.
moi j’ai kiffé ce film
la musique est magnifique. et la mise en scene en mode « parlé-chanté » et puis les misérables c’est tellement génial que quelle que soit l’adaptation on a envie de pleurer.
c’est sûr que comparé à Tabou ou à NO, c’est déjà hyper plaisant ^^
lol