En 2019, le réalisateur Leigh Whannell était connu des fans de cinéma horrifique pour ses nombreuses collaborations avec son comparse James Wan puis pour un long métrage à la croisée d’un épisode de Black Mirror et un actioner de Scott Adkins, Upgrade. Lors d’un rendez-vous avec Universal, on lui demande ce qu’il ferait d’un personnage classique comme L’Homme Invisible. Son pitch improvisé lui permis alors de décrocher le jackpot et de réaliser un film qui eu l’effet salvateur de couler définitivement le Dark Universe, tentative de marveliser les Universal Monsters, et de renouveler le genre avec une approche aussi divertissante que politiquement pertinente.
Renforcé par l’accueil chaleureux fait à Invisible Man, le studio décide qu’il faut continuer sur la même voie et proposer de nouvelles versions, toutes personnelles et originales, des monstres célèbres du studio ; le prochain à venir sera le loup-garou. Après de nombreuses péripéties en coulisses et des allées et venues de réalisateurs et de stars dont Ryan Gosling et Derek Cianfrance, c’est finalement Leigh Whannell qui s’y colle également. Il co-écrit le scénario avec sa compagne et collaboratrice Corbett Tuck, pour une nouvelle relecture intime et personnelle de la figure du lycanthrope.
Le résultat est, à mon grand déplaisir, loin d’être aussi réussi qu’Invisible Man, non sans être dépourvu de qualités indéniables et d’une vision singulière de la mythologie convoquée. Le cinéma de Leigh Whannell est souvent rattaché à l’héritage familial et à l’envie des parents de casser le cycle de la tourmente (voir pour cela la saga Insidious, son meilleur exemple), et c’est qu’il entreprend d’explorer ici. Les deux premiers plans du film annoncent justement cette intimité, cette proximité du récit : d’abord par un plan macroscopique qui met en scène une guêpe affrontant de nombreuses fourmis plus petites mais plus vaillantes, et ensuite un plan aérien d’une clairière avec une maison filmée comme une miniature.

Cette introduction forestière est la meilleure partie du film. On y découvre le protagoniste enfant et sa relation compliquée avec son père chasseur ; lui est rêveur et voit de la poésie dans les branches d’arbre, tandis que le paternel y voit du danger. Leur première rencontre avec le loup est immédiate, même si on ne le verra jamais réellement. Whannell joue ici sur le hors champ avec une maestria assez remarquable, notamment en condamnant le spectateur à plusieurs reprises à observer à l’aide d’un sniper – ce qui révèle beaucoup certes mais en dissimule tout autant.
Cette introduction sert de décodeur pour le reste du récit, qui se déroule trente ans plus tard : l’enfant devenu adulte et papa à son tour ne veut pas devenir son père. Il panique en se voyant crier sur sa fille à l’idée de reproduire ce qu’il a vécu, une situation pas particulièrement claire hélas puisque la relation père-fils du début est peu explorée et aussi que la situation où il lève la voix est… Assez compréhensible. Moi aussi si ma fille se mettait à marcher en équilibre au bord d’une avenue remplie de voitures et qu’elle ne m’écoutait pas, je pense pas que je resterais super calme.
L’autre élément pas assez exploré, c’est le troisième personnage : la mère. Tôt dans le scénario, elle nous explique (sans le montrer, cela passe par du dialogue) qu’elle n’a pas de relation de complicité avec sa fille, contrairement à son mari. Une idée intéressante qui est hélas peu utilisée dans le reste du film, qui se déroule donc dans la maison d’enfance du père, dans la clairière. Son père est décédé et il convainc sa petite famille de venir y passer des vacances, pensant que le grand air réglerait leurs problèmes. Que nenni, puisqu’ils sont attaqués par le loup-garou à leur arrivée, le père se fait griffer et tombe malade.

Je suis dur ici dans mon écriture, mais la première moitié de Wolf Man se tient très bien. La mise en scène de Whannell sait amener la peur et la tension, et on comprend son propos. Dès que son personnage principal tombe malade et commence à se transformer, il devient encore plus intéressant et joue ici avec un mouvement de caméra signifiant un basculement d’un point de vue à un autre. Ce basculement permet d’explorer la transformation en loup-garou comme une maladie, Whannell ayant pensé le projet à l’origine comme un parallèle avec le Covid.
Une approche certes intéressante mais qui déplaira aux fans de films de loup-garou (moi) qui en attendaient davantage côté visuel, puisqu’ici la créature est traitée dans son design comme très peu animale. On est plus sur une sorte de maladie dégénérative quasi réaliste, mais qui utilise quand même certains idées visuelles et thématiques iconiques du loup-garou ; l’entre-deux laisse sur sa faim et donne l’impression que le film se cannibalise lui-même, comme le fait le héros dans l’un des meilleurs passages du film.
Au bout d’une heure quarante, les péripéties tournent un peu en rond et Whannell peine à tirer profit de son arène avec la maîtrise qu’on lui connaît sur Upgrade et sur Invisible Man. Sans être jamais réellement mauvais, Wolf Man déçoit donc parce qu’il a beaucoup de munitions et ne fait pas souvent assez mouche. Le tout n’est jamais déplaisant, mais on en attendait plus de la part du bonhomme… L’image finale du film notamment, aurait beaucoup plus d’impact si le film traitait vraiment son sujet de transmission père-fils à bras le corps. Là où Invisible Man parlait avec brio de la violence des hommes, c’est comme si ici il avait oublié d’en parler avant d’arriver à sa conclusion.

Ah et rien à voir mais une pensée finale pour les fans de Game of Thrones : l’épisode de la bataille de Winterfell vous a traumatisé avec ses scènes imbitables dans le noir indiscernable sur vos téléviseurs ? Et bah voyez Wolf Man au cinéma avant qu’il ne sorte en vidéo, parce que même en salles y’a des moments où on voit rieeeennnnn c’est une folie.
Wolf Man, un film de Leigh Whannell, au cinéma le 15 janvier 2025.