S’il y a une saga qu’on ne s’attendait pas à voir revenir si vite au cinéma, c’est bien Jurassic World. La dernière trilogie s’achevait avec Le monde d’après, habile transposition du titre original Dominion dans une ère post-Covid. Contrairement au film en lui-même qui n’avait rien d’habile et tout d’horrible.
Les dinosaures vivaient en harmonie avec les humains et les autres animaux, après une aventure mêlant sauterelles géantes et réunion de famille Park-World (parce que legacyquel, y’a quoi ?).
Il est maintenant l’heure de Jurassic World : Renaissance (ou plutôt, re-renaissance). Exit Colin Trevorrow, c’est Gareth Edwards qui prend la relève à la réalisation, accompagné par le scénariste David Koepp, déjà derrière les deux premiers films dirigés par Steven Spielberg (mais à l’époque il adaptait le matériau de base créé par Michael Crichton, ndlr). Dans cette nouvelle ère, cinq ans après les événements du Monde d’après, les dinosaures disparaissent de la surface de la Terre (!). Un environnement hostile et des conditions météorologiques défavorables s’accompagnent d’un désintérêt croissant du public pour les animaux du Crétacé. Les espèces survivantes se trouvent dans des lieux isolés, proches de ceux de leur ère d’origine.
Dans tout ce bazar, la mercenaire Zora Bennett (Scarlett Johansson) doit conduire une expédition sur une île afin de récolter l’ADN des trois plus grands dinosaures du monde pour créer un remède déterminant pour l’avenir de l’humanité. Elle et son équipe ignorent encore ce qui les attend sur l’île – celle-là même où est né le tout premier Jurassic Park…

Il paraît que l’une des conditions à ce que David Koepp retrouve son poste de scénariste était de ne pas faire de retcon (de nier ce qui s’est fait précédemment dans une franchise, comme Halloween et sa dernière mouture, suite directe du film original de Carpenter). Avec ces (longs) cartons introductifs qui annihilent quasiment l’existence des dinosaures sur Terre, alors qu’il y vivaient maintenant en harmonie avec le reste du monde, c’est presque tout comme. Et un parfait prétexte pour revenir à un environnement restreint, à l’image des films originaux. Un peu comme si on se forçait à avouer que Jurassic ne pouvait pas marcher ailleurs que sur une île.
Pour un réalisateur tel que Gareth Edwards, Jurassic World ne pouvait constituer qu’un immense terrain de jeu. Et une suite logique vu la carrière du bonhomme, déjà habitué au gigantisme des créatures (coucou Godzilla) comme des productions hollywoodiennes, avec Rogue One et The Creator. Force est de constater qu’il est parvenu à insuffler un minimum sa patte à l’ensemble, offrant quelques morceaux de bravoure et de tension où la petitesse de l’homme se fait sentir, malgré tous les moyens à sa disposition. Il doit cependant se dépatouiller avec des effets spéciaux pas toujours grandioses (la scène de l’escalade est difficile à regarder), mais surtout avec un scénario relativement convenu, ou parfois complètement stupide. Quand un simple emballage de Snickers permet à un T-Rex génétiquement modifié de semer la panique dans un méga-laboratoire secret, on se croirait presque dans un Destination finale. C’est dire à quel point le film vous demande de mettre de côté votre incrédulité. Ou à justifier l’existence de Dolores, le bébé dino mignon, qui ne semble être là que pour vendre des produits dérivés.
C’est aussi avec son rythme en dents de scie que Jurassic World : Renaissance peine à convaincre. D’abord par sa longue introduction, puis son récit entrecoupé par la séparation des personnages. D’un côté, l’équipe venue accomplir sa mission. Et de l’autre, une famille rescapée après l’attaque de son bateau par un monstre marin. Si Edwards et Koepp ont le mérite de faire de leur film un vrai stand-alone, sans convoquer les anciens personnages de la franchise, ils ont cependant plus de mal à donner corps aux leurs. Ils ne dépassent jamais vraiment le stade de l’archétype, malgré tel charisme du duo formé par Scarlett Johansson et Jonathan Bailey, dont l’enjeu est bien trop manichéen.
L’hommage tient davantage du clin d’œil : un plan sur un rétroviseur, ou l’inévitable thème principal de la saga réarrangé par Alexandre Desplat qui surgit là aussi quand les personnages découvrent des dinosaures au plus près – ici à portée de main. À cela près que la scène n’a pas du tout le même impact que celle de l’original : si les personnages de Scarlett Johansson et Jonathan Bailey observent deux spécimens en plein rapprochement, la beauté du moment se perd quand on se rappelle qu’ils sont tous deux génétiquement créés par l’homme. Et de facto, des « aberrations » : l’île est la poubelle des dinosaures que personne ne veut voir, à l’image du D-Rex, dont l’affreuse bouille rappelle le Némésis de Resident Evil. Des brouillons qu’on jette à la poubelle, dans un monde où les dinosaures « n’intéressent plus ». Un peu comme Hollywood, qui aurait peut-être mieux fait de laisser Jurassic World se fossiliser à nouveau que de rater cette nouvelle expérience…
Jurassic World : Renaissance, un film de Gareth Edwards, avec Scarlett Johansson, Jonathan Bailey, Mahershala Ali, Rupert Friend… En salles le 4 juillet 2025.