Quatre amis parieurs de PMU de quartier se mettent en tête d’acheter un galopeur, des étoiles plein la tête. Seulement, évidemment, tout ne se passe pas comme prévu…
Mon père fut jockey, mon grand-père également, les hippodromes sont ma deuxième maison. Ainsi, ma chronique de Turf sera bien plus pertinente que celles de Télé Loisir et de Xavier Leherpeur. Considérez que j’ai le meilleur des points de vue, celui que vous devrez défendre lors de l’ultime galette des rois familiale.
Le cinéphile que je suis s’est toujours étonné du manque de bons films traitant du domaine des courses hippiques. Le seul qu’avec mon jockey de père nous jugions à la hauteur de la beauté de ce monde, c’était Le Gentleman D’Epsom, avec Gabin en escroc des courses. Les courses hippiques étaient alors montrées via le prisme des parieurs. Lorsque les jockeys sont le centre de l’attention, les films sont toujours mauvais (pire exemple, Stretch, avec David Carradine), et quand c’est le cheval qui mène la danse, c’est alors vraiment hideux (Seabiscuit et tous les films où des gamins murmurent à l’oreille des canassons avant le jour-J, comme une métaphore de la piquouze du docteur Mabuse).
C’est sur le papier que Turf est le plus intéressant. Filmer le quotidien de co-propriétaires ex-parieurs pourrait laisser libre court à l’imagination de scénaristes tarés, tant les belles histoires sont pléthore :
– Jean-Pierre Barjon, PDG d’une entreprise de limonade, a eu pour première acquisition Meaulnes du Corta, vainqueur du Prix d’Amérique, et pour seconde Niky, placé de ce même prix.
– Alexandre Prévost, parieur compulsif, a repéré un cheval pendant plusieurs mois avant de se décider à en faire l’acquisition pour 120 000 euros. Depuis, ledit cheval Rapide Lebel, lui a rapporté 1 800 000 euros, et est à ce jour, le cheval le plus impressionnant qu’il m’ait été donné de voir en action. J’en veux pour preuve la vidéo ci-dessous :
– Pour 10 000 euros, Pascal Treyve, un boulanger de Bellegarde-en-Forez (Loire) a fait l’acquisition de Saônois, un galopeur qui lui a déjà rapporté 1 700 000 euros.
… et les histoires de Mr-tout-le-monde cinégéniques :
Un cheval, ça coûte bien plus cher que ça ne rapporte, dans 99% des cas, et si les vrais passionnés ne font pas d’acquisition pour l’argent, les plus cupides s’en mordent souvent les doigts.
Peu sont les propriétaires qui retombent pile-poil sur leurs pieds, ne gagnant et ne perdant aucun euro.
Ainsi, s’il est un sujet où le manichéisme peut être de rigueur, c’est bien celui des courses hippiques. Et exarcerber les stéréotypes, c’est un peu le job de Fabien Onteniente depuis quelques années maintenant. Alors, s’il est un réalisateur qui peut s’emparer de ce sujet en livrant un film potable, c’est sûrement lui, bizarrement. Et à l’inverse, s’il est un sujet de film pouvant donner d’Onteniente un truc pas trop moche, c’est celui-ci.
Le casting est prometteur : Chabat, Baer, Duquenne et Jean-Baptiste sont quatre exemples d’acteurs comiques qui parviennent à durer en se maintenant sur le filin humour malin – humour qui plaît (RIP Gad Elmaleh, Dany Boon, Jamel Debbouze, Florence Foresti, Anne Rouma non, pas elle).
J’ai ri. Beaucoup moins que Marie Gillain, qui était à côté de moi à la séance (rep à sa Thomas Fouet, t’as eu Julie Gayet j’ai eu Marie Gillain) et qui était tellement hilare que les gens se retournaient et lui jetaient des regards assassins. Il faut dire que c’est parfois très drôle. J’ai trépigné aussi, la faute à quelques grosses erreurs que seuls les turfistes verront, certes, mais qui dénotent d’un manque de documentation flagrant :
– Lorsque le cheval court à Ouistreham, sur un tout petit hippodrome, il part soi-disant à 140/1. Pourtant, chacun des amis a mis 10 euros gagnant sur lui : les paris hippiques fonctionnant sur un mode de paris mutuels, et l’hippodrome étant quasiment désert, à 40 euros gagnant sur un cheval, il est impossible que celui-ci parte à plus de 20/1.
– Bannette, la jockey, jouée par la jolie Vahina Giocante, n’a pas, mais alors pas du tout, sans faire offense à l’actrice, le physique d’une jockey de galop. Ceux-ci d’ordinaire sont de vraies brindilles, tout petits, tout fins.
Le film aurait été parfait s’il avait duré 45 minutes, les 45 premières, où l’on voit l’ascension de ces veinards culottés. C’est lorsqu’il tourne Jet Set, courses hippiques et magouilles qu’il en vient à réellement agacer. Depardieu joue l’escroc bedonnant, il y a de la drogue, des putes et de l’alcool. Onteniente se lâche, et comme à chaque fois, c’est insultant, méprisant envers à peu près la terre entière et vain, terriblement vain car plus jamais drôle.
Turf, Fabien Onteniente, avec Edouard Baer, Alain Chabat, Philippe Duquesne, Lucien Jean-Baptiste, France, 1h42.
COMMENT OSES-TU PARLER DE LEHERPEUR EN PAS GENTIL ?
Jte défonce.
Vous saccagez mes commentaires, ma p’tite dame.
Laissez béton, sinon ça va chauffer pour votre immatriculation.
oula, on entre dans une nouvelle dimension de la critique cinéma avec cet article ( un peu comme si un danseur faisait la critique de Black Swann, mais en encore plus pointu). Du coup, je suis curieuse. Tu as vu Luck, la série de HBO de David Milch sur le monde du turf, dont le pilote a été réalisé par Michael Mann et qui s’est arrêté à cause de mort de trois chevaux sur le tournage (et probablement aussi parce que c’était vraiment très expérimental)? Il y a une histoire assez semblable, de 4 turfistes qui achètent un cheval après avoir gagné de l’argent, avec toutes les transactions plus ou moins légales auxquelles se livrent les patrons d’écurie… Je me demandais à quel point c’était réaliste parce que c’est l’option inverse, avec mafia à la clef…
Luck, ce fut une des grandes tristesses de ma vie. L’arrêt de la série au bout de deux (sublimes) épisodes signés Mr Mann et dans lesquels, choses pas aisée, on pouvait un peu mieux comprendre le fonctionnement des courses hippiques (avec les magouilles en rab’, fantasme de cinéaste) fut une véritable tragédie dans la famille.
ça vaut pas un certain film sorti en 1973 NON ?
pas seulement 2 épisodes, il y a toute la première saison, quand même, avec 10 épisodes. Mais même si David Milch connaît le sujet un peu mieux qu’un certain réalisateur français (comme c’est toujours le cas pour les séries HBO), j’avoue que j’ai décroché au bout de 7 épisodes parce que je trouvais ça hyper abstrait (c’était un peu comme voir une série sur les échecs).