Récompensé par le Grand prix de la semaine de la critique à Cannes, Ici et là-bas, premier long métrage du réalisateur espagnol Antonio Mendez Esparza porte un regard doux-amer sur un Mexique tenté par le rêve américain.
On est tout de suite happé par la langueur et la douceur de vivre distillée dans ces plans séquences qui plantent le décor dans un petit village des montagnes du Guerrero. Une famille réunie par le retour d’un père parti travaillé au Mexique s’y dévoile dans le quotidien retrouvé : les scènes de repas familiaux et chamailleries fraternelles participent à la construction d’une chronique tendre et pudique, au ton quasi-documentaire. Si les personnages peuvent parfois manquer de consistance, la caméra capte des instants de bonheur et d’intimité dans des plans qui s’étirent dans la durée sans pour autant sombrer dans la pure intention contemplative.
Mais ces instants partagés en famille ne peuvent qu’être éphémères. Alors même que les ambitions de Pedro sont proches de se réaliser, les contraintes économiques sont omniprésentes et se dressent contre un projet pourtant simple : assurer à sa famille une vie correcte et monter son groupe de musique. La résignation se lit dans les yeux de Pedro, constat amer des limites du pouvoir de la volonté. Il aura beau se lever tous les matins pour faire la tournée des chantiers, les constructions n’en seront pas moins arrêtées, faute de financement suffisant.
Loin des clichés réducteurs souvent assimilés à la société mexicaine (violence, guerre des gangs, narcotrafic), le film révèle les limites d’une modernité apparente : l’américanisation en surface de la culture mexicaine ne comble pas le retard de développement économique du pays. Les adolescents rêvent de breakdance mais doivent se contenter d’une carrière aux champs. On comprend alors que la tentation de la frontière se fasse pressante.
Ici et là-bas, Antonio Mendéz Esparza, avec Teresa Ramirez Aguirre, Pedro De los Santos Juàrez, Lorena Guadalupe Pantaleon Vàsquez, Espagne / Etats-Unis / Mexique, 1h50.