Voilà, c’est reparti pour un tour, le 78ème Festival de Cannes s’est ouvert hier. Et après une cérémonie d’ouverture décevante, c’est Partir un jour d’Amélie Bonnin qui a eu la lourde charge de lancer les festivités.
Depuis quelques années, le Festival a la bonne idée de choisir un film qui sort en même temps dans les salles, histoire de reconnecter un peu la bulle cannoise au reste de la France. Et depuis 2022, ce sont des films Hors compétition qui sont choisis, ce qui permet de commencer avec des œuvres un peu plus légères. Le choix de Partir un jour reste cependant audacieux étant donné qu’il s’agit du premier long métrage de sa réalisatrice, qui s’est fait connaître en remportant en 2023, le César du meilleur court métrage pour… Partir un Jour.
En effet, le long métrage de 2025 est une adaptation de son court métrage avec le même duo d’acteurs : Juliette Armanet et Bastien Bouillon. La thématique du « transfuge de classe » demeure mais c’est désormais Juliette Armanet, Cécile dans le film, qui interprète le rôle de celle qui doit revenir dans son village d’enfance. Bastien Bouillon récupère le rôle de l’amour d’enfance, resté sur place.
Julie est donc une star montante de la cuisine, victorieuse à Top Chef et sur le point d’ouvrir son restaurant. Un infarctus de son père l’oblige à revenir chez ses parents qui tiennent un modeste restaurant pour routiers. Julie va donc être confrontée à son passé qu’elle semble avoir rejeté, et pour exprimer toutes leurs émotions, les personnages chantent des gros tubes.
Car oui, Partir un jour est un film musical. À tout moment dans les dialogues, une musique peut se lancer et les personnages vont se mettre à chanter des tubes qui vont de Cécile de Nougaro à Femme like U de K. Maro. Vous vous dites sûrement en lisant ces lignes « ohlala ». Et, en effet « ohlala ». C’est un projet sacrément casse-gueule que Partir un jour. D’autant plus que Juliette Armanet est la seule dans le casting qui sait chanter et que les autres ne font même pas semblant d’essayer. C’est finalement assez malin car ça renforce le côté « femme parfaite » en décalage du personnage de Julie, et ça donne à l’ensemble du film un côté karaoké entre potes assez sympathique. C’est totalement assumé étant donné que le générique défile en format paroles de karaoké que vous connaissez bien si vous êtes amateurs ou amatrices de reprises de L’aventurier à 23h dans un PMU ou dans une box privatisée, selon votre religion. Malheureusement, le film ne joue pas assez avec son concept. Une très bonne idée qui voit l’utilisation de quelques notes interrompues de Cabrel pour faire comprendre beaucoup de choses de manière originale sur l’un des personnages nous fait regretter que le reste du film soit resté si prévisible, peut-être effrayé lui-même par son propre concept.
La vraie question, c’est de savoir si De Niro a téléchargé la discographie de K. Maro après le film
Sympathique, c’est le mot qui résume bien notre ressenti à la sortie de ce film qui n’a malheureusement pas beaucoup plus d’ambitions que cela. Le traitement de ce qui semblait être le sujet du film, la transfuge de classe, est limité au minimum syndical avec des dialogues tellement scolaires qu’ils en deviennent parfois gênants. Ne vous attendez donc pas à une relecture musicale de Didier Eribon. L’opposition de la grande ville et de la province est régulièrement rappelée à grands sabots sans que le film n’en fasse jamais quelque chose d’intéressant. Heureusement, les personnages, qui ne sont pas non plus écrits avec beaucoup de subtilité, sont sauvés par leurs interprètes. Juliette Armanet, Bastien Bouillon, François Rollin et Dominique Blanc arrivent à donner une existence à ces archétypes narratifs et permettent au spectateur de se laisser emporter par le fil ténu du scénario.
Partir un jour ne parviendra malheureusement pas à rester dans nos têtes aussi longtemps que les musiques auxquelles il rend hommage. Trop sage, trop plat, trop léger, il lui manque beaucoup d’arguments pour sortir du lot. Mais il arrive à toucher, dans sa sincérité et dans ses fragilités, une corde qui le rend agréable. Un bon choix de film d’ouverture pour commencer le Festival en douceur.
Partir un jour, d’Amélie Bonnin avec Juliette Armanet, Bastien Bouillon, François Rollin, Dominique Blanc et Tewfik Jallab, sortie en salles le 14 mai 2025